Je suppose que nombre d'entre vous s'est déjà  vu offrir par des connaissances pleines de bons sentiments de vieilles bouteilles qu'elles avaient conservées religieusement depuis des années, voire plusieurs dizaines d'années. J'en avais quelques spécimens qui croupissaient dans ma cave en attendant le jour où j'allais recevoir chez moi quelqu'un que je détestais suffisamment pour lui faire subir le supplice d'une telle dégustation.
Ce jour ne se décidant pas à  venir, j'ai pris la décision d'en ouvrir 8 en une seule soirée pour mon club de dégustation, pour leur faire découvrir la magie des vieux vins...(bbb)



Château Condreau - Bordeaux Supérieur 1975

Le niveau est au bas du goulot. 15 minutes pour retirer le bouchon qui s'émiette complètement.
Robe de faible intensité, tuilée. Nez sur le pruneau, le cuir, le sous-bois, le marc de café, le tabac froid et les épices. En bouche, acidité imposante, tannins grossiers délivrant de l'amertume, équilibre aléatoire, finale courte.
Noté : pas bon !

Clos de Fougerailles - Lalande de Pomerol 1970

Niveau : haute épaule. Bouchon : un peu mieux, il se casse simplement en deux...
Robe similaire au précédent. Nez sur la noix, l'étable, la réglisse, le cuir, le café. En bouche, on est agressé par l'acidité et les tannins, totalement déséquilibrés.
Noté : vraiment pas bon !

Château La Morère - Moulis 1976

Niveau : bas du goulot. Bouchon cassé à  l'ouverture, mais je commence à  avoir l'habitude...
Robe idem, peut-être un peu plus soutenue. Au nez, un fruité fugace nous arrive aux narines, pruneau, épices, avec un côté poussiéreux, mais c'est le moins désagréable des trois. En bouche, même remarques que pour les deux précédents, en moins pire...
Noté : pas bon non plus !

Château Saint-Pierre - GCC Saint-Julien 1973

Le niveau est à  mi-épaule. Le bouchon est noir, rétracté et... pas très solide.
Robe : idem. Nez : oxo, réglisse, pruneau. Bouche : (jjj)
Noté : Aaaargh ! Mais un aaaargh classé en 1855 tout de même...

Petite pose avant d'attaquer les Bourgognes, 2 sachets de maalox et 1 gramme d'aspirine. Mais nous sommes confiants, les Bourgognes sont un peu moins vieux, un peu plus connus, et de toute façon, tout le monde sait que ce sont des vins qui vieillissent admirablement.

Les Caves des Hautes Côtes - Bourgogne 1982

Niveau correct. Tiens, je ne casse pas le bouchon !
Robe : orangée, tuilée. Nez : bouchon, croupi, moisi. Bouche : même pas osé le mettre en bouche...
Noté : Roger, un muscadet !

Domaine Chanson - Beaune 1er Cru Clos des Mouches 1977

Niveau parfait. Bouchon entier, je m'améliore de minute en minute !
Robe : Brillante, intensité moyenne, tuilée. Nez : vinaigre de framboise, cuir.
Bouche : Qui a mis de l'esprit de sel dans mon verre ?
Noté : Maman, au secours, je veux sortir !!!

Forey-Naudin - Vosne Romanée Les Suchots 1976

Niveau normal. Bouchon : tiens, j'en casse encore un, cela faisait longtemps...
Robe : intensité moyenne, reflets brique. Nez : encore un petit peu de fruit, réglisse, notes végétales et minérales. Bouche : attaque correcte avec du soyeux, équilibre acceptable, finale courte.
Noté : le seul ou j'ai pu avaler plus d'une gorgée. Mais pas plus de deux, il ne faut pas exagérer non plus...

Savour Club - Charmes Chambertin 1986

Niveau normal - Bouchon entier.
Robe tuilée. Nez végétal, cuir, réglisse, café. Bouche : acidité décoiffante, aucun équilibre.
Noté : Un beau trou dans l'estomac, mais un trou classé Grand Cru !

Conclusion : Je ne referai pas ça tous les jours !

Luc

Ah! les vieux vins! Pour l'instant, tous ceux que j'ai acquis aux enchères se sont révélés être à  la hauteur de mes espérances! Mais je ne suis pas allé jusqu'à  l'extrême comme toi, Luc!(aaa)

Première leçon à  retirer: la noble origine, et le prestige de l'appellation ne suffit pas, surtout en Bourgogne, serais-je tenter de dire pour apporter de l'eau à  ton moulin, mais je ne le dirai pas! J'ai bu récemment un 1970 de Chanson en demi-bouteille qui s'est révélé fort honorable (j'ai omis l'appellation, shame on me!)!

Deuxième leçon, la conservation! Et tes 4 premières bouteilles, avec un niveau suspect, ne m'inspirent pas confiance, d'entrée de jeu!

Il s'avère que j'ai bu récemment, au cours d'une dégustation des Amis du Bon Echanson, un Charmes Chambertin 1990 du Savour Club, pas transcendant quand on connait le vin, mais avec encore de la tenue, et surtout ne trouant pas l'estomac. Peut-être de la chance! Cette bouteille faisait partie d'un lot de vieux millésimes avec un Layon-Chaumes 1976 tout à  fait imbuvable, surtout après avoir cotoyé l'excellence de Francis Poirel. Peut-être de la malchance, même si je n'y crois pas beaucoup (je ne citerai pas le nom du producteur par respect pour l'appellation!)!

Et aujourd'hui, Bonnes-Mares 1985 de Drouhin-Laroze, superbe! Il faut juste bien choisir!

Olif

Olif,

Mon expérience se rapproche plus de celle de Luc:
Des "non amateurs" pour me faire plaisir me servent de vieux flacons que je ne bois pas tous les jours.
Mon dernier exemple est récent: j'ai bu le même soir un 75/100 et un 76/100 Parker (un mauvais millésime d'Olivier et un autre du même style de Nénin).
C'était une première!
Le soir, en semaine, je ne suis jamais descendu en dessous de 85.
Enfin, il faut dire que les blancs qui précédaient étaient encore plus ...
Ca fait des souvenirs(bbb)

Amitiés à  vous deux
Thierry

Entièrement d'accord avec toi Olif, mais je n'ai malheureusement pas choisi, c'était des cadeaux...

"Il s'avère que j'ai bu récemment, au cours d'une dégustation des Amis du Bon Echanson, un Charmes Chambertin 1990 du Savour Club, pas transcendant quand on connait le vin, mais avec encore de la tenue, et surtout ne trouant pas l'estomac. Peut-être de la chance!"

Je te trouve tout de même bien indulgent envers un vin issu d'un Grand Cru prestigieux et d'un grand millésime comme 1990. Personnellement, je ne me satisferais pas d'un vin pas transcendant mais avec encore de la tenue...(bbb)

Amitiés,

Luc

Ce n'est pas tout à  fait de l'indulgence, Luc, mais juste une histoire de contexte. Aveugle complet au milieu d'un deuxième Bourgogne, plus puissant, un Chambolle-Musigny 2000 de Geantet-Pansiot, et un Bila-Haut de Chapoutier (Roussillon). Il s'est fait remarquer par sa légèreté élégante, un vin tout à  fait "déglutissable", "gentiment framboisé", pinotant allègrement, mais loin de trouer l'estomac, forcément une déception lorsque l'on dévoile la bouteille, mais du fait de l'idée qu'on se fait de l'appellation, pas de la "buvabilité" du vin!

Thierry,

Boire des crus de Bordeaux au creux de la vague en petit et vieux millésime, cela relève pratiquement de l'exploit ou alors du sacrifice! (aaa) Je ne parle pas du Nenin nouveau, la bouteille dont tu parles étant visiblement antérieure à  la reprise en main du cru.

Olif

Message edité (30-05-2004 22:51)

Ah, ce Corton Charlemagne 1966...(jjj)

Achetée pour une bouchée de pain sur ebay, cette bouteille n'est jamais arrivée chez moi, ayant manifestement mal supporté les assauts peu délicats subis dans un centre de tri postal. Ca m'apprendra d'en parler avant de l'avoir réellement en main...

Luc

Merci Luc pour ton CR qui m'a vraiment beaucoup fait rire !

Ca me fait penser à  l'affreux porte-bouteille poussiéreux qui trône dans le salon de mes beaux-parents (température 24 degrés, humidité 20%).
J'ai jusqu'ici réussi à  éviter les horreurs qu'il contient... mais je sens qu'un jour la chance va tourner !

Cordialement,
Christophe

Luc,

Moi aussi, je me suis vraiment poilé en lisant ton CR, que je ne découvre que ce soir. Bravo, les vins étaient dégueulasses mais ça valait le coup (pour nous).

et il fallait dénoncer cette invasion des caves par ce type de cadeaux.

Ca me donne des idées pour faire de la place à  la cave. J'ai une belle petite série de 82 de derrière, mais alors vraiment derrière, les fagots ! (aaa) Mais je préfère laisser tomber le Maalox et attaquer directement à  la Ranitidine (aaa). Une petite cure de 300mg 2X/j durant une semaine avant la dégustation devrait être suffisante, non ? quoique, on dit que les 82 n'ont pas tellement d'acidité... Qu'en pense le médecin-dégustateur ? (aaa)

amiités

Yves

Yves,

Si ce sont des vins de Bourgogne, je crains fort que la ranitidine soit insuffisante...
Je te propose plutôt 40 mg d'oméprazole à  commencer 10 jours avant et à  poursuivre au moins pendant 1 mois après la dégustation, car les dégâts peuvent être considérables !
Il faudra également une pâte anesthésiante et cicatrisante pour soigner les gencives qui peuvent être gravement rétractées, et prévoir une bonne dizaine de jours pour une bonne récupération de la sensibilité des papilles gustatives.
Après cette dégustation, la rééducation doit se faire en douceur et il faut absolument éviter de se jeter sur la première bouteille de Clos Mogador 2001 qui passe, car le choc serait bien trop rude.
Prévoir une assistance médicale au cas où... (assistance qui demandera bien sûr à  être correctement abreuvée, ne l'oublions pas !)

Courage, je suis de tout coeur avec toi ! (aaa)(aaa)(aaa)

Amitiés,

Luc

Luc,

J'apprécie énormément tes posts mais aussi les vieux Bourgognes... Mais ta remarque sur leur prétendue acidité m'exaspère. Avec ton expérience, tout de même !

En effet, il suffit de rajouter un peu de sucre de canne pour adoucir le tout. Le sucre vient équilibrer le côté acide de ce type de "vin". Bon, au début, il faut y aller petit à  petit mais avec un peu d'expérience, obtenir le bon dosage devient d'une facilité déconcertante.

François
(jjj)

Message edité (04-06-2004 23:06)

François,

tu rajoutes aussi une cuillerée de Nescafé pour les tannins ? (aaa) (eee)

Franchement, t'es sérieux ? (eee)

cordialement

Yves

Pour en revenir aux vieux vins, je pense que souvent ils bénéficient d'indulgence eu égard à  leur grand âge. Combien de fois lit-on ou entend-on, "quand même pour un vin de cet âge là , il ne s'en sort pas si mal.." Comme si être en vie au bout d'un certain temps suffisait à  en faire un vin de grande qualité. Nous sommes moins indulgents, me semble-t-il, avec des vins jeunes en nous ruant allègrement à  l'assaut des tannins non encore assagis.

Yves,

Je ne bois pas assez de Bordeaux pour cela...

François (aaa)

Je confirme ce que dit Jérome sur l'indulgence des gens par rapport à  certains vieux vins. Nous avons ouvert hier notre Lafite 56 (désolé Eliane(aaa)) pour clore la dégustation "mono-cépages de notre club de dégustation. C'est pas un mono-cépage, mais c'était la dernière dégust de la saison, on a donc marqué le coup.

On l'a servi "en aveugle" afin d'avoir les commentaires les plus honnêtes possibles. Tout le monde a adoré le nez, subtil et puissant à  la fois, de roses fanées, de cuir ,de sous-bois et de havane. En bouche, c'était assez moyen. Ca avait encore une certaine tenue, nettement plus buvable que les vins décrits par Luc, mais il n'yavait pas de quoi sauter au plafond... Nous avons entendu beaucoup d'hypothèses sur l'origine et l'âge de la bouteille. Plusieurs ont penché sur un vieux Médoc, sans se risquer plus loin...

Quand on a découvert la bouteille, les gens ont été surpris. Un "grand" vin, ça peut être ça? Soudain, beaucoup lui trouvaient des qualités non décrites en aveugle. Une personne a dit: "il faut une éducation pour apprécier ce genre de vin". Je l'ai reprise et lui ai dit qu'un vin était un vin, et qu'il ne devait justement pas être jugé par l'étiquette sur la bouteille, mais sur ce qu'il y avait dedans...

Même si ce vin ne restera pas un grand souvenir, il aura peut-être aidé à  se forger une opinion plus juste des vins.

Pour ne pas en rester là , nous avons ouvert un Vintage Privilège 2002 du Mas Amiel, qui lui a été unaninemement apprécié.

A +

Eric

Eric,

Ton message devrait être, à  mon avis, publié et encadré.

un grand vin, ça peut être ça

A l'aveugle oui...
Un grand nom, une grande note, un grand prix... Et une grande déception!

Je me souviens de la tête d'un couple d'amis: ils m'apportent pour me faire plaisir, en venant manger à  la maison, un Petrus. Je sors le même millésime de Vieux Château Certan pour introduire leur bouteille: la catastrophe, Petrus était totalement dominé...

C'est ce genre d'expérience qui m'a poussé, en février 99, à  faire un peu de place dans ma cave, en vendant des bouteilles de Grands Bordeaux qui ne me séduisaient pas ou plus, pour investir le produit de la vente dans d'autres vins, d'ailleurs...

cordialement,
Thierry

Thierry,

Vos amis ont dû être ravis de pouvoir sentir la différence entre votre bonne référence et le must, la crème même, du monde viticole qu'ils avaient amené... (ccc)

Ils ont recommencé ce type de cadeaux ? (aaa)

François (qui compâtit)

François,

Oui, avec Lafite et Latour...
Mais, cette fois, en vérifiant, je pense, si la propriété avait réussi un beau vin dans le millésime qui leur était proposé (bbb)

Cordialement,
Thierry

Thierry,

Vous avez de bons amis...

François
(qui n'a jamais gouté ni de 1er GCC ni même de 2ème et à  qui on n'en a jamais offert, snif... je retourne voir les Bourgognes)

François,

J'ai effectivement la chance d'avoir quelques bons amis...
Et puis, c'était il y a quelques années, à  l'époque où les 1ers GCC n'étaient pas si chers...

cordialement,
Thierry

Trois ans plus tard, un "up" parce que ce fil de discussion rappelé par Luc a beaucoup de charme.

Je voulais aussi dire que le fait d'avoir de bons amis n'est, dans le cas de Thierry tout au moins, nullement du à la chance comme il le sous-entend. Il est une culture du savoir vivre et accueillir qui ne saurait que créer une réciprocité, au moins dans une bonne majorité des cas

Thierry écrit: à l'époque où les 1ers GCC n'étaient pas si chers...

Une phrase qui parait presque naïve 3 ans plus tard, après que 2005 soit passé par là!

C'était à l'époque où le Latour 1970, premier Grand Cru Classé de Pauillac, se vendait à 40 francs à Auchan....

Quand?

En 1979...

Le Trotanoy 1975 venait de se vendre à 15 francs.

Il y avait eu le scandale des vins de Bordeaux pour faire revoir les prix à la baisse

Cordialement,
Thierry

Thierry,

francs français ou Euros

amitiés

Claude

J'avais acheté mes 1er GCC Bordeaux 1970 en primeur à environ 160-170 frs !!
Je peux vous dire que ça paraissait cher à l'époque.
Evidemment,quand je vois les prix actuels je .....et je n'en achète plus !!!!

J'avais acheté mes 1er GCC Bordeaux 1970 en primeur à environ 160-170 frs !

Raymond,

170 francs HT, c'était le prix en primeur des premiers du millésime 1982 !

Et Pétrus à 240 f ht ><

Claude,

Pour Latour 70, c'était bien 40 francs français à Auchan Leers en 1979 et pour Trotanoy 75, 15 francs, chez Georges Simonet-Estrade, à Libourne...

L'explosion des prix est récente:
j'avais eu les Petrus 1988 et mes Lafleur 1989 en primeur à 370 francs français TTC...

Puis Montrose 1990 à 88 francs français HT...

Amitiés,
Thierry

Je dois peut être confondre car je n'ai plus mes factures. Mais je vais essayer de retrouver des renseignements.

Raymond ..ce sont les bons prix ... Ducru Beaucaillou 82 à 60 ht !! Le bon temps :

1h du matin ! Les anciens toujours sur la breche:D

charlesv écrivait:

---

> J'avais acheté mes 1er GCC Bordeaux 1970 en
> primeur à environ 160-170 frs !
>
> Raymond,
>
> 170 francs HT, c'était le prix en primeur des
> premiers du millésime 1982 !

Je ne suis sûr de rien (il y a 35 ans !) mais jean Luc semble confirmer et ce chiffre m'était resté.Mon 1er achat de grands vins chez Duclot et en primeurs.

Ne pas oublier que la progression des prix s'est toujours faite par paliers: 1970 était le premier de "l'ère contemporaine" avec flambée des prix.

Ensuite il ya eu une crise assez nette confortée par de mauvaises années: les prix ont baissé ou stagné.

Ce n'est qu'après 1983-85 que les prix ont vraiment réaugmenté .