Troisième séance en ce vendredi 10 avril, et nouveauté : Albéric Mazoyer nous propose de changer de terrain de jeu, et d’aller en Cornas où une expérience particulière nous attend. Nous n’irons donc pas à Mauves (La Côte) mais sur le quartier des Mazards, un pied de coteau en appellation Cornas.
Le thème du jour est « Travail des sols », et avant de prendre les piochons c’est l’occasion pour Albéric de nous expliquer sa démarche en bio-dynamie à Saint Péray. Rappelons qu’avant d’être au domaine Voge, Albéric a été directeur technique chez Chapoutier, avec l’expérience d’une conversion en bio-dynamie depuis 1995. Il a choisi de commencer par Saint Péray, du fait de parcelles plus « faciles » à travailler qu’en Cornas, avec une conversion qui a commencé courant 2006, ce qui amènera une certification pour le millésime 2010 mais nous n’en sommes pas là.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030741.JPG][/url]
Notre objet n’est pas de juger de la bio-dynamie, mais d’écouter ce qui nous en est dit. Après un passage chimique à outrance, avec désherbants et engrais utilisés massivement dans les années 60 et 70, certains reviennent aux pratiques précédentes et à une agriculture respectueuse de la nature. On peut être bio, mais la bio-dynamie c’est l’utilisation de certains produits spécifiques, et notamment les préparations 500 et 501.
L’objectif de la préparation 500, à base de bouse de vache qui fermente et se dynamise dans des cornes enterrées durant un hiver complet, est de dynamiser le sol pour mieux exprimer le terroir. L’analogie avec l’homéopathie apparaît rapidement, avec un usage de préparation 500 à raison de 100 grammes par hectare, ce n’est pas le produit qui agit en lui-même, c’est plutôt un catalyseur. L’augmentation de la vie microbienne du sol, pour une meilleure nourriture de la plante, en constitue l’objectif. Ce produit améliore la fabrication d’humus, sans apport extérieur. On regarde et on sent…
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030744.JPG][/url]
La préparation 501 est encore plus « homéopathique », 2 ou 3 grammes de quartz broyé dans un récipient en verre, qui après exposition au soleil est mélangée dans une cuve et utilisée pour améliorer l’utilisation de la lumière solaire. La préparation 501 fut beaucoup utilisée en 2008, année fraiche et humide…
Il y a également un calendrier de bio-dynamie, basé sur l’expérimentation et sur le fait que la plante a des cycles, comme tout être vivant. Bref, on y croit ou on n’y croit pas, mais au départ c’est quand même une démarche de culture « bio » qui ne peut recueillir que des encouragements. Cela ne veut surtout pas dire travail harassant fait par des barbus hirsutes, et on peut être équipé : la cuve réalisant les préparations est abritée au fond du garage, et un moteur permet de remuer le mélange de manière homogène…
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030735.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030739.JPG][/url]
Ceci fait, nous nous rendons donc dans le quartier de Mazards, dont 3 hectares étaient menacés par une modification du PLU… Avant de commencer nos travaux nous découvrons une large gamme de pratiques de travail des sols. L’objectif du travail des sols est de permettre le bon développement de la vigne, en évitant la concurrence des herbes pluri-annuelles et pérennes, qui limiterait l’apport en eau au moment où la vigne pousse c'est-à-dire au printemps, et conduirait au « stress hydrique » durant l’été. L’idéal est de tenir propre jusqu’à la floraison, ensuite on peut laisser pousser… On évite aussi la présence d’herbes entre les pieds, qui retenant l’humidité pourrait favoriser la pourriture avant la vendange.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030749.JPG][/url]
Surprise à l’arrivée : visiblement dans le secteur, tout le monde n’est pas en bio-dynamie !
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030747.JPG][/url]
Première parcelle (photo ci-dessus) : les rangs de vignes sont espacés, l’inter-cep est travaillé, l’inter-rang ne l’est pas, il est enherbé.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030750.JPG][/url]
Deuxième parcelle : seul l’inter-rang est labouré, le rang lui-même est désherbé chimiquement.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030754.JPG][/url]
Troisième parcelle : pas désherbée du tout, pas travaillée, pourvu qu’il y ait de l’eau !
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030755.JPG][/url]
Quatrième parcelle : désherbage total, est-ce Beyrouth ou Hanoï ?
Albéric nous indique que la réglementation nationale et européenne fait aussi évoluer rapidement les choses, en limitant la quantité maximale de désherbant par hectare. Pour une fois, merci à l’Europe !
Nous arrivons au lieu de nos travaux, et avant de commencer faisons connaissance avec Christian BOUVIER qui fait partie de ceux qui ont relancé la traction animale, c'est-à-dire l’utilisation du cheval dans les vignes. C’est pour lui et pour ses utilisateurs, les domaines les plus connus du secteur de l’Hermitage, la meilleure façon de travailler dans des parcelles plantées avec une grande densité. Le cheval passe facilement entre les rangs, et ne produit pas de tassement. Dans le même temps, le fait de supprimer les racines superficielles oblige la plante à aller puiser l’eau en profondeur, pour une meilleure expression du terroir et une moins grande sensibilité aux aléas climatiques.
Il travaillait de 20 à 25 hectares ainsi il y a 4 ans, c’est maintenant une centaine d’hectares qui en bénéficie avec 8 personnes et 14 chevaux. La relance de la traction animale est passée par des formations diplomantes et qualifiantes, on découvre une personne authentique et engagée, qui milite activement et a par exemple fait partie du groupe ayant lancé « De ferme en ferme » il y a un peu plus de 10 ans…
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030760.JPG][/url]
Gamine, franc-comtoise de 8 ans, travaille en parfaite harmonie avec Christian qui tient la charrue, et qui l’écarte à l’approche du cep. Un travail à la fois de force et de précision, qui nous laisse admiratifs et on vous laisse découvrir…
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030761.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030765.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030767.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030770.JPG][/url]
Albéric nous expose rapidement les enjeux économiques, qu’on comprend facilement : sur un hectare il y a environ 50 heures de cheval à 55€ de l’heure, puis une centaine d’heures de travail à la main ! Ceci à comparer à une dizaine d’heures dans un désherbage chimique, il faut vraiment être dans une forte démarche qualitative pour aller dans cette voie, il faut faire de la qualité, la faire reconnaître et la faire payer.
Nous prenons ensuite les piochons, et chaque cep du rang est dégagé pour casser les racines superficielles (dites racines françaises car se développant au dessus du greffon à l’horizontale et concurrençant le haut du cep) et éliminer les herbes restantes, ainsi qu’aérer le pied de vigne. Cela permet de supprimer ces racines qui vont sécher en étant à l’air, et la terre sera ensuite remise autour du pied. Les jeunes pieds plus fragiles et au système racinaire moins développé n’ont pas droit à ce traitement qui serait traumatisant.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030762.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030763.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030773.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030777.JPG][/url]
Comme pour la taille, nous découvrons des pieds différents, dont certains très particuliers. Si les racines superficielles se développent, elles tendent à alimenter la plante et le système racinaire en dessous de la greffe se nécrose et meurt. On a ainsi un pied de vigne qui n’a plus beaucoup d’espérance de vie, et finira par dépérir. Certains n’ont ainsi pas résisté au passage de la charrue, malgré les bons soins de Christian. Albéric nous indique que cette parcelle n’était pas travaillée auparavant, et que ce genre d’incident arrive donc plus fréquemment.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030781.JPG][/url]
Le sol est vivant, la présence de larves diverses et variées en témoigne !
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030786.JPG][/url]
Nous piochons et piochons encore, heureusement pendant peu de temps, mais en ayant une pensée pour ceux dont c’est l’activité quotidienne en cette saison, et quel que soit le temps. Quel travail pour faire de grands vins ! La vigne commence à pousser, nous verrons cela plus précisément à Mauves mi mai, avec un retour sur notre parcelle. Encore une fois, nous avons eu une belle journée, et ce moment extraordinaire se prolonge au caveau…
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030794.JPG][/url]
Retour à Cornas, au caveau du domaine Voge dont nous connaissons la salle de dégustation, qui est à notre disposition : quel accueil... Le thème de la dégustation était « Marsanne et Roussanne » autour de quelques éléments solides à base de poisson (merci à Christophe de s’en être occupé).
Précision : tous les vins sont dégustés à l’aveugle, avec un ordre non établi à l’avance chacun ne connaissant que sa bouteille. Il fallait alors proposer sa bouteille au bon moment, l’ordre des commentaires étant celui de la dégustation et les enchainements se sont tous très bien passés ! Une belle dégustation et un grand moment de plaisir…
Je laisse le clavier à Laurent pour les commentaires sur les vins.
Jean-Louis
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030796.JPG][/url]
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030798.JPG][/url]
Saint-Péray Fleur de Crussol 2004
Un nez épicé se présente puis sur l’élevage, vanille, beurre, amande. La bouche est grasse, ample avec une pointe chaleureuse en finale. Un vin destiné à la table avec encore un peu trop d’élevage à mon goût.
Assez Bien +.
Saint-Péray Bernard Gripa 2002
Le nez est élégant sur les fruits jaunes bien que peu expressif. La bouche est équilibrée et assez gourmande. Finale avec une légère amertume et assez courte.
Bien.
Saint-Joseph Domaine Gonon « les oliviers » 2006
Le nez est sur la pêche, agréable à humer. La bouche présente un joli gras, ample et de belle longueur. Un joli Saint-Joseph.
Bien ++.
Brézème Domaine des quatre cerises 2007
Le premier nez est grillé (poudre) de style bourguignon, sur l’élevage et semble évolué. La bouche est bien équilibrée, jeune, droite avec un joli gras. Finale assez courte.
Bien.
Chignin Bergeron domaine André et Michel Quénard 2007
Le style est radicalement différent, le nez est explosif sur les fruits exotiques et les fruits jaunes. La bouche est gourmande, riche, simple, saline, avec une belle longueur.
Bien ++.
Vin de Pays des Bouches du Rhône Domaine de Trevallon 1999
La robe est beaucoup plus évoluée, de style oxydatif, avec un nez vanillé et épicé très agréable. La bouche est droite, grasse, bel équilibre et grande longueur.
Très Bien -.
Hermitage Domaine Chapoutier « De l’Orée » 1991
Le nez est très fin, évolué, une pointe de pétrole (très léger oxydatif). La bouche est très grasse mais encore vive et tendue avec une très belle longueur. Une bouteille encore bien vivante, bien plus que le 92 bu récemment.
Très Bien.
Hermitage Domaine Chave 1980
La robe est d’un jaune moins marqué que le précédent et présente un superbe nez sur la roche mouillée puis sur le menthol à l’aération. La bouche est miellée, très gourmande et semble encore plus jeune que le précédent. Grande longueur. La classe.
Très Bien +.
[img=http://photos.coste-du-rhone.com/Voge/Sols/P1030800.JPG][/url]