Depuis que j’avais dégusté une des cuvées de ce domaine au restaurant Raphaël Vionnet (voir mon post juste au-dessus), j’avais prévu de lui rendre visite pour découvrir le reste de la gamme. Il faut dire que les commentaires dans ce fil de la joyeuse bande de LPV Forez m’ont aussi encouragé à le faire.
Retour de vacances de Savoie direction le Berry : Tartaras est sur la route, à condition de passer par Lyon. Rendez-vous est donc pris avec Anne Déplaude quelques jours auparavant pour m’assurer de sa présence.
Vous l’aurez compris, Déplaude (avec un accent, merci pour eux à ceux qui ne l’oublieront pas) est le nom de famille d’Anne et Pierre-André, et Tartaras est le nom du village où ils résident.
Je suis accueilli par Pierre-André qui me confie à Anne pour la dégustation. L’accueil est simple, direct et cordial, et le dialogue va vite s’instaurer.
L'appellation de paysans-vignerons est revendiquée, comme par Nicolas Ferrand du domaine des Côtes Rousses par exemple : c’est en effet toute une philosophie, en plus ancrée dans leur cas dans leur passé de paysans. Ainsi, après avoir débuté cette nouvelle activité vigneronne en 2003, le passage en agriculture biologique s’est fait très rapidement en 2008 et celui en biodynamie dans la foulée en 2009. Les préparations sont réalisées par un groupement d’agriculteurs locaux adeptes de la biodynamie. Cela va plus loin, sans revendiquer le nom de vins "nature", en limitant au maximum les doses de soufre : 15 à 30 mg pour une année « normale » comme 2021, 25 à 50 mg pour pouvoir protéger efficacement les vins en année chaude.
Pierre-André et Anne se partagent le travail, aussi bien à la vigne qu’en cave, pour les 7,5 ha du domaine, avec l’aide ponctuelle de quelques saisonniers. C’est sans doute leur souci de rester proches des gens qui explique que 50 % de la production est vendue aux particuliers, contre 20 % à l’export et 30 % qui se partagent entre cavistes et restauration.
Mais ce qui fait l’originalité du domaine est son sol de schistes. Cela confère de la finesse et de la tension aux vins mais, comme il n’y a pas de sous-couche d’argile, rien ne retient l’eau et la vigne souffre particulièrement en cas de sécheresse, avec comme conséquence au minimum une baisse des rendements. Et malheureusement 2022 est en train de combiner les excès de 2019 (chaleur) et de 2020 (sécheresse). Ainsi les 20 mm d’eau tombés le 14 août correspondaient à la première pluie depuis le 30 juin…
L’appellation est IGP Collines Rhodaniennes, une appellation assez vaste et qui regroupe des sols et des cépages bien différents, mais on a affaire ici à une personnalité bien particulière et commune aux différentes cuvées.
On commence la dégustation, les bouteilles ayant été ouvertes depuis au moins la veille. Anne conseille d’ailleurs une ouverture 24 h à l'avance pour tirer le meilleur de ses vins. Quant à la garde, quelques années ne leur font pas peur, jusqu’à 10 ans pour certaines cuvées dans certains millésimes. Les vins sont plus marqués par la minéralité du terroir en jeunesse avant que le fruit ne prenne le dessus après quelques années.
Pas de photos, mais il est important de souligner que les étiquettes sont originales et très belles !
On attaque par les blancs.
Les yeux fermés – 2021
Il s’agit d’un assemblage de cépages typiquement savoyards : 60 % de jacquère, 40 % de roussanne et une touche de chasselas, ce qui fait un peu plus de 100 % mais quand on aime on ne compte pas ! L’élevage en cuves diamant dure six mois.
Un nez frais et friand même si pas très disert, une bouche de bonne vivacité avec une minéralité pierreuse modérée et une finale salivante.
Bien +
Poussière d’étoiles – 2021
Assemblage de 85 % de chardonnay et 15 % de viognier, élevage de 8 mois pour partie en fûts (pas neufs) et partie en cuves.
On change de registre avec un vin qui en impose dès le nez par son aromatique franche et intense, son ampleur en bouche qui s’accompagne d’une pellicule de gras et une finale nette et plus fraîche.
Bien ++ / Très Bien
L’écume des jours – 2020
L’assemblage comporte 85 % de marsanne et 15 % de roussanne, à moins que ce soit du viognier comme l’indique le site, mais cela peut aussi varier selon les millésimes. L’élevage dure dix mois en demi-muids.
Je retrouve la cuvée qui m’avait enchanté sur un magnum de 2018 : une aromatique solaire, de la race et de la profondeur, mais aussi de la tension grâce au sol schisteux.
Très Bien
Il restait quelques magnums de 2018 à la vente : j’en ai pris un !
Corde sensible – 2020
Il s’agit d’un monocépage viognier, les vignes étant les plus âgées du domaine (une quinzaine d’années, ce qui rend d’autant plus remarquable la tenue des autres cuvées issues de jeunes vignes).
L’élevage a lieu principalement en demi-muids, avec un peu de barriques, mais pas neuves, pendant dix mois.
Le nez m’a paru fermé, en tout cas sans arôme variétal. La bouche en revanche ravit par son équilibre, les arômes d’abricot et de violette ressortant mais en délicatesse, avec toujours la fraîcheur apportée par les schistes. Finale de belle longueur avec de l’impact.
Très Bien
Un rosé pour faire la transition avec les rouges.
Eté indien – 2021
C'est un rosé de saignée à base de syrah.
Un rosé léger, à la robe plutôt claire pour de la syrah et pour le type de vinification, également par son profil acidulé et son faible taux d’alcool (11 °). Simple mais efficace, et correspondant bien au millésime.
Bien +
On passe aux rouges.
Mine de rien – 2021
Il s'agit d'un monocépage de mornen noir, un cépage de la vallée du Gier et du Pélussinois., élevé neuf mois en vieux fûts.
Nez mêlant fruits et fleurs, bouche svelte et très acidulée, légère (11 °), à l’aromatique intéressante.
Bien ++
Ciel d’orage – 2021
Un assemblage avec du gamay majoritaire, du pinot noir et de la syrah, élevé huit mois en cuves.
Un beau fruité qui se teinte d’arômes légèrement torréfiés, une bouche plus ronde que celle de la cuvée précédente, mais toujours empreinte de vivacité et finalement d’un bon équilibre classique.
Bien ++
Le vent se lève – 2021
Une syrah en sélection parcellaire avec exposition Est, élevée onze mois en demi-muids et en fûts.
Les épices viennent se mêler aux fruits noirs, la bouche est plus corsée tout en restant bien droite et la finale persistante est bien salivante.
Bien ++ / Très Bien
Voilà qui termine une bien belle dégustation ponctuée d’échanges très intéressants.
Alors que le soleil était bien présent à mon arrivée, un ciel noir menace à l’ouest à mon départ. Anne me confirme qu’il faudrait encore un peu de pluie avant les vendanges envisagées vers le 20 – 25 août.
Mais dix minutes après l’avoir quittée c’est de la grêle qui s’abattait sur ma voiture et à Saint-Etienne les conditions étaient assez dantesques… J’espère que le domaine des Déplaude de Tartaras n’aura pas été trop touché, ainsi que les autres de la région.
Un grand merci à Anne et Pierre-André Déplaude pour l’esprit qui les anime et qui se retrouve dans leurs vins !
Jean-Loup