Pas un gros grain à la Jean Valjean, quand même! Juste un petit coup de vent entre les deux oreilles, une introspection sur ce qui peut pousser un amateur à se retrouver ou pas dans un vin.
Plaisir hédoniste, plaisir intellectuel, plaisir passionnel? Quel est le moteur qui nous pousse, nous motive, nous guide?
Avec, à titre d'illustration, un exemple, choisi de façon totalement aléatoire, mais qui m'a passablement inspiré!
Un Corton Renardes 1967 de F. Gaunoux, acquis aux enchères pour pas bien cher. Mais qui miserait même 30 € sur un Bourgogne aussi vieux? A part moi, en souvenir d'un éblouissant Nuits-Saint-Georges de Gouges du même millésime?
La robe est on ne peut plus tuilée, vieille prune, assez claire. Le nez, plutôt discret, d'abord sur une pointe de moka, puis sur des arômes nets de pruneau. La bouche révèle une ossature encore debout. C'est-à -dire qu'il y a de la longueur, un beau support d'acidité, mais le vin est quand même un peu décharné. La peau sur les os! Mais quelle peau! Et quels os!
Comment alors juger ce vin? En terme de plaisir à l'état pur, sur l'échelle de Javichter, un pape de l'hédonisme belge ayant vécu d'amour et de bière fraîche, tout nu dans la mousse et dans des temps immémoriaux, juste un petit frisson! Pas même une érection! Mais néanmoins aucune raison de se diriger vers l'évier.
Si l'on peut considérer ce vin comme étant (légèrement) passé, il n'est pas pour autant complètement cuit, car sa structure encore vivace s'est bien accommodé d'un rôti de biche accompagné d'une purée de topinambours et de poires caramélisées, l'acidité du vin équilibrant bien la texture de la sauce. Du point de vue du gastronome, et de l'accord mets-vin, c'est beaucoup mieux, donc!
Et si on ferme les yeux et que l'on imagine la montagne de Corton, son sous-sol calcaire brun-rouge et les différentes parcelles qui la composent, le petit bois qui la couronne, où le gibier doit foisonner, des biches certainement, et probablement des renards, même si ça n'a rien à voir! Et puis 1967! 37 ans! Un peu de la mémoire vigneronne qui refait surface! Et qui va désormais rester gravée dans le cerveau de l'amateur, mi-historien, mi-poète, mi-intellectuel également! De ce point de vue là , lui aussi va y trouver son compte! Alors qu'importe la façon dont on souhaite prendre son pied! Il y a différents niveaux de lecture, et même un vin unanimement apprécié peut l'être pour des raisons totalement différentes.
Olif