Dernière réunion de l'année pour mon club de dégustation, habituellement réservée à des vins dits de prestige, vu que nous sommes dans l'obligation de vider les caisses avant de débuter une nouvelle année en janvier prochain.
Une fois n'est pas coutume, alors que nous nous contentons habituellement d'un plateau de fromages en fin de dégustation, nous avions décidé cette fois de faire notre dégustation dans un très bon restaurant de la région, j'ai nommé
l'hostellerie Dispa
.
J'y ai mangé au moins une dizaine de fois cette année, et je n'ai jusqu'ici jamais été déçu, ni par la qualité des mets et des vins proposés, ni par celle du service, simple, efficace et particulièrement aimable. Julien en cuisine et Thibaud en salle sont tous deux passionnés, ça se sent, et aiment le bon vin !
Tous les vins proviennent de ma cave personnelle, ont été carafés et bus à l'aveugle, par paire, un rouge et un blanc devant accompagner chacun des plats, sauf le dessert où on servira deux blancs.
Petite mise en bouche apéritive : Guigal - Condrieu La Doriane 2005
La robe est d'un or intense. Le nez est ample, expressif, très mûr, exotique, avec un boisé totalement intégré. La bouche est puissante et grasse, mais possède suffisamment d'acidité pour obtenir un très bel équilibre. Très belle longueur.
Très bien.
Terrine de gibier, foie gras, magret de canard, pain forestier : Marcel Deiss – Altenberg Grand Cru 2001 et Domaine Jamet – Côte Rôtie Côte Brune 1995
L'Altenberg se pare d'une robe or intense et se présente au nez avec un bouquet complexe, mûr, fruité, avec de belles notes de mangue et un léger côté pétrolé qui n'aura échappé à personne. Le vin est riche, ample moelleux, d'une richesse équivalente à une belle VT, accompagnée par la très belle fraîcheur du millésime. Équilibre parfait, longueur exceptionnelle, tout le monde s'est orienté en Alsace, certains même chez le bon viticulteur. Pour le terroir, il leur faudra encore quelques années de dégustation supplémentaires. Superbe accord avec le plat, même si certains ont été déroutés par le sucre à ce moment du repas.
Grand vin !
La Côte Brune 1995 possède une robe rubis aux reflets grenat, d'intensité moyenne. Le nez, tout d'abord sauvage et sanguin, s'ouvre sur de belle notes fumées, de fruits noirs et de réglisse. En bouche, le style est strict, droit, avec une très belle acidité, une grande finesse de tannins et une très belle longueur. De manière assez étonnante pour moi (qui ne dégustait pas à l'aveugle), tout le monde est parti sur un Bourgogne... L'accord avec le plat était un peu plus difficile, le vin semblant un peu écrasé par la terrine.
Excellent vin.
Composition de champignons des bois de nos forêts : Domaine Tissot – La Tour de Curon – Arbois 2004 et Clos de Tart 1997
La Tour de Curon présente un nez caractéristique, grillé et fumé qui m'évoque irrésistiblement les vins de Coche-Dury, alors qu'il évoque irrésistiblement le Jura à mes compagnons de table. Comme ils dégustent à l'aveugle, ils ont certainement raison, bien que je ne trouve aucune note de type oxydative dans ce vin au fruité bien mûr, marqué par la noisette grillée. La bouche est tendue comme un arc, mais ne montre aucune maigreur, l'acidité est forte (nous sommes tout de même en 2004...) mais parfaitement enrobée. Très grande longueur. Le vin survole le plat, le place sous l'éteignoir tant il capte tous les sens. Quand on pense que les vignes ont été plantées en 2002, le résultat obtenu est époustouflant.
Superbe !
Le Clos de Tart se présente sous une robe d'intensité moyenne, aux reflets grenat. Le nez commence à montrer des signes d'évolution, sur des notes tertiaires de cuir et de sous-bois, tout en conservant un beau fruit bien mûr et des notes fumées liées à l’élevage, assez discret à ce stade. Bouche est ample, chaleureuse, apportant des notes réglissées, le tout dans un style assez puissant mais équilibré, d'une très belle longueur. Cette fois, une bonne partie de la tablée s'est dirigée plus au sud, vers le vignoble rhodanien... Le vin me semble aujourd'hui à point, offre un accord sans doute plus abouti avec le plat, mais ne parvient pas, en terme de plaisir pur, à se hisser à la hauteur du 1997 qui m'a fait découvrir le domaine il y a maintenant de longues années chez DidierT.
Très bien.
Pintade des Dombes désossée, golden caramélisée, réduction de cidre fermier : Château de Beaucastel – Roussanne Vieilles Vignes – Chateauneuf-du-Pape 1997 et Domaine du Clos des Fées – La Petite Sibérie – Côtes du Roussillon Villages 2005
Le Beaucastel VV 1997 présente une robe or ambrée, grasse. Le nez a donné lieu a une petit dialogue qui m'a rappelé quelque chose...
- J'lui trouve un goût de pomme.
- Y’en a.
- Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a autre chose,...
Avant même qu'ils évoquent la betterave, je les arrête, car ce nez me semble d'une belle complexité, avec de la pomme, certes, de la tarte tatin, des notes encaustiques, du raisin de Corinthe, et un fruité exotique bien mûr. En bouche, l'acidité semble faible, le volume est imposant, tout comme le gras, et pourtant l'ensemble évite la lourdeur. Seul petit reproche qu'on pourrait lui faire, la longueur n'est pas tout à fait au niveau des autres vins dégustés lors de cette soirée. Là, il faut bien le dire, mes compagnons de table étaient un peu perdus pour situer cette bouteille. L'accord avec le plat (excellent !) est très réussi et le cuisinier, qui nous a avoué avoir prélevé quelques centilitres de la bouteille pour l'incorporer à sa sauce est d'accord avec nous...
Excellent !
On parle beaucoup de la
Petite Sibérie sur le forum, mais en dehors des bouteilles dégustées sur les salons, on lit finalement assez peu de CR sur cette cuvée. L'occasion était trop belle pour en ouvrir une. La robe est intense, d'une jeunesse insolente. Le nez est lui aussi encore très jeune, pas encore d'une grande complexité malgré les deux ou trois heures de carafe, avec cependant un superbe fruité d'une grande maturité accompagné de notes de pierre à fusil et de tabac. La bouche, par contre, est de celle qui fait les grands vins, d'un équilibre parfait malgré la puissance, grâce à sa remarquable fraicheur, et si les tannins sont encore un peu fermes, ils sont d'une grande finesse. Très long. La plupart sont partis dans le sud, quelques-uns ont évoqué le grenache, aucun le Roussillon. J'avais un peu peur pour le vin qui allait passer après la Vieille Vigne de Beaucastel, mais la Petite Sibérie se tire d'affaire avec brio même s'il survole le plat plus qu'il ne l'accompagne vraiment.
Excellent !
Gourmandise autour de la pêche et de l’abricot : Kracher - Welschriesling TBA n°7 Zwischen Den Sen 2004 et Château Tirecul la Gravière – Cuvée Madame – Monbazillac 2004
Le TBA d'Aloïs Kracher se pare d'une robe or acajou, brillante. Le nez est envoûtant sur le raisin de Corinthe, de fines notes minérales, du botrytis, des agrumes confits et de la mangue. La bouche est riche, ample, grasse, liquoreuse, tout en parvenant à rester remarquablement fraîche tout au long de la très longue finale.
Grand vin.
La Cuvée Madame se montre à la hauteur de la situation. Si la robe est similaire à celle du vin précédent, le nez est plus riche, sur des notes encaustiques, des fruits exotiques, et un immense botrytis. La bouche semble encore plus riche, et si l'acidité est superbe, la finale semble ici un poil moins tranchante, tout en étant au moins aussi longue. La table est partagée, certains préfèrent le Kracher, d'autres votent pour Madame.
Grand vin aussi !
Au final, une soirée remarquable, sans la moindre fausse note, et sans aucune bouteille bouchonnée, ce qui m'a permis de garder pour une prochaine soirée les deux vins réservistes apportés au cas où... (Grange des Pères blanc 2003 et Hermitage rouge de Chave 1997).
Je sens que je ne devrai pas beaucoup insister auprès de mes camarades de jeu pour remettre le couvert l'an prochain, les verres vides peuvent en témoigner !
Une petite gourmandise avant de nous quitter...
Luc