- Domaine d'Aupilhac :
Nous sommes sur ce qu'il convient d'appeler les Terrasses du Larzac, à 35 km au nord-ouest de Montpellier. En fait, une sorte de « sous-région », dont le nom n'apparaît pas (encore !) sur les étiquettes, qui peut-être, finalement, au regard d'autres de ces dénominations (Grès de Montpellier, Terrasses de Béziers…) de la région, illustrerait assez bien les choses. Il s'agit donc de l'AOC Montpeyroux-Coteaux du Languedoc. Pour faire simple, du Montpeyroux !…
Sylvain Fadat a créé la cave, le domaine, en 1989. Une réussite construite année après année, avec des moyens limités au début. Une légitime fierté, de belles réussites, notamment avec les parcelles situées sur les « terrasses » du Château de Castellas, au beau profil « Côte de Beaune » ! Une conviction exprimée plusieurs années durant à la tête du syndicat local et même s'il en est encore vice-président, un nouveau challenge plus personnel, avec la « création » de cette parcelle « d'altitude », Les Cocalières, un peu le défi de toute une vie ! Au point d'ailleurs de revendre d'autres parcelles qui ne donnaient que rarement pleine satisfaction au vigneron, du fait du stress hydrique constaté souvent.
Pour une découverte plus complète, n'oubliez pas :
Notre hôte nous parle du domaine, de la région et nous précise qu'il a deux heures à nous consacrer. Puis, comme nous exprimons l'envie de voir les vignes…
- Vous avez un véhicule ?… OK, c'est parti !
En fait, nous ne passerons pas moins de quatre heures avec Sylvain Fadat ! Pour mieux comprendre les particularités de la région. Découvrir les Cocalières, magnifique amphithéâtre qui nécessitât quelques journées de dynamitage et d'huile de coude ! Là , les acteurs, tous les cépages, sont dans les gradins ! Roussanne, marsanne, rolle et grenache blanc regardent le nord, grenache, syrah et mourvèdre penchent vers l'ouest. Une sorte d'Assemblée Régionale qui ne demande qu'à s'exprimer ! Les alliances, les assemblages, regrouperont-ils la majorité des suffrages ?… Gageons que le Président saura donner la parole à tous, afin qu'ils donnent leur pleine mesure ! Votez Cocalières !…
La dégustation ne manquera pas de nous séduire : le Montpeyroux rouge 2002, issu des cinq cépages de l'appellation (dominante mourvèdre-syrah) offre un bel équilibre avec une expression franche et nette. Le Carignan 2002, en Vin de Pays du Mt Baudile revient, après une période moins flatteuse, aux dires même du vigneron. Il faut lui donner du temps, mais comment l'oublier ?… La cuvée « Les Servières » 2003, issue à 100% de cinsault de plus d'un siècle, toujours séductrice en diable… et toujours aussi rare ! « L'assemblage bordelais », Les Plôs de Baumes, issu du terroir d'Aniane, particulièrement intéressant, lorsqu'on est tenté de le comparer à Daumas Gassac… Fruits noirs, épices, belle tension et une bouche joliment équilibrée. Le Clos, quant à lui, ne peut laisser indifférent. Mourvèdre, carignan, syrah offrent une magnifique complexité. Avec des notes surprenantes d'un type cabernet, suie, cheminée, tabac. Une des grandes bouteilles du Languedoc !
Nous n'avons pas oublié les blancs. Le Vin de Pays 2003 (assemblage d'ugni blanc, grenache blanc et chardonnay), bien réussi et surtout les Cocalières 2003, qui suggère le potentiel de cette « montagne » ! Un mot aussi des Cocalières 2003 rouge, qui confirme cette impression. Finesse et minéralité. Gourmandise et potentiel de garde certain. A découvrir d'urgence !
Certains suggèrent que Sylvain Fadat a changé. De choix, d'objectifs. Peut-être simplement une remise en cause, mais qui va surprendre les amateurs. Parce que ce nouveau potentiel du domaine semble énorme.
La nuit tombe. Nous regagnons Montpellier, séduits et persuadés de retrouver ces vins dès que possible. Nous avons rendez-vous avec Philippe Salasc, de Grès St Paul. Pas pour une visite nocturne du domaine de Lunel (c'est pour le lendemain), mais pour un repas dans la vieille ville, Chez Doumé, rue des Teissiers. Au delà , après une bonne nuit, découverte d'une belle propriété à Lunel-Viel, sur un très beau terroir des Grès de Montpellier.
- Château Grès Saint Paul :
Pas à proprement parler une tête d'affiche de la région. Philippe Salasc (associé à Jean-Philippe Servière) nous confirme au passage que pas un euro n'est consacré ici à la pub (revues spécialisées et autres). Par contre, il mouille la chemise en promo, même lointaine (il rentre juste du Canada !) et nombre de week-ends défilent loin de son cher Languedoc.
Passionné, fervent convaincu par la variété des terroirs et au passage, acteur de la vie locale. Ancien propriétaire de Château Capion, à Aniane (voisin de Daumas Gassac) qu'il a mis en vente voilà quelques années pour… se retirer du Monde !… Simultanément, un ami lui fait part de ses difficultés… Quelques semaines plus tard, le voilà à Grès St Paul, pour une nouvelle aventure ! Né au milieu du Lac de Salagou, avant la mise en eau (vous l'auriez deviné !) et habitant d'Aniane depuis sa tendre enfance, il vécut passionnément la période anti-Mondavi (pas vraiment aux côtés d'Aimé Guibert, surtout après la confirmation de ce qui se murmurait alors – voir Mondovino !) et se retrouva propulsé adjoint à la mairie ! Comment voulez-vous que cet homme ne vive pas sa vie de vigneron languedocien avec passion ?…
Lui aussi gamberge et est désormais prêt à certaines retouches, s'appuyant bien sûr sur ce terroir villafranchien, qui est à rapprocher de celui de Chateauneuf.
- Attention, il y a le vrai villafranchien et le faux villafranchien !… Ce qui compte, c'est l'épaisseur des couches argileuses, en dessous ! Et parfois, l'argile est plutôt absente…
En plus, cette bande littorale, qui compose les Grès de Montpellier, bénéficie des brises marines salutaires, en période estivale.
Les atouts ne manquent pas donc et la conviction du vigneron fait le reste. Verre en main, tout ça se confirme très vite.
- Muscat sec 2004, cuvée Libertine (goûté à la cuve, mise prévue à la mi-décembre) : joli nez plein de fraîcheur. Un fruit gourmand soutenu par une acidité de bon aloi. Un équilibre très séducteur !
- Grange Philippe, Merlot 2003, en Vin de Pays d'OC : rouge sombre (macération de 15 jours). Nez très chocolaté ! Un bel équilibre acide/amer et une longueur notable !
- Grange Philippe, rouge 2001, Coteaux du Languedoc. Assemblage des cinq cépages, avec une dominante grenache-carignan. Un vin qui s'exprime joliment, aidé en cela par un support acide assez présent. Marque du millésime ?…
- Grès St Paul, cuvée Romanis 2002 (70% Syrah, 20% grenache, 10% mourvèdre) : des senteurs finement épicées et de beaux tannins. Une belle rondeur, dès maintenant. Joli vin !
- Grès St Paul, cuvée Antonin 2001 (80% syrah, 10% grenache, 10% mourvèdre – 1/3 passé en barriques neuves, 1/3 en barriques d'un vin, 1/3 non passé en barriques) : là encore, une belle sensation d'équilibre et en même temps du volume, de la matières. On a envie de voir venir !…
- Grès St Paul, cuvée Antonin 2002 : un autre registre, qui exprime un fruit velouté et onctueux. Tannins soyeux à souhait ! Déjà bigrement enjôleur ! On distingue une évolution dans les choix ou les deux millésimes successifs montrent nettement deux facettes. Impression déjà éprouvée par ailleurs…
- Grès St Paul, cuvée Syrhus 2001 (100% syrah, 24 mois de barriques d'un vin, 15,4° d'alcool !…) : une expression impressionnante ! Pour ce vin, l'oxydation est recherchée et la gamme aromatique est superbe ! L'équilibre actuel du vin n'est pas sans rappeler cette très belle cuvée de la Suffrène, dégustée à Vinexpo. Perso, j'adore !…
- Grès St Paul, Muscat 2003, cuvée Bohémienne, moelleux, moût de raisin partiellement fermenté issu de vendanges passerillées, 77 gr de SR : selon Philippe Salasc, la teneur en sucre qui correspond le plus à la grande majorité de la demande. Pour lui, l'AOC Muscat de Lunel, avec son taux de sucre naturel à 125 gr, souffre un peu de cet aspect figé du décret. De très belles senteurs d'agrumes frais et pas la moindre sensation de lourdeur.
- Grès St Paul, Muscat de Lunel 2003, cuvée Sévillane : un plus d'ampleur et beaucoup de charme.
- Grès St Paul, Muscat de Lunel 2003, cuvée Rosanna (quatre mois de barriques neuves) : encore une marche du point de vue de l'ampleur, de la persistance, sans la moindre sensation de chaleur excessive. Jolie réussite !
Une jolie gamme donc, qui devrait s'élargir encore avec un blanc sec à base de vermentino et de grenache blanc.
Les projets ne manquent pas au Château Grès St Paul, et même celui, qui a de quoi surprendre, de baisser les prix !… Un domaine qui devrait s'élever aux tout premiers rangs des rapports qualité-prix-plaisir imbattables !… A ne pas oublier en Languedoc !
PhR