Elevage en mer : Des vins à vingt mille lieues
On sait Laurent Maynadier toujours à la recherche. L’an passé, il avait déjà tenté une expérience comparative entre des vins laissés à vieillir en bouteilles dans un étang maritime, mais l’expérience s’est révélée peu concluante : peu de fond, de la lumière et une température très variable.
Il a tenté avec quelques autres une tentative en immergeant des vins dans la mer, cette fois, à plus de 20 mètres de profondeur, et un autre lot dans le Lac de Servières à la même profondeur.
Les vins ont été élevés ainsi 6 mois avant d’être remontés. Obscurité quasi-totale, température presque constante, autour de 8/10 degrés pour les vins sous la mer et entre autour de 5 degrés pour les vins au fond su lac.
Laurent m’a proposé de déguster les vins avec un échantillon témoin, à savoir le vin qui a été élevé dans son chai. J’ai reçu un peu plus tard les vins du domaine Sainte Eulalie en Corbières pour une expérience similaire mais sans élevage lacustre.
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Bien en tendu, il y a là une façon de faire parler de soi, une démarche marketing, mais connaissant Laurent et en ayant croisé les Chazalet de Sainte Eulalie, il est évident qu’il y a aussi une part de recherche vers plus de qualité.
Les commentaires :
Champs des Sœurs : Corbières blancs 2011 vieillissement en mer : Le nez est d’abord sur les fruits jaunes puis devient floral à l’aération avec une touche mentholée / anisée bien fraîche : un côté « poudré » bien nette, fleur blanche. Bouche complexe et complète qui allie notes fruitée et salinité, la fine perle bien présente apporte de la fraîcheur. Belle persistance sur un équilibre frais, gourmand et salinité affirmée.
Champs des Sœurs : Corbières blancs 2011 Lac de Sevières : Nez épicé puis s’ouvre sur des notes de fruit blanc. La bouche est large, saline, marquée par une fine perle. L’amertume est bien présente, tout autant que la vivacité. Moins complexe que la première bouteille. Assez proche, mais moins de finesse, plus carrée moins dentelle.
Champs des Sœurs : Corbières 2011 : Floral anisé, frais.
Bouche simple avec une fine perle. Bon équilibre entre amertume et acidité. Un certain manque d’élégance.
Champs des Sœurs : La Tina 2010 : cave - Un vin au joli jus qui possède toujours cette gourmandise que l’on croirait sucrée. Milieu de bouche épatant avec une belle vivacité et des tanins encore un peu présents et incisifs, mais j’ai vraiment envie de voir évoluer ce vin.
Champs des Sœurs : La Tina 2010 : lac de Servières : peu de différence mais un petit je ne sais quoi qui me fait un peu moins aimer le vin.
Champs des Sœurs : La Tina 2010 : mer : Une expression complètement différente. Le vin est moins massif, plus longiligne et la finale fait davantage ressortir les épices. Petite note de goudron en finale qui procure quelques amers.
Abbaye Sainte Eugénie, Corbière blanc 2011 : robe dorée. Un nez un peu acétate qui s’ouvre sur des notes de poire. La bouche montre un joli gras, le milieu est correct, même si je retrouve cette note un peu piquante. La longueur en revanche est bien courte sur quelques amers.
Abbaye Sainte Eugénie, Corbière blanc 2011 vieilli en mer : la robe est moins intense. Le gaz est important à l’ouverture. Nez discret, légèrement épicé. La fine perle en bouche donne beaucoup de fringant au vin, un aspect minéral et plus d’allonge. Le vin est plus fin, plus raffiné, les amers s’en trouvent atténués.
Abbaye Sainte Eugénie, Corbière rosé 2011 : les deux vins se dégustent davantage comme des blancs. Là également, plus de gaz dans le vin élevé en mer, mais une finesse et une élégance accrue, avec un côté minéral salin accentué.
Abbaye Sainte Eugénie, les Sarrasines 2010 Corbière rouge : belle robe pourpre violine. Les accents sont immédiatement méditerranéens avec ces belles notes d’olive, de garrigue. Un joli fruit de cassis se développe à l’aération. C’est un vin très aromatique. En bouche, on retrouve la même sensation sur un bon équilibre. Un vin savoureux, gorgé de fruit, de belle facture.
Abbaye Sainte Eugénie, les Sarrasines 2010 Corbières rouge, élevé en mer : la robe semble moins marquée par les teintes violines. Le nez est moins exubérant, plus rétif. La bouche confirme cette impression de vin plus ramassé, plus fermé et bien plus austère, avec là, des amers plus prononcés et des tannins plus saillants et épicés.
Ce fut une expérience très intéressante avec des conclusions très différentes entre les vins rouges et blancs.
Les vins élevés dans le Lac de Servières ne m’ont pas paru gagner positivement alors que pour les vins blancs la mer semble offrir des conditions qui transforment littéralement le vin. Plus fin, plus élégant avec une minéralité accrue. C’est bien simple, mon constat vont d’un vin que je n’aime guère (le Corbières élevé en cave) à un vin que j’apprécie (le même vin élevé 6 mois en mer). Le gaz me semble jouer une partition importante et j’imagine bien que les échanges gazeux dus aux différences de pression y sont pour quelque chose. N’oublions pas non plus que les caves méditerranéennes ne sont pas aussi climatisées que d’autres plus septentrionales. Pour les vins blancs les amers m’ont semblé atténués au profit d’une certaine salinité en finale pour les vins élevés en mer.
Pour les rouges, le constat est également édifiant, mais presque opposé. Les amers semblent plus présents et les vins plus épicés pour les vins élevés en mer. Je ne suis pas certain d’apprécier davantage cette version alors que pour les blancs le constat est sans appel.
Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, les vins issus du même jus étaient totalement différents et avec des différences marquées, à la fois au niveau du goût et de la structure, comme de l’équilibre ressenti.
Tous les vins étaient bouchés de bouchons synthétiques et j’imagine sans certitude que la question fondamentale qui peut apporter de tels changements réside dans le différentiel de pression. Je ne sais pas si la pression sous un lac à profondeur égale est aussi importante que sous la mer, mais j’imagine que dans ce cas la température a dû jouer son rôle. Toutes ces pistes sont passionnantes et mérites d’être encore explorées.