Des Saint-Julien et un superbe accueil pour un invité à New LPV Paris !
Florian (Flo ou Frisette, comme vous voulez) avait été invité par New LPV Paris en septembre et cela m’a donné une idée. Sachant que j’allais venir à Paris pour quelques jours, je suis passé par mon entremetteur Vivien pour savoir si par hasard une dégustation était prévue dans ces eaux-là…
La réponse a été rapide et positive : le thème sera Saint-Julien et il y aura une place pour toi.
Je me dirige donc vers le repaire du club, Les fous de l’Ile (ce n’est pas le nom du club mais le nom du restaurant !).
Paris by night : photo prise du Pont Marie, à 50 m du restaurant.
Quel plaisir lors de cette soirée ! Les vins, bien sûr, on va en parler, d’autant que Saint-Julien est mon appellation préférée de Bordeaux.
Mais surtout cette rencontre avec de vrais passionnés, des connaisseurs et qui, en même temps, ne coupent pas les cheveux en quatre. Heureusement, car je n’en ai plus beaucoup…
François a estimé qu’il serait de bon ton de démarrer par un apéritif avec deux blancs qu’il a donc apportés, hors thème bien sûr ; il a bien fait !
Ils sont dégustés à l’aveugle comme tous les vins de la soirée et comme il se doit…
Domaine Jean-Paul & Benoît Droin – Chablis – 2020
L’or de la robe est assez clair.
D’une belle intensité, le nez est fort avenant, ma foi, et allie des arômes marins (coquille d’huître), de fruits plutôt jaunes et de mousseron.
La bouche bien ample affiche une minéralité toute chablisienne, à la fois par sa tension et sa salinité, jusque dans sa longue finale ciselée et très salivante.
Très Bien
La plupart d’entre nous se dirige sur Chablis. Mention spéciale pour Vivien qui annonce Droin, je crois avant d’avoir passé le vin en bouche !
Domaine Gérard Boulay – Sancerre – Clos de Beaujeu – 2019
La robe se présente sous un or clair.
Le nez d’intensité moyenne est très marqué par la pierre mouillée. Seules quelques notes de fleurs blanches arrivent à émerger.
La bouche est dans la continuité, d’une acidité qui apparait instantanément et ne vous lâche plus, accentuée par cette sensation de sucer un caillou. La finale se diversifie un peu en apportant de jolis amers.
Bien ++ mais le vin est beaucoup trop jeune. Dans cinq ans il devrait commencer à se complexifier et acquérir plus de confort en aromatique et en structure de bouche, tout en conservant ce beau support acide.
J’avais bien positionné ce vin à Sancerre mais sur un sol de silex en raison de cette tension prégnante.
Le malin François nous avait donc concocté une paire de deux vins provenant de sols similaires, à base de marnes kimméridgiennes, celles-ci étant appelées Terres blanches à Chavignol. Jamais je n’aurais pensé mieux noter un Chablis village qu’un tel cru de Chavignol, mais celui-ci a été desservi par sa jeunesse et peut-être une température de service trop fraîche… Et je n’ai pas eu le temps de le réchauffer : Saint-Julien frappe à la porte et on ne fait pas attendre un Saint !
Pour accompagner les premiers Saint-Julien : un délicieux tartare de thon sur lit d’avocat
Première paire : deux vins d’un même millésime chaud qui commence à pouvoir être abordé
Château Moulin de la Rose – Saint-Julien – 2009
La robe très sombre laisse apparaître des reflets violets sur la frange.
Le nez très expressif reste dans les canons médocains avec des fruits noirs, du fumé, une touche balsamique et une autre vanillée.
L’attaque fait preuve d’un bel équilibre mais cela se dégrade un peu en finale avec des tanins encore un peu fermes et une acidité plus forte.
Bien ++ / Très Bien
Ce vin, seul non classé de la soirée, ne s’en sort pas mal, et étonnamment il paraît moins prêt que son challenger ; plusieurs caractéristiques (robe, tanins et acidité) font pencher pour un avenir encore meilleur.
Château Talbot – Saint-Julien – 2009
La robe bien sombre a, elle, perdu ses reflets de jeunesse sans encore gagner ceux d’évolution.
Très intense, le nez exhale une aromatique qui commence à se diversifier, avec bien entendu une base de fruits noirs comme le cassis et la mûre, mais également du cuir et un soupçon de poivron rouge très mûr du plus bel effet.
La bouche a l’empreinte du millésime, par sa chair généreuse, sa vivacité minimale mais suffisamment présente pour équilibrer l’ensemble, son toucher soyeux et tout en finesse, jusque dans la finale d’allonge très satisfaisante.
Très Bien + pour ce vin qui a d’après moi atteint son plateau d’apogée et qui va pouvoir y rester longtemps tout en évoluant vers une aromatique plus tertiaire.
Un vin seul pour faire la transition
Château Gruaud Larose – Saint-Julien – 2007
La robe sombre paraît encore assez jeune.
Le nez très intense est empreint d’une aristocratie toute pauillacaise (je sais, on est au sud de Saint-Julien et Pauillac est au nord, mais c’est mon ressenti
) : cassis bien sûr, et surtout suie et mine de crayon.
En bouche la matière fait preuve d’une belle présence avec même une certaine densité, mais l’acidité prégnante prend le dessus et rend le fruité acidulé, avec des accents plus orientés vers le sous-bois ou légèrement végétaux. Les tanins plutôt fondus, une finesse notable et une persistance correcte complètent le tableau.
Très Bien, ce qui est donc une bonne note dans le contexte d’un millésime difficile.
Première triplette (tronquée) : une mini-verticale d’un superbe château
Château Léoville Poyferré – Saint-Julien – 2006
La robe se présente encore très sombre et assez jeune.
Très ouvert, le nez développe un fruité noir pur de cassis et myrtilles, teinté de touches pointillistes de graphite, florale et de tabac.
Toute en droiture, mais dotée d’une matière irréprochable, la bouche ravit par son élégance et son grain de grande finesse, aux tanins fluides. La finale persistante et salivante est à l’unisson et parachève ce beau tableau auquel ne manque qu’un peu de chaleur.
Très Bien +(+) et remarquable pour le millésime moyen.
Château Léoville Poyferré – Saint-Julien – 1986
Le vin est malheureusement bouchonné.
ED
Ceux qui ont quand même testé la bouche ont noté une finesse remarquable.
Château Léoville Poyferré – Saint-Julien – 2009
La robe très sombre est ourlée de violine.
Le nez réclamera un peu d’aération dans le verre pour s’exprimer de manière intense. Mais la complexité et la classe sont évidentes d’entrée : des fruits noirs avec de la quetsche voire un soupçon de pruneau qui viennent compléter les classiques cassis et mûre, du cuir noble, du tabac, mais pas vraiment d’arômes fumés.
La bouche est extravertie pour un Bordeaux, en aromatique, en volume et en densité, sans manquer de finesse. Racée, soutenue par des tanins poudreux, elle est mobilisée puis propulsée loin par une très belle vivacité.
Très Bien ++ / Excellent et pourtant c’est bien trop jeune. Un futur grand vin, peut-être dans dix ans ? Mais François en a cinq autres…
Pour accompagner la suite des Saint-Julien : une très goûteuse poitrine de veau avec déclinaison de patates douces
Deuxième triplette : une mini-verticale d’un non moins superbe château
Château Léoville Barton – Saint-Julien – 2008
La robe bien sombre montre encore quelques signes de jeunesse.
D’une belle intensité mais pas exubérant, le nez frappe par sa profondeur et sa noblesse cistercienne. Les fruits noirs sont présents et bien nuancés par des incursions tour à tour dans les gammes empyreumatique, épicée et animale.
L’équilibre, que dis-je, l’harmonie en bouche, est magnifique. La matière est mûre et suave sans excès, une belle fraîcheur apporte de la finesse, les tanins sont apaisés et la belle persistance permet de profiter plus longtemps de ce beau vin.
Très Bien ++ Le vin en est au tout début de son apogée mais celle-ci va durer. Le profil frais du millésime se ressent bien, sans en avoir les excès : un vrai vin de pdf !
J’ai toutefois préféré le Léoville Poyferré (toujours plus avenant que Barton) du même millésime bu tout récemment en magnum.
Château Léoville Barton – Saint-Julien – 2006
La robe est sombre et plutôt jeune.
Le nez bien expressif donne une impression d’épanouissement, sur un fruité pur de cassis et de mûre.
La bouche contraste un peu, par un certain jansénisme, propose en rétro-olfaction un fruité plus acidulé et joue dans un registre plus fluide sans être fluet. Les angles des tanins demandent à être encore un peu polis mais ceux-ci façonnent un ensemble cohérent et de bonne allonge.
Très Bien +
Le Léoville Barton 1988 est lui aussi bouchonné (damned !
) mais Pierre a plus d’un tour dans son sac et va y
pêcher récupérer un …
Château Léoville Barton – Saint-Julien – 2000
La robe s’éclaircit un peu et commence tout doucement à tuiler sur le pourtour du disque.
Le nez révèle une grande fraîcheur, avec un fruité acidulé et du sous-bois.
La bouche est racée mais encore corsetée par des tanins bien présents en proportion de la matière. Le style austère de LB est donc mis en avant dans ce millésime pas forcément réussi partout.
Très Bien
Deuxième paire : le roi des Saint-Julien pour terminer, sur deux millésimes qui font le grand écart
Château Léoville Las Cases – Saint-Julien – 2002
La robe est sombre et encore entre deux : elle n’est plus jeune mais pas encore vraiment évoluée.
D’une intensité moyenne, le nez s’affirme à l’aération pour livrer un cocktail de cassis et de cuir ainsi que des notes plus chaleureuses de pruneau voire de caramel.
Il y a beaucoup de tout en bouche : une grosse charpente, une matière puissante, un manteau de tanins et une acidité vertébrale. Tout est donc là mais ces différentes qualités ne sont pas encore fondues pour faire un grand vin. La finale d’allonge très honorable joue dans un registre plus effilé et précis.
Très Bien +(+) mais un vin calibré pour la garde qui va je pense devenir excellent. J’avais d’ailleurs noté il y a un peu moins de cinq ans qu’il était impérativement à attendre.
Château Léoville Las Cases – Saint-Julien – 1977
La robe est de loin la plus claire de tous les Saint-Julien de la soirée et sa teinte tuilée gagne même vers le centre du disque. C’est normal : il a 25 ans de plus que son jeune frère bu en parallèle.
Le nez intense séduit d’abord par son aromatique tertiaire de sous-bois, de bois précieux et de havane, avant qu’une note moins noble de type serpillère vienne gâcher ce bel ensemble.
La bouche signe malheureusement l’arrêt de mort de ce vin : décharnée (mais elle n’a sans doute jamais possédé une chair très dense), d’une grande acidité et avec des tanins encore accrocheurs.
Bien + pour le nez et par respect pour son âge.
Un LCC de 40 à 50 ans peut toutefois être grand, pas sur 1977, millésime parmi les plus difficiles, et je mettrais bien une pièce sur le 2002 pour vérifier dans vingt ans…
Une douceur pour accompagner le dessert
Château Coutet – Barsac – 1990
La robe se présente sous un or intensément ambré et lumineux : c’est engageant !
Hélas, le premier nez dérange, par ce que je prends d’abord pour une senteur légèrement liégeuse et qui s’avèrera être plutôt du solvant. Cela s’atténue à l’aération, sans disparaître, pour faire apparaître de beaux arômes de vieux Sauternes, avec du safran, de l’orange et de l’abricot confits, beaucoup de rôti.
La bouche est également riche, plus en aromatique, avec le même petit problème, qu’en sucrosité. L’acidité, d’abord sous-jacente, reprend le dessus dans la finale très persistante.
ED
Dommage car c’est un vin que j’avais énormément apprécié à trois reprises (Vivien me l’a rappelé et le moteur de recherche de LPV a été efficace pour pallier mes défauts de mémoire).
Bon, c’était presque une dégustation de Léoville (huit sur onze), comme celle organisée en juin 2017 par LPV Versailles, mais en l’absence de Ducru-Beaucaillou, on a eu confirmation qu’ils tiennent le haut du pavé de l’appellation, avec une préférence de ma part pour le style de Poyferré, plus rond et charmeur, même si moins aristocratique que Barton et moins puissant que Las Cases.
Deux mots sur le restaurant : bon et sympathique !
Un peu plus sur les convives.
La forme très allongée de la table ne m’a pas permis de bien discuter avec tous mais merci à François (maître de soirée), Stéphane (un parfait alliage de sagesse et de lâcher-prise), Pierre (qui a donné son nom au restaurant et qui ne dépareillerait pas dans la bande de copains de mon fils), Vivien (que je ne présente plus), Joseph (la force tranquille), Patricia, Cédric, Sébastien et Emmanuel, de m’avoir si bien accueilli !
LPV est décidément une grande et belle famille…
A une prochaine, les amis !
Jean-Loup