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CR: Saumur-Champigny 1959 - Domaine E. Audebert

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Le samedi 03 mars 2007 à Tours : Saumur-Champigny 1959 — Domaine E. Audebert. 19/20

La soirée devait se dérouler uniquement autour d’une bouteille de François Chidaine : Les Tuffeaux 1999. Ce ne fut pas le cas, car un don inespéré vint bouleverser mes plans. Le père de mon amie nous donna une bouteille de E. Audebert. Cet homme possédait des vignes à Bourgueil, Chinon, Saumur-Champigny et Vouvray, et engendra de magnifiques bouteilles dans la deuxième partie du 20ème siècle. Depuis, le domaine a qualitativement périclité et s’est également disloqué. J’ai encore le souvenir de son Bourgueil 1976 (dont quelques bouteilles avaient été glanées au cours d’une vente aux enchères pour la somme modique de 8 euros) marqué par des notes inflexibles de truffe blanche, de fruits rouges, de prune, ainsi que par des émanations ferrugineuses.

Voici donc le petit cadeau…

Le niveau est parfait. Un centimètre sépare seulement le vin du bouchon. La robe affiche une couleur grenat, un mélange d’un rouge cerise et d’un orangé brique. Les reflets sur les bordures du disque apparaissent quant à eux légèrement tuilés. La richesse du vin est donnée par les larmes du vin qui sont relativement abondantes et qui descendent lentement le long des parois du verre. La fluidité est donc plutôt dense. Le premier nez se positionne sur des arômes matures de fruits rouges tels que la framboise qui domine et la fraise. A ce stade on pourrait penser à des effluves que dégagerait une gelée composée par ces mêmes fruits. Le bouquet dégage également de magnifiques sous-nuances forestières (des notes d’une grande noblesse de truffe et de fougère) et légèrement giboyeuses. Je perçois également dans ce nez profond, élégant et noble des effluves minéraux via des notes de terre humide, ainsi qu’une pointe d’épices et de menthe. Quelle complexité ! L’attaque en bouche est conséquente et chemine entre ma langue et mon palais en douceur et de manière homogène. Après 5-10 minutes, j’ai le sentiment que le bouquet s’oriente à ce moment vers des arômes de fruits sauvages au premier rang desquels la mûre, ainsi qu’un peu de myrtille. Puis, rapidement, de subtiles senteurs de lard fumé apparaissent et viennent complexifier un peu plus ce magnifique bouquet qui s’exprime avec une grande distinction. J’y retrouve les notes de terre qui s’expriment sur un fonds où se dégagent des émanations de liqueur de fruits rouges. Je goûte à nouveau. Le vin est frais, équilibré et très persistant en bouche. Tout comme la sensation perçue au nez, je retrouve en bouche les émanations minérales de terre, les nuances d’animal noble, et les arômes de fruits rouges. Le bouquet est véritablement multiforme, multi-céphale. En effet, le pivot du nez s’est une nouvelle fois transformé pour se concentrer quelques minutes plus tard sur des arômes de fruits à pépin (la figue) et de fruits secs (le pruneau). Le lard fumé revient au galop, s’associe aux notes de figue et de pruneau, puis domine ces notes fruitées. Un peu de badiane apparaît également à ce stade. La bouche est équilibrée, svelte, fine, relativement dynamique, et longue.

Allez ! Je me sers à nouveau un (petit) verre avant de laisser le vin de côté, afin d’en laisser pour accompagner la terrine de chevreuil au foie gras de canard et le pain au noix, noisettes et raisins. Les arômes d’animaux nobles dirigent la fanfare gustative : jus de viande, fourrure, lard fumé s’expriment de concert. Quelques secondes s’écoulent, puis dans une sorte de plénitude, les notes de fruits rouges (où la framboise domine toujours autant) s’agrègent congrûment avec les senteurs animales aristocratiques et élégantes. Dans un troisième mouvement, les fruits sauvages (la mûre te la myrtille), les fruits à pépin qui nomment comme ambassadeur la figue, et les fruits secs (le pruneau) pointent à nouveau leur nez et s’expriment "olfactivement" sur un tapis de notes bien mures de framboise — une sensation entre des framboises écrasées et une liqueur douce de framboise — qui font office de chef d’orchestre. Quel bonheur ! Je laisse le verre de côté quelques instants. J’y reviens. Un sentiment olfactif fugace me traverse alors. J’ai l’impression à cet instant de percevoir des arômes de fruits exotiques. Ils ne reviendront plus. La bouche est toujours aussi élégante mais consistante, svelte mais tonique. Un sirop délicat de framboise envahit alors ma bouche. Le fonds du verre sent le cuir que je n’avais pas encore ressenti, la framboise et la fraise. Quel délice !

La terrine et le pain sont sortis. Je me sers un troisième verre. Le nez se positionne sur la framboise (toujours présente), sur les fruits sauvages qui entrent cette fois-ci directement en discussion avec leurs homologues rouges, et sur de subtiles notes empyreumatiques (le moka). La framboise prend une fois de plus les atours d’une douce liqueur, et les senteurs de sous-bois viennent se mêler à ce maelström olfactif et quasi jouissif. Progressivement, tout doucement, les différentes facettes du bouquet s’intègrent les unes aux autres pour mon plus grand bonheur. Je ne le savais pas encore à ce moment, mais l’histoire n’était pas tout à fait terminée. La bouche extrêmement sapide est toujours empreinte de finesse et gagne encore un peu en subtilité. J’y retrouve les arômes de sous-bois (la fougère), d’animaux nobles (la fourrure et le cuir qui apparaît maintenant très clairement et plus seulement une fois que le verre est vide), de fruits rouges (toujours et encore la framboise). Les effluves minéraux de terre humide s’ajoutent à ce magnifique tableau et en accroît la richesse, la complexité.

Le dernier verre est maintenant versé. Il fallait bien que cela arrive ! Non perçues auparavant, j’ai maintenant le sentiment que de légères notes florales surgissent au nez. Elles gagnent en intensité et netteté à mesure que le temps s’écoule. Je perçois à cet instant des senteurs subtiles et délicates de fleurs capiteuses (la rose fanée). Puis les fleurs se transforment en eau. De magnifiques, exquises et envoûtantes émanations d’eau de rose se font sentir, et se mêlent avec allégresse aux effluves de liqueur de framboise (fil d’Ariane de cette dégustation) et d’amandes. Tout comme pour les notes de fleurs, la bouche gagne en consistance à mesure que le temps s’écoule et que la bouteille se vide. Sapidité, équilibre, fraîcheur, longueur, subtilité et sensualité la caractérisent. La grande, grande, grande… classe ! Grandiose et inoubliable !

Alain, je vous remercie du fond du cœur pour ce don (bien plus encore que pour le Vouvray 1959). Si vous en avez d’autres, je suis bien évidemment preneur.

Cordialement,

David.
07 Mar 2007 15:50 #1

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Réponse de SOCRATO sur le sujet Re: Audebert

David : "Alain, je vous remercie du fond du cœur pour ce don (bien plus encore que pour le Vouvray 1959). Si vous en avez d’autres, je suis bien évidemment preneur."

Moi aussi, d'autant plus que mon épouse et moi avons débarqué sur cette Terre en 1959 !
Merci pour ce grand moment !

SOCRATO "fan de Giger"
07 Mar 2007 17:47 #2

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