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Un anniversaire de Moriendi

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Un anniversaire de Moriendi a été créé par Moriendi

Votre accompagnement musical.

Je me regarde dans le miroir. Une dernière inspection avant la fête. Un regard fatigué m'examine de haut en bas. Fatigué ? A une époque il était pourtant malicieux, innocent, rieur, espiègle ce regard. Mais quand était-ce ? Quand on m'appelait Moriendi le débutant. Ou l'éphèbe. Puis je suis devenu Moriendi l'ardent, le rayonnant, l'épanoui ; le chieur ou l'énervant aussi pour certains. Des fâcheux à n'en pas douter. 

Les choses ont commencé à craindre quand on m'a appelé le sage. La sagesse ? L'imposture philosophique ultime, une simple sublimation de l'impuissance déguisée en vertu cardinale. Qu'on me préserve de la sagesse, je saurai toujours gérer ce qui me reste de folie. Et maintenant ? Maintenant c'est la fête pour Moriendi le caduc, l'amorti.

Le cercle des amis intimes est presque au complet, le menu fera dans le classique, les vins aussi, puisés dans ma petite réserve. Sobre, élégant, gourmand. What else ?

Pascal Doquet - Champagne Anthocyanes rosé premier cru
70% de 2013, 30% de 2014, assemblage de 52% de chardonnay et 48% de pinot noir, dégorgement juillet 2018, dosage de 3,5g/l
Si ce n'est plus le temps des cerises, c'est définitivement celui des amuse-bouches avec des toasts au foie gras et de petits légumes crus à croquer en crissant des quenottes. Avec ça, pour se mettre en train, un Champagne rosé. Bon, je le confesse bien volontiers, d'autant plus que j'ai fait voeu d'écarter toute prétention et de m'offrir au monde dans la nudité exaltante d'une honnêteté absolue, le Champ' je ne suis pas trop fan et donc je n'y connais pas grand chose. A noter que ces deux propositions peuvent être inversées, offrant la perspective d'une discussion stimulante sur les causes et leurs effets. Mais passons.

Alors pourquoi un Champagne rosé ? Parce que c'est beau, gai, insouciant, que ça me donne envie de jouer à cache-cache et de courir dans les prés. La robe de cette cuvée Anthocyanes est superbe, d'un rose profond qui tire sur le fuschia. Une joie pour l'oeil. En bouche, le vin est gourmand, avec une petite rondeur discrète malgré le dosage extra-brut, tout à fait comme l'embonpoint douillet mais sexy de votre serviteur. Les bulles sont fines et étirent le vin vers une finale pleine de fraîcheur.

Domaine Bonneau du Martray - Corton-Charlemagne 2006
De bonne humeur, l'assemblée passe à table. Des coquilles Saint-Jacques gratinées aux champignons sont servies pour la grande joie de tous. Taquin, je fais goûter le vin à l'aveugle. Après un moment de flottement et aidé par l'évocation de quelques souvenirs communs, tout le monde se dirige vers la Bourgogne. Des Corton-Charlemagne de Bonneau du Martray de la seconde moitié des années 90 font partie de mes plus beaux souvenirs de vin blanc et je suis excité comme un gamin qui ouvre ses cadeaux de Noël en faisant tourner le vin dans mon verre.

La robe est de la couleur du beurre frais mais aucune trace beurrée au nez en revanche. Au contraire, le vin est est quelque peu renfrogné, avec des notes cristallines et finement citronnées. En bouche, il met aussi un peu de temps à s'ouvrir, alors qu'il avait été aéré une paire d'heures. Il fait montre de beaucoup de puissance et d'énergie, comme s'il avait été mis en bouteille hier, mais se montre avare en sensations.

Et c'est là que je sers la deuxième bouteille. Comme souvent, la différence est flagrante bien que les deux vins soient strictement identiques. Ce flacon possède la puissance d'airain du premier mais avec une complexité supérieure, fruits blancs, pointe miellée et longue finale finement saline. Tout le monde en convient : la deuxième bouteille est meilleure, le vin est un mystère, l'accord avec les Saint-Jacques est nickel et dans la vie ce qui compte c'est de se bonifier.

Domaine Bonneau du Martray - Corton 2005 et 2009
On passe au rouge. J'ai choisi de rester chez Bonneau du Martray dont je n'avais jamais goûté les Corton. Un chapon de Bresse farçi aux champignons des bois et aux foies de volaille m'en donne l'occasion. La bête est magnifique et la robe des vins, servis simultanément, aussi : d'un beau grenat, elle fait encore très jeune, sans trace de tuilé. Les nez sont très différents : le 2009 est épanoui et aguicheur, me faisant des clins d'oeil pour m'inviter à le boire, tandis que le 2005 en revanche me prend de haut. 

En bouche c'est le contraire : le 2009 se montre réservé, voire hautain. Il distille avec une réserve toute aristocratique ses arômes de fruits rouge, propose une profondeur certaine mais qui reste curieusement insondable. Il y a du vin, on le sent bien, de la puissance, une belle structure tannique mais aussi une vraie austérité.

Le 2005 en revanche est un bonheur : gourmand, charmeur, harmonieux, il dégage lui aussi beaucoup de puissance mais avec des accessoires de luxe : j'ai l'impression d'être assis dans une Jaguar toutes options. Nonobstant* la préférence unanime pour le 2005, les deux bouteilles s'évaporent à une telle vitesse qu'il me semble évident que des fantômes scélérats ont tapé l'incruste pour siphonner les flacons. Nous convenons tous que le vin est très mystérieux, que la maison est hantée, que les champignons avec le vin c'est cool et que all you need is love.

Domaine aux Moines - Savennières Roche aux Moines 2015
Sonnez tambours, roulez trompettes (à moins que ce ne soit le contraire), voilà le fromage, avec une sélection généreuse de petits chèvres et autres friandises goûtues (Saint-Nectaire, Maroilles, Epoisses, Reblochon, Comté, etc.). Là-dessus un p'tit Savennières que j'adore, j'en ai d'ailleurs déjà dit tout le bien qu'il faut en penser dans un CR de 2020. C'est la fin du repas, je suis un peu flemmard, je me cite : "La robe est fleur de soufre (un jaune qui pète) et le nez est ouvert, sur des arômes citronnés avec quelques fruits secs et une touche de minéralité (roche chaude si vous sentez ce que je veux dire). C'est très bon, assez irrésistible en fait, grâce à un superbe équilibre." Rien à ajouter, si ce n'est que l'accord avec le Maroilles fut particulièrement réussi.

Château Gilette - Sauternes Crème de Tête 1990
Pour accompagner le dessert à base de mirabelles et de glace à la vanille, un Sauternes s'imposait. Bon, en fait non, il ne s'imposait nullement, un Côteaux du Layon ou un Bonnezeaux aurait sans doute mieux convenu, mais j'avais envie de boire cette bouteille, sachant que j'ai (trop) rarement croisé Gilette dans ma petite expérience d'amateur. Et j'ai pu mesurer à quel point c'est dommage, car quel vin magnifique !

La robe est d'un jaune paille d'une grande jeunesse et le nez est sur les fruits jaunes. La bouche est éclatante de vivacité et de gourmandise : c'est du miel liquide, de la liqueur d'abricot, du jus d'ananas, tout cela mélangé à mille autres saveurs. Aucune lourdeur dans ce vin qui semble immortel et enterrera en fanfare votre serviteur en dansant une gigue endiablée sur ma tombe.

Nous convenons tous que les grands Sauternes c'est magique, que rien ne vaut l'amitié, de bon plats et d'excellents vins pour faire face avec sérénité au temps qui passe, et que parfois, parfois, la vie est supportable.

*Je m'étais juré de placer un "nonobstant" dans ce CR, le voilà. Aux amateurs de nonobstant, et je sais que nous sommes peu nombreux mais qu'il y en a, je dédie ce passage de "Les Convoyeurs attendent" (à la troisième minute) .

“N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi.” - Cioran // Serge
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24 Déc 2022 14:53 #1

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Réponse de oliv sur le sujet Un anniversaire de Moriendi

Bon anniversaire, Serge !
Sweet sixties........
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24 Déc 2022 16:16 #2

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Réponse de Eric B sur le sujet Un anniversaire de Moriendi

Un petit chef d'oeuvre, ce CR ! (tu)

Eric
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24 Déc 2022 17:36 #3

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Réponse de mgtusi sur le sujet Un anniversaire de Moriendi

Longue vie aux CR décalés de cette qualité !

Michel
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24 Déc 2022 18:37 #4

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Réponse de Frisette sur le sujet Un anniversaire de Moriendi

Ultra fan du CR... et je t'avoue que j'aime placer de temps a autre un petit "nonobstant"! 😉
HB Serge.
PS: Poolvoerde est magique...

Flo (Florian) LPV Forez
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25 Déc 2022 11:43 #5

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