L'année dernière, j'avais réuni une tablée de vignerons (les Comme et les Bilancini) pour mon anniversaire. Cette année, mon éloignement du vignoble rendait la chose plus difficile. Ce sont donc des amateurs de vins que j'ai conviés à ma table : l'ami Raymond M et son épouse Catherine qui séjournent chaque été en Normandie ; Didier et son épouse Véronique, des amis d'Ile de France. Si ce dernier intervient assez peu sur LPV (sous le pseudo Did91), il lit le forum assidûment, ce qui fait que nous avons pas mal échangé à ce sujet durant les 4 bonnes heures qu'on duré le repas.
Les deux couples ne se connaissaient pas, mais le courant est passé tout de suite. Y a pas : le Vin est un "liant social" de premier ordre.
D'année en année, je répète toujours plus ou moins le même principe du choix des vins : un champagne, deux vins blanc, deux vins rouges, un vin de transition et un vin de dessert. Chaque vin étant accompagné d'un plat qui s'accorde le mieux possible. Se sont greffés deux vins supplémentaires pas prévus au programme, qui offraient un contrepoint intéressant à la bouteille précédemment servie.
Nous avons commencé par la
Cuvée Louis de Tarlant, assemblage à part égale de Chardonnay et Pinot Noir, mais aussi de trois beaux millésimes en Champagne : 1998, 1997 et 1996 (vinif en fût, malo non faite). Il a été mis en bouteille en 1999 et dégorgé dix ans plus tard (dosage de 3 g/l). Autant dire que le vin est riche, complexe, avec une sacrée fraîcheur. Ce qui en fait un Champagne très équilibré dont on se ressert volontiers (la bouteille a été descendue à vitesse grand V).
Pour l'accompagner, j'avais remplacé les traditionnelles cacahuètes par des grignoteries plus adaptées, avec l'idée de reconstituer sur une ardoise les différents arômes du champagne : amandes et noisettes grillées, brioche toastée, pomme poêlée au beurre et foie gras mi-cuit. En quantité raisonnable, car il y a encore beaucoup à manger ensuite
Les accords se faisaient naturellement, avec des variations de texture intéressantes, entre le moelleux de la pomme, le fondant du foie ou le craquant des fruits secs.
Mes convives avaient entendu parler de ce producteur tout en n'ayant jamais bu de ses champagnes : ils étaient très content de cette découverte.
Nous avons continué sur un
Riesling "cuvée exceptionnelle" 1985 de Mischler. Un vin qui devait vraiment être exceptionnel dans les critères alsacien d'il y a 26 ans, car il était encore en pleine forme. Un nez fin et aérien sur le zeste d'agrume et la citronnelle, une bouche ample et douce, avec une matière évoquant la soie sauvage, tendue et étirée par une fine acidité. J'ai acheté cette bouteille en juin dernier à David R (10 € !). Elle est restée un mois en vente sur le forum "échanges et ventes" avant que je m'y intéresse (alors que les bouteilles prestigieuses avaient été achetées en quelques heures). Je ne regrette pas cet achat, et me réjouis de déguster les autres bouteilles achetées le même jour.
Pour l'accompagner, rien ne vaut des coquillages et crustacés (crabe, gambas et coques) parfumés au combava. Trois heures plus tôt, la gelée qui nappait le fond de l'assiette était d'un beau bleu (coloration naturelle avec la mauve). Sauf que mystérieusement (photosensibilité ?), la couleur est passé au "jaune vert", ce qui était beaucoup moins spectaculaire. La prochaine fois, je verserai plutôt un bouillon bleu sur mes crustacés. Il n'aura pas le temps de décolorer (nota : les "batonnets noirs", ce sont des algues).
Dans la foulée, j'ai ouvert un
Riesling GC Kirchberg 2008 de Stoeffler. Je l'avais prévu au cas où mon premier Riesling aurait flanché. Il a été servi dans un but "pédagogique", car on ressentait bien l'aromatique commune entre les deux vins, même si le deuxième était beaucoup plus puissant (je n'irais pas plus loin à son sujet, car je le vends à ma cave).
Cela faisait un p'tit bout de temps que je voulais ouvrir un
Chardonnay Chalasses Vieilles Vignes 2005 de Ganevat. Mais j'attendais qu'il "mûrisse" un peu. Si la bouteille commence à atteindre une certaine harmonie, elle est encore très vigoureuse, et je patienterai sûrement 5 ans de plus pour la prochaine. Ceci dit, cette bouteille était vraiment belle, et mes convives l'ont beaucoup apprécié. Raymond qui découvrait Ganevat a mieux compris l'engouement autour de ce producteur
Il aurait fait 40° dehors, j'aurais peut-être pas osé les ris de veau à la crème et au morilles. Mais là, on est quasi en Automne. Ce n'était donc pas déplacé. Et parfait avec le vin. Les tranches de céleri ont été cuites dans la crème
al dente, ce qui apportait un "croquant" au plat qui pourrait sombrer autrement dans la mollesse.
On est ensuite passé aux rouges en commençant le
Saint Chinian le Laouzil 2008 de Navarre. Je savais que Raymond avait beaucoup apprécié les Saint-Chinian 2004 de Rimbert. Celui-ci lui est très proche dans l'esprit (y compris dans le millésime "frais" ). J'adore les vins sur schistes, car ils ont une texture soyeuse (et une aromatique minérale/florale/garrigue) qui en fait des vrais vins de gastronomie.
Comme par exemple avec cet agneau en basse temp' à l'aubergine et aux olives. Un joli mariage. Pour info, le "terreau" sur les photos est un mélange d'olives noires séchées et moulues et de farine de riz cuit ensemble à 180° durant 8 mn.
Comme nous parlions de Rimbert et de carignan (cépage que Didier normalement abhorre, hormis un Lo Vielh de Gravillas que je lui avait fait découvrir il y a deux ans), j'ai débouché ma dernière bouteille de Carignator 1er (de 2001). Il était d'une jeunesse absolument incroyable et aurait pu tenir encore 10 ans de plus. Et surtout, Didier l'a apprécié : son cas
rignan n'est donc pas désespéré.
Il fallait forcément un Bordeaux. J'en ai une quantité certaine en cave et ils ne vont pas tous se conserver des décennies. Ce fut donc cette fois-ci la Tour Haut Brion 2000. A un niveau très supérieur à ce que j'avais pu en lire sur LPV. Dans mes recherches, j'étais tombé sur un forum de buveurs d'étiquettes où une personne conseillait de l'ouvrir la veille pour le lendemain (en dégageant l'épaule). C'est ce que j'ai fait. Et ce fut une réussite. Un nez "sombre" marqué par la suie et les fruits noirs, une bouche d'une bonne ampleur, avec des tannins parfaitement polis et une fraîcheur savoureuse. Un joli compagnon pour ...
... le boeuf fumé au Tari Souchong, sauce au cassis et purée (fumée) de céleri. Lui aussi cuit en basse température. Si j'ai acheté les girolles sur le marché, les cèpes m'ont été apporté par Raymond et Catherine. La sauce au cassis n'avait pas une once de gras. C'est un mélange de coulis de cassis et de jus de boeuf dégraissé, épaissi en 5 secondes avec 1 g de
gomme tara évoquée la semaine dernière sur un autre forum
Fallait oser (pour un Normand) : je n'ai pas servi de fromage (Oliv, pas taper
) Non seulement faute avouée est à moitié pardonnée, mais j'ai servi à la place un
trou normand En fait un sorbet à la pomme verte maison, surmonté d'une écume à la pomme verte, servi avec un "cidre de glace" lui aussi normand (obtenu par cryo extraction). Là aussi, je ne développe pas plus, car je le vends en boutique...En tout cas, une belle pause fraîcheur et une bonne transition vers le dessert.
Ca ressemblait à un minestrone, mais ça n'était pas vraiment un. Il y avait vraiment des légumes (courgette et carotte), mais il y avait aussi de l'ananas et de la mangue. Le tout était parfumé au yuzu qui unfiait les différentes composantes. Et il y avait un sorbet maison aux fruits de la passion rafraîchissant et peu sucré. C'était mieux ainsi, car le vin l'était pas mal, même si parfaitement équilibré :
C'était ma dernière bouteille de Layon SGN 1997 de Philippe Delesvaux. Un vin que beaucoup adorent sur LPV et dieu que je les comprends tellement ce vin frôle la perfection. Il a tout : la matière, la tension, la voluptuosité. Difficile de trouver meilleure conclusion à cette belle rencontre dédiée à la Passion du Vin
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