Le cercle s'est de nouveau réuni ce Vendredi 13 Décembre pour explorer les coulisses du cépage pinot noir.
Des absents, malheureusement, à cause de la grippe qui sévit actuellement en Île de France, mais au final nous nous retrouvons quand même à pouvoir remplir un sextet de vaillants compagnons prêts à en découdre avec le cépage le plus compliqué qui soit, probablement, ou pas loin.
Pinot noir : son nom vient de la forme petite, cylindrique, dense et ramassée de sa grappe, comme une pomme de pin. Sa caractéristique vient de ses petites baies d’un noir bleuté ou violet foncé.
Ampélographiquement, il est le père du Gamay et du Chardonnay. Sa présence est attestée dès l’époque Romaine en Bourgogne. On pense que le naturaliste Columelle en a parlé lorsqu’il est venu en Gaule et donc que ce cépage est finalement assez ancien.
D’un débourrement précoce (sortie des petites feuilles du bourgeon), il est donc très sensible aux gelées, ce qui le fait éliminer des vignobles de plaine ou de bas de coteaux dans les régions septentrionales, réputées trop gélives. Encore que ce paramètre viendra peut-être à s'ajuster.
La
fertilité du Pinot est faible, sa taille est donc adaptée : taille gobelet à 4 coursons, taille en cordon de Royat avec 4 coursons à deux yeux, soit Guyot simple avec un maximum de 8 yeux par cep. En Champagne où le rendement maximal est malheureusement parfois recherché, on le taille en Guyot simple à 10 yeux et un courson à 3 yeux, ou avec un Guyot double pour augmenter la production. La dégustation va quelque part relativiser un peu le fait que les meilleurs vins de pinot noir viendraient de terrains calcaires, et uniquement sous des climats tempérés. En effet dans les régions méridionales, les raisins mûrissent en Août, au moment des grandes chaleurs donnant des vins au fort titrage alcoolique mais sans bouquet particulier. En régime tempéré, le pinot noir donne un vin qui titre 10 à 12 degrés naturels. A noter que lorsque la maturité alcoolique est insuffisante, les producteurs Bourguignons ont pris l'habitude de
chaptaliser (rajouter du sucre dans les moûts pour en augmenter le titrage en alcool).
Les derniers millésimes à avoir "bénéficié" de ce traitement sont 2014 et 2021.
Les vins dégustés lors de la séance
Bourgogne pinot noir Côte d’Or 2019 Fabien Coche
Ce vin était ouvert de la veille.
La robe est dense, avec une turbidité marquée par absence de filtration. Au nez on décèle un léger floral de la cerise et des notes d’oranges sanguines. C’est expressif et frais. La bouche est tactilement agréable, sans grande complexité, il y a de la matière avec des nuances de groseilles, de tiges de fleurs et de sanguin. Un vin à l’élevage bien dosé, encore assez brut de décoffrage qui propose un niveau de qualité conforme à son appellation régionale.
Pommard 1er cru En Largillière 2015 Albert Boillot
Ce climat argileux orienté Est idéalement situé au-dessus des Grands Epenots et à droite des Pézerolles aurait logiquement pu proposer un vin d’un autre calibre. Le nez est très discret, la matière est assez fluette, peu épaisse, peu complexe, elle est même sertie de tanins rugueux, voire d’une déviance alcooleuse et un peu terne. On ne prend pas de plaisir avec ce vin monocorde qui semble éteint.
Vin de France Les Ponts 2017 domaine Recrue des sens, Yann Durieux
La robe est profondément turbide. Au nez la présence forte de volatile, voire d’acétate est perceptible. Il y a beaucoup (trop ?) de perlant en bouche. L’ensemble fait très nature mais le vin est aqueux, en « vrac », sans réelle direction. L’acidité presque vinaigrée domine les débats, c’est dommage. Quand on connaît le prix de vente caviste, ça devient plus que dommage…Mauvaise bouteille ? Vin typé nature qui a mal évolué ? Sur cet échantillon en tous les cas, ce n’est pas convaincant.
The Paring 2017, Santa Barbara county
Ce sera le cru avec la robe la plus sombre, elle est presque noire. On devine au nez un élevage bien fait. Le vin est dense et confituré. A l’aération, alors qu’il dévoile toute sa largeur, des notes d’alcool apparaissent. C’est clairement bien fait, sans trop d’aspérités, mais hélas sans réelle identité et du coup pour moi c’est aux antipodes de ce que j’aime et de ce que j’attends d’un pinot noir.
Nuits-Saint-Georges 1er cru Les Damodes 2017 domaine Arnaud Chopin et fils
La robe est rubis turbide. D’emblée on est gratifié d’un nez très engageant, avec des notes de groseilles, de petits fruits rouges, de fumé, de sanguin et même une touche florale qui complète une belle complexité olfactive. On ressent également une pointe résiduelle de l’élevage bois. La bouche est déliée, fine, élégante, subtile. L’acidité est présente mais pas saillante, les nuances fruitées type cerises griotte sont agréables et fraîches. L’ensemble est cohérent avec le millésime, la matière n’est pas très étoffée et finalement ce vin est déjà presque prêt à être bu. Finale sur des notes torréfiées légères, petit reste d’élevage. Vraiment très bien fait, et le premier vin de plaisir de la dégustation, très au-dessus des précédents, laissant la bouche fraîche et l’envie d’y revenir.
Gevrey-Chambertin « Racines du temps » 2017 de René Bouvier
Encore une robe turbide non filtrée…Est-ce que ce serait désormais admis que la filtration dépouille les vins ? Le nez est ici plus monolithique mais néanmoins agréable avec du floral assez délicat et des notes sanguines. Il y a du jus en bouche, incontestablement. Le millésime est reconnaissable car la matière déliée et l’aromatique sont très proches du vin précédent même si moins expressives. Le boisé ressort davantage, même après un long carafage, et la longueur est très bonne. C’est un vin très bien fait qu’on peut attendre un peu plus que le précédent mais qui est bien constitué. D’ailleurs certains d’entre nous lui ont trouvé davantage de caractère. Le vin s’était amélioré le lendemain après quelques heures de respiration supplémentaires.
Brauneberger Klostergarten*** 2014 Markus Molitor
Dans la nomenclature des vins du domaine, les 3 étoiles signent le plus haut niveau de qualité. La bouteille pèse un âne mort, n’en transportez pas une douzaine. Le nez jaillit du verre avec des notes de gelée de groseilles et de sanguin affirmé. On décèle également un petit trait végétal agréable qui rafraîchit l’olfaction. En bouche, on est sur un complexe viande rouge, sang, fer rouillé (ferrugineux), de très belle facture et déjà un poil évolué. Le vin est tout en dentelles, on ressent du terroir avec une note quasi-métallique dans la finale. C’est très bien fait, c’est un vin de plaisir, c’est frais, et c’est gouleyant. Les pinots noirs réputés du domaine n’ont pas usurpé leur renommée ! Techniquement parlant, on est ici sur des terroirs constitués de sols d’ardoises, la vigne est jeune et elle est plantée de clones de sélections massales de pinots noirs français, l’élevage se fait en barriques françaises. En substance, c’est de la Bourgogne sur un sol allemand. Petits rendements et à peine 2 300 bouteilles produites dans une gamme de prix qui justifie cette qualité.
Premium pinot noir 2009, Bass Philipp
Aux antipodes du précédent, et pas seulement au niveau géographique, on est ici dans une déclinaison variétale radicalement plus sudiste et épicée du cépage. Le nez est engageant mais a eu besoin d’un carafage pour s’exprimer pleinement et le vin était encore bien meilleur le lendemain après sa prise d’oxygène. Des notes boisées, sanguines élégantes complètent un côté fraises, épices, rouille de bel effet. La bouche est du velours, on a un retour végétal tige épices, c’est solaire, c’est gourmand, c’est dense et long en bouche. Certains évoquent un côté Reynaud. Au final c’est très bon mais cela aurait mérité d’être attendu au moins 5 à 10 années supplémentaires pour obtenir davantage de délié et de direction.
Chassagne-Montrachet 1er cru « Clos de la Boudriotte » 2008 domaine Ramonet
La robe fait d’emblée plus évoluée que les vins précédents. Elle aussi plus claire, assez diaphane dans sa teinte rubis. Le nez résonne d’un ensemble qui tourne autour des fleurs délicates fanées, de l’humus forestier, des petits fruits rouges. C’est surtout en bouche que le vin nous enchante d’abord tactilement mais aussi avec des nuances florales, de gelée de fruits rouges. C’est aérien, très parfumé, très frais, d’une grande délicatesse, avec beaucoup de classe, c’est très long et c’est à boire. Considérant ce millésime assez difficile à négocier en Bourgogne, qui a donné des vins hétérogènes et dont le vieillissement n’a pas apporté de garantie, ce cru est une grande réussite dans le contexte.
Dalsheim Bürgel Spätburgunder trocken 2008, Keller
Dense et opaque de robe, le vin offre des nuances torréfiées au nez qui signalent un élevage qui n’ apas été intégré. Le vin fait pourtant évolué en bouche, il offre des nuances épicées et goudronnées, des fleurs fanées. L’élevage robuste ressort, mais c’est simple et efficace. On est néanmoins très en-dessous de la gourmandise du vin de Molitor tellement mieux dosé en terme de boisé.
Voilà, fort belle soirée qui s'est poursuivie avec un excellent repas et notamment un baba au rhum de compétition, que certains trouvaient assez pauvrement imbibé...qu'à cela ne tienne, il y avait de la ressource avec le rhum arrangé maison aux myrtilles, une tuerie.
A bientôt et merci de nous avoir lu. Ci-jointe la photo de classe.
Caramba !
Zapata