Vendredi dernier fut une bis repetita de la semaine précédente avec un autre public et une sélection légèrement moins prestigieuse, mais où nous nous sommes tout de même régalé.
Champagne Tatitinger Brut Réserve NM (dégorgement récent)
Classique BSA de grande maison sans vieillissement en cave supplémentaire.
La robe est de couleur classique, le nez idem et en bouche c'est confortable avec suffisamment de tension pour faire saliver et activer les papilles. Le champagne permet de donner le ton de la soirée et de comprendre que l'on ne plaisante pas
!
Conclusion: B+. C'est un champagne solide et consensuel qui fait bien le job mais sans aspects transcendant son pedigree de champagne de grande maison.
Alsace, Marcel Deiss, Muscat 2016
Une cuvée monocépage de Deiss qu'il ne référence même plus sur son site où on ne trouve strictement plus aucune information dessus. Nysa la proposait.
Cette cuvée pirate permettait de lancer la soirée sur une fausse piste d'un cépage que je connaissais pas en vinification sèche. La robe est très claire et jeune, pas de trace d'évolution. Le nez est muscaté, et sent effectivement le raisin. En bouche, c'est même carrément le pépin de raisin qui donne un côté croquant surprenant mais pas désagréable. Mais c'est un vin de pur fruit avec peu de longueur en bouche, et à isoprix avec la cuvée Complantation, une mauvaise affaire car il n'y a pas de minéralité ni de persistance aromatique particulière.
Conclusion: AB: c'est un vin bien fait d'un cépage typique de la région (même si en perte de vitesse) de la part d'un très grand producteur. Pour autant, la palette muscatée ne me sied guère et je trouve que la cuvée Complantation du même producteur est incomparablement plus plaisante et réussie pour le même prix.
Allemagne, Moselle, Schloss Lieser, Riesling trocken 2019
Riesling générique d'un producteur très respecté de Moselle et à prix particulièrement abordable (10€ à Paris là les Willi Schaefer & Peter Lauer de même style étaient à 17€ en Allemagne)
Robe dorée à reflet vert, jeune et sans trace d'évolution. Le nez sent la station essence et le pneu brûlé - une madeleine de Proust pour beaucoup -, en bouche, c'est le fruit verts et blancs qui prédominent en particulier la pêche blanche et le citron vert acide. La longueur est courte, le corps est léger mais c'est bon. Un très bon parangon du style.
Conclusion: B. Très bon exemplaire du style, le nez est certes clivant mais je trouve que c'est un excellent vin d'apéritif sans chichis pour accompagner un moment de convivialité sans se ruiner ni avoir à gérer des enjeux de face. Par conséquent, très bon RQP.
Allemagne, Rheingau, Schloss Johannisberg Gelblack 2019
Cuvée d'entrée de gamme d'un producteur mythique & historique de la Rheingau. Même si c'est la plus petite cuvée du domaine, son style n'est pas celui d'un riesling générique mais celui d'un sec moyenne gamme façon Alsace.
En effet, le nez ne pétrole plus et se complexifie avec des notes de pierres et de fruits plus mûrs, se rapprochant plus des fruits à noyau et du verger. La robe est toujours jeune. En bouche, l'ampleur est supérieure avec une longueur en bouche plus agréable et des notes minérales & légèrement fumées, comme de l'ardoise mouillée s'immisce dans le fruit. Le vin plaît beaucoup à de l'assemblée.
Conclusion: TB. On rentre selon moi dans une catégorie supérieure de vin, susceptible de plaire et d'impressionner des néophytes par une complexité, une longueur et un équilibre fort respectable. Les 12% ne se perçoivent pas et la matière est fondue sans notes dissonantes.
La première partie de la dégustation s'achève en ayant commencé par les bulles et les "petits vins". Le large vainqueur est le Johannisberg. La partie suivante se consacrera aux rieslings non-allemands du Nord au Sud: Alsace puis Autriche ensuite suivra le pradikät inférieur.
France, Alsace, Domaine Trapet Riquewhir 2015
Domaine de l'épouse Trapet qui est alsacienne, viticulture biodynamique etc... Parcellaire vinifié en sec. Riquewhir est l'un vignoble les plus au nord de l'Alsace.
La robe est claire, peu d'évolution. Au nez, ça pétrole à nouveau mais sans l'odeur aussi exubérante de pneu brûlé. La bouche est énergique et fruitée (fruits à noyaux plutôt) mais une belle minéralité se joint à l'ensemble. La finale sur des amers de pamplemousse me paraissent en revanche astringentes.
Conclusion: B. Ce vin emprunte le nez d'un riesling générique allemand en grande partie mais conserve une longueur en bouche, un corps ainsi qu'une minéralité digne d'une catégorie supérieure. Les amers finaux apportent certes une complexité supérieure dans l'expérience mais ne m'ont pas donné envie de me resservir.
France, Alsace, Domaine Zusslin, Clos Bollenberg 2015
Deuxième entrée de la gamme Zusslin, le clos Bollenberg se trouve en Sud Alsace dans un micro-climat foehné qui accroissent la sécheresse générale du climat alto-rhénan dans la vallée de Colmar.
La robe demeure jeune, le nez ne pétrole pas et délivre de belles notes de fruits du soleil. Le corps est large, assez persistant et là aussi une minéralité presque submergente point. Mais le grand point commun avec la bouteille précédente se trouve être la finale de pamplemousse encore une fois asséchante. Est-ce commun dans les riesling alsacien de ce niveau de gamme (je n'en ai pas souvenir dans le GC Brand 2007 de Zind ou bien le Clos Liebenberg de Zusllin 2014).
Conclusion: B+. J'ai préféré ce vin à celui du Domaine Trapet parce que l'amertume finale m'a peut-être moins surprise.
Autriche, Wachau, Helmut Piewald Ried Biern 2014
2014 a été une année fraîche en Autriche d'après le caviste suisse qui me l'a vendue, m'assurant que le vin était bien intégré et d'une belle fraîcheur.
La robl est jeune avec un petit début d'évolution dans ses reflets plus dorés. Le nez est complexe, où fruits verts et blancs se mélangent aux fleurs et aux herbes coupée avec un petit peu de pierre mouillée. En bouche, c'est glissant et persistant sur des notes similaires. Il n'y a pas d'amers finaux mais une petite touche crayeuse qui donne le sourire et l'envie de se resservir.
Conclusion: TB, voire Excellent: ce vin est nettement vainqueur du triel où j'ai retrouvé quasiment tous les aspects qui font un vin blanc très appréciable: longueur, complexité, fraîcheur, digestibilité. Vraiment beaucoup de plaisir pris sur cette bouteille.
Allemagne, Rheingau, Kloster Eberbach, Steinberger Crescentia Kabinett VS (versteigerung) 2013
Version des enchères (qui n'a pas vraiment eu d'enchère, vu que j'ai payé 13 euros net) d'une année particulièrement difficile d'après Mosel Fine Wine.
La robe est dorée, le nez sent le fruit blanc, des fleurs aromatiques et "sucrées" tels la rose, le pivoine ainsi qu'un peu d'herbe mouillé. En bouche, ça goûte de façon agréable le Kabinett avec des fruits blancs en demi-corps soutenus par le sucre résiduel et une acidité qui rendent le tout fort agréable et digeste. Toutefois, ça ressemble beaucoup au Schaefer Feinherb de la semaine précédente, signe qu'il a été probablement délicat de faire fortement mûrir les raisins ce millésime là.
Conclusion: B+. J'aime le style Kabinett pour leur fruité et leur digestibilité. Cela se boit par seaux avec plaisir, comme un sirop mais avec plus de complexité et d'acidité. Le Thanisch de la semaine précédente avait plus de définition de manière générale et une conversation entre ses composants plus longue.
Allemagne, Rheingau, Schloss Johannisberg Grünlack 2001 (Spätlese trocken)
Premier prädikat de style sec où l'immense partie du sucre est transformé en alcool. Ceci va me surprendre par rapport à mes repères habituels du spätlese.
Robe évoluée, jaune beige. Le nez est assez intense sur les fruits à noyau, et la pierre qu'instinctivement je dirais rouge et noire. En bouche, ceci commence de façon assez classique avec un corps et une intensité notable sur les fruits à noyau assez mûres, des notes minérales et pour finir cette finale toujours fumée et singulière chez les 4 bouteilles du producteur que j'ai goûté jusqu'à maintenant. Le point remarquable est la sortie où une acidité très tranchante - mais pas astringente - vient couper tout ça et laisse la gorge comme tourneboulée. En fait, ça me rappelle un Furmint sec de Tokaji produit par une amie vigneronne qui par ailleurs m'a permis la révélation des accords mets-vins: il trouva étonnement un compagnon de table exceptionnel avec une civet de sanglier sucré-salé que j'avais préparé à l'occasion.
Conclusion: TB. C'est un très bon vin dont le rôle et le caractère le destine à la table plutôt qu'à la dégustation pure où son acidité finale est un peu extrême.
Allemagne, Moselle, Joh Jos Prüm, Bernkasteler Badstube Auslese 2003
Retour en territoire connu avec un pradikät fruitée par un producteur culte.
Après une aération de très longue haleine (démarrée 2 jours avant et ayant subit l'odeur réductive durant une journée), ce Prüm fut en majesté cette soirée avec toujours un équilibre magistral entre le sucre, le fruit, l'acidité et cette conversation entre les composantes. Certes pas mal de perlant (qui ne me dérange pas), j'ai pu noter une absence de notes de fruits rouges par rapport au Zeltinger Sonnenhur Spätlese du même millésime bu la semaine précédente. Là, c'était nettement plus floral. En termes de corps, c'était là-encore en demi-corps et n'ai pas perçu une grande différence d'intensité entre les deux niveaux de prädikat.
Conclusion: TB+. Prüm a effectivement une vibration propre qui font que l'on prend grand plaisir avec ses quilles. C'est mon ressenti et je suis très friand de ces vins depuis que j'ai réussi à les préparer correctement.
Après ce sommet gustatif, les deux vins suivants seront une transition avant d'attaquer les styles radicaux, les GG et la TBA (je n'avais pas réussi à trouver une Eiswein et un BA dans les temps). Ces deux vins sont un rouge de Baden et un champagne oxydatif.
Allemagne, Baden, Bernhard Huber, Malterdinger 2018
Cuvée d'entrée de gamme de Bernhard Huber, l'un des papes du rouge en Allemagne qui a longtemps travaillé en Bourgogne. PN de jeunes vignes élevés 18 mois en barrique assez neuves d'après mes informations.
Bien que débouché en début de journée, l'odeur de réduction est toujours tenace au moment de servir cette bouteille. Le vin est foncé. En bouche, le vin est marqué par l'élevage avec des notes fumées assez évidentes qui masquent une aromatique "massive" sur la terre et les fruits noirs. Le vin a un corps qui paraît lourd et puissant alors que l'on n'a pas les gencives décalcifiées par les tannins. Constatant que le vin n'est manifestement pas bouchonné mais très réduit, je décide de mettre la bouteille au frigo et de l'essayer le lendemain.
Et c'est effectivement beaucoup mieux, où la gangue de réduction est partie, il est plus facile de percevoir le mix fruits noirs / éléments d'automne en bouche même le goût fumé est persistant. C'est un style de PN que je ne connaissais pas et qui n'est pas tout à fait ma tasse de thé. C'est pour autant un vin sans concession qui est bien fait et très bon pour ceux qui aiment ça.
Conclusion: B+. A condition de le carafer ou l'aérer looongtemps à l'avance. Passerais bien à table sur des daubes et viandes fortes.
France, Champagne Follet-Ramillon Harmonie 2009
Après le BSA de Taittinger, je voulais faire découvrir à mon assistance un champagne avec nettement plus d'âge afin de voir un autre aspect du champagne.
La mousse est fine, ainsi que les bulles qui disparaissent assez rapidement. Le vin est en effet apaisé par ses 11 ans de cave. Le nez oxydatif est une révélation pour beaucoup, et moi aussi aime bien cette complexité qui fait penser à un coin à champignons d'une jolie forêt. En bouche, le vin est beaucoup plus traçant que le BSA, plus discret mais finalement plus long avec une trame effervescente qui fait saliver en toute sérénité. Certes, le vin mérite la table mais il a assuré une très belle transition pour les vins suivants qui se rapprochent de vins de gastronomie.
Allemagne, Moselle, Julien Renard Landwein 2019
Jeune viticulteur nature dont le 1er millésime est 2018, franco-allemand (mais éduqué en Allemagne), ce style radical sera pour moi une découverte.
La robe est orange et trouble, cohérent avec l'absence de filtrage. Le nez délivre des arômes de mangues et de papaye évidents et massifs. En bouche, la texture est grasse avec ce même fruit. Cela me renvoie à mes heures brésiliennes où le dessert consistait en une creme de mangua (une boule de glace vanille passé au mixeur avec de la mangue fraîche). Il n'y a pas de minéralité, ni de "filigranité". C'est un jour nouveau du riesling et un style radical qui ne me transporte pas.
Conclusion: B. C'est un vin extrêmement clivant qui d'un côté satisfera les tenants du nature "pur" avec pas de sulfite à la mise, un fruit éclatant à la Claus Preisinger et aucune astringence mais j'ai trouvé ça écoeurant et un peu simple. Vu le prix payé, je préfère largement payer un générique pour les copains et mettre ce budget dans un pradikät ou une GG portée sur la minéralité.
Allemagne, Palatinat, Georg Mosbacher, Forster Ungeheuer GG 2006
GG du Palatinat, sol volcanique et cru applaudi par Bismarck, Georg Mosbacher est un producteur de moyenne réputation dont les prix sont accessibles. Tels sont les infos que j'ai pu glaner.
Robe évoluée avec une teinte nettement cuivrée. Le nez ne m'a pas plus marqué que ça à ce stade de la soirée mais ce fut en revanche un très grand plaisir en bouche, où un corps cylindrique, glissant et minéral satisfait les papilles pour une longue durée. Il y a une grande complexité mais tellement fondue et intégré qu'elle en perd en définition mais apporte plus de plaisir à l'instar de vieux spiritueux. C'est la bouteille de la soirée AMHA.
Conclusion: Excellent. Beaucoup de plaisir sur cette bouteille et la grande partie de l'assistance y concourt également.
Allemagne, Rheingau, Graf von Kanitz, TBA Pfaffenweis 2005
Cette dernière bouteille de la soirée est hors-norme puisque c'est un TBA, par conséquent cela tranche radicalement avec le reste. La robe est cuivrée foncée, le nez est intense et puissant sur des notes de botrytis (un peu), de thé vert et de fruits secs. En bouche, la texture sirupeuse du vin emplit le palais et laisse une longue empreinte aromatique plaisante mais dont l'équilibre général n'est pas autant réussi que le TBA de la semaine passée - proprement extraordinaire -. Il n'y a pas d'effet waouha de l'assistance cette fois à mon grand dam
.
Conclusion: TB+. C'est un digne représentant de son espèce - qui est exceptionnelle - pour autant, il manquait un petit peu d'acidité et de personnalité pour nous subjuger.
La grande conclusion de cette soirée est que je prends beaucoup de plaisir à organiser ça, déguster (et cracher sans honte) une quinzaine de flacons mais que je suis en décalage avec mon environnement, qui n'a pas le virus et encore ce tabou de cracher. Par conséquent, je pense altérer la formule à l'avenir, avec uniquement ceux suffisamment épicuriens pour s'intéresser ou pleinement prendre conscience de la chance d'avoir un gourmet un peu taré comme moi dans leur entourage
.