Jurançon version sec.
Appellation qui couvre environ 1000 hectares, Jurançon AOC ou AOP, est d’abord un vin doux. L’appellation d’origine contrôlée a été obtenue dès 1936, à la naissance de celles-ci, mais ce n’est qu’en 1975 que l’INAO reconnut l’appellation Jurançon Sec.
Souvent et trop rapidement divisée en deux zones, celle de Monein et celle de la Chapelle de Rousse, l’aire est assez complexe d’un point de vue géologique et on peut y différencier huit terroirs distincts :
- Des poudingues aux galets calcaires, arrachés à la chaîne Pyrénéenne autour du village de Jurançon
- Des argiles à graviers et des galets siliceux au dessus de Joliette
- Des terrains argilo gréseux à la ligne de crête entre Jurançon et Gan
- Des marnes marines dans la cuvette de Gan
- Une épaisse série marneuse à la Cuesta de Pont-Labaud
- Des Marnes et des calcaires spécifiques sur le secteur de Lasseube
- Des complexes argilo siliceux sur les poudingues de Jurançon, vers la Crête d’Aubertin
- Des graves à carapace ferrugineuse dans le secteur de Monein
Tous ces terroirs si divers ont un point commun : leur étagement de 300 à 400 mètres d’altitude sur des pentes orientées sud et sud est, face aux Pyrénées. Cette position a un rôle capital dans l’équilibre et la qualité des vins de Jurançon. Clairement dans la zone océanique, les terroirs de Jurançon ont un caractère piémontais affirmé où l’altitude atténue les températures fortes de la latitude méridionale, tout autant que l’Océan proche, mais cette altitude est également vecteur de gelées matinales tardives ce qui explique la culture des ceps en hautain. Par ailleurs, la position au pied des Pyrénées possède une autre importance majeure pour le vignoble de Jurançon, celle d’être dans une zone soumise à l’influence du foehn, vent chaud et sec venant d’Espagne, masse d’air asséchée par les pluies lâchées sur le versant ibérique et aux températures élevées par effet de compression à la faveur du relief descendant, phénomène connu dans d’autres régions. Cet effet de foehn est un des facteurs permettant le passerillage des baies pour l’élaboration du Jurançon. Autre facteur important lié à cette position particulière, la pluviométrie est importante sur l’appellation, autour de 1150 mm par an, répartie de façon assez régulière au long de l’année. C’est là que la qualité des sols est primordiale et les secteurs les mieux drainés sont aussi les plus propices, nonobstant la qualité intrinsèque des terroirs.
Au niveau de l’encépagement, Jurançon cultive là aussi son identité : des cépages très particuliers qui sont propres au Bearn et aux aires limitrophes, mais qui trouvent ici leur terroir de prédilection. Les deux Mansengs, bien entendu, gros et petits, le Courbu mais aussi le Lauzet et le camaralet qui retrouvent grâce auprès des producteurs et qui tendent à retrouver une place qui semblaient perdue.
Domaine Latapy 2005 : La robe de ce vin est assez soutenue, plus évoluée, sans pour autant donner de signes de fatigue. Le nez est très curieux, il porte sur des notes métalliques, minérales, presque pétrolées. Bouche sèche, pétrolée, citronnée : un vin austère sur une finale iodée et minérale.
Charles Hours, Happy Hours 2010 : or pâle à reflets verts, ce vin est peu éloquent au nez, il est très discret. En bouche une très fine perle souligne s’il en était besoin la grande vivacité du vin qui se caractérise par sa simplicité et sa grande facilité à être bu. Un vin très rafraîchissant.
Domaine Castera 2010 : La robe est bien jeune, avec ses reflets verts. Le nez se montre simplet floral. La bouche montre un vin vif, fruité, un peu simple sans doute au sceau de sa jeunesse peut-être. La finale est marquée par des amères qui manque un peu d’élégance et une acidité très marquée.
Clos Lapeyre 2010 : Si la robe ne dénote pas par son côté or pâle, le nez est engageant sur des senteurs de citron vraiment délicates. La bouche est simple, incisive. La finale est citronnée, très nette. Un vin très bien fait et représentatif.
Clos Thou, cuvée Guilhouret 2010 : La robe est dorée, dense, riche. Le nez est superbe, marqué par le citron, encore, mais de façon encore plus nette que sur les vins précédents, c’est crépitant. La truffe pointe. Un vin très complet en bouche, à la fois gras et tendu. Une impression de superbe jusqu’en finale où la longueur est très importante. C’est un vin excellent.
Lionel Osmin et Cie, Cami Salié 2010 : un vin plus de bouche que de nez qui s’exprime peu olfactivement mais qui possède un gras important, une texture serrée et soyeuse, presque moelleuse, bien que le vin soit sec, soutenu par une belle constitution vive. Puissant et riche tout autant que parfaitement équilibré, c’est un vin d’amplitude qu’il convient d’attendre.
Lionel Osmin et Cie, Cami Salie 2009 : La robe est dorée, soutenue. Superbe nez sur le citron confit, l’ananas. La bouche présente un joli gras sur une structure bien fraîche. Belle complexité : un très joli vin de bonne amplitude.
Domaine Bordenave Coustarret, Renaissance 2009 : le nez est très complexe, miellé, floral et fruité (papaye, fruit exotique) Une petite note truffée pointe. En bouche le vin possède une texture idéale, avec des saveurs épicées rarement éprouvées et une ténacité minérale tendue par une acidité acérée. Un vin vraiment excellent.
Domaine de Souch 2010 : une robe moyennement dense pour ce vin qui exhale des notes discrète de citron confit et d’ananas. La bouche est d’une belle amplitude sur une constitution très vive et réjouissante. Le gras est admirablement contrebalancé par la vivacité et ce vin reflète tout à fait son appellation par cet équilibre subtil. Longue finale sur le citron confit et une belle allonge minérale. Très bien.
Domaine de Cauhapé : Geyser 2010 : une robe pâle est des arômes stricts et minéraux au nez. Le vin est complet en bouche, sur une belle ossature vive. C’est un vin d’une légèreté apparente, plutôt dans un style sérieux et sans concession. J’aime beaucoup.
Clos Lapeyre Vitatge Vielh 2007 : D’une robe or pâle, très discret au nez, avec des arômes plutôt floraux et épicés, ce vin s’exprime pleinement en bouche par sa belle matière ample et suave immédiatement relayée par la trame vive et minérale, qui le supporte totalement. L’empreinte minérale est très marquée, presque saline. C’est un exercice de style dans la droiture remarquablement réussi. Longue finale citronnée et pierreuse. Longueur très importante et sèche.
Charles Hours, Cuvée Marie 2010 : robe pâle, nez boisé, avec des notes lactées et vanillées qui se fondent à l’aération pour laisser s’exprimer le fruit. Belle bouche très vive, mais sans excès, bel équilibre avec un boisé présent mais bien intégré et nullement dominant. Longue finale vive.
Clos Lapeyre Mantoulan 2007 : robe dorée, peu expressif au nez, mais festival en bouche avec des notes citronnées fantastiques, crépitantes, un gras important sur une constitution vive, voire saline. Un vin de bouche, assurément exceptionnel. A laisser vieillir pour voir si le nez se développe et si la bouche se complexifie encore. Excellent vin.
Domaine de Cauhapé, La Canopée 2009 : Robe soutenue. Un nez très beau sur des notes de citron, de truffe et un très léger boisé. La bouche est à la fois opulente et ciselée. La matière est impressionnante de richesse et de rigueur de constitution. Belles saveurs d’agrume et de fruits exotiques. Longue finale où pointe la truffe. Excellentissime, dans un style puissant et mûr.
Une dégustation bien réjouissante que celle-ci qui montre des vins de bouche plus que de nez. Rares sont les vins qui sont dotés d’une texture largeur de texture et d’autant de vivacité. Ils représentent ce que l’on attend aujourd’hui d’un grand vin blanc sec. Il est à saluer qu’il n’y a pas d’exagération boisée ; sans doute les matières sont si belles qu’elles supportent largement un élevage en barriques, mais surtout, il semble que les domaines sachent aujourd’hui moduler leurs élevages, de telle sorte que le fruit est devant. Tous les vins de 2010 goûtés montrent de bien belles qualités, dans des équilibres parfaits. Une étude plus rigoureuse par terroir mériterait réellement d’être faite, pour bien comprendre les nuances ; elle semble possible aujourd’hui tant le niveau qualitatif des domaines est assez homogène et élevé. Des têtes chercheuses s’emploient à progresser encore, augmentant les densités, redonnant à des cépages locaux, en passe d’être oubliés, une dimension nouvelle. C’est par ses particularismes que Jurançon s’individualise fortement et avec réussite.