Le temps passe vite, et il était important de repartir à nouveau sur cette merveilleuse île qu'est la Sicile. Avec en point de mire, l'Etna qui domine le paysage. Malheureusement, impossible de prendre l'avion, de se balader dans les vignes, de sentir le soleil chauffer nos peaux blêmes de scandinaves. Il faut trouver un autre moyen de s'évader et cela s'impose tout simplement comme une évidence. Notre moyen de transport sera la table du salon avec les sens dans les vins de Sicile, une cuisine d'inspiration sicilienne.
Nous sommes 11 à faire ce beau voyage avec juste la Sicile comme pensée.
Nous faisons quand même une entorse pour l'apéritif avec :
Vouette et Sorbée - Blanc d'Argile Extra Brut Base 2008
Joli nez de belle intensité avec un fruit mûr sur le citron confit, mirabelle. Belles notes de craies, de farine, brioche. Touche de miel sur le fond de verre.
Bouche assez puissante, on sent un fruit mûr et ample. Le vin se resserre grâce à une acidité importante mais "polie" et bien intégrée. Le vin montre une belle touche phénolique, amère qui prolonge le vin. Très belle longueur ample.
Très bien +.
Notre premier guide de l'Etna sera l'Azienda Vinicola Benanti. Elle va nous emmener sur le flanc est du volcan et nous montrer son interprétation du cépage blanc Carricante sur le terroir de Milo.
Pietramarina 2004
Superbe nez ouvert, parfaitement évolué. Un beau mélange entre citron, miel, mousseron, pierre à fusil. Un côté chablis évident. Beaucoup de netteté et de la profondeur.
Bouche moyennement puissante avec un beau gras en attaque. Équilibre avec une acidité ciselée, fine. Belle énergie. Superbe intensité aromatique qui envahit la bouche et se prolonge longuement. Belle sensation saline en finale aussi.
Excellent +.
Pietramarina 2005
Beaucoup plus évolué que le 2004 avec une touche oxydative. Si le vin avait été ouvert seul, cela aurait été sans souci. Mais après le 2004, difficile. Donc le côté noisette, fruit sec ressort un peu.
Bouche assez similaire au 2004 mais le milieu de bouche retombe et la finale est très très loin de celle, superbe, du 2004.
Bien.
Pietramarina 2008
Nez bien sûr plus jeune, un peu fermé avec un beau fruit frais sur le citron, pomme verte. Fines touches d'herbes sèches, touche végétale et un léger fumé.
Bouche sur la même structure que le 2004 mais c'est plus saillant. Sensation salivante sur la fin avec une très belle longueur.
Très bien.
Nous nous dirigeons désormais vers les vins de Salvo Foti. Ce grand œnologue de l'Etna, grand défenseur des traditions de l'Etna nous accueille dans une série de 5 vins. Une occasion formidable de connaître le bonhomme et sa vision au travers de ses vins.
Vigna di Milo - Carricante 2011 bianco
Un vin qui demande de l'aération (CO2, réduction). Nez sur le citron vert, pomme verte, belles touches de poire, côté herbes sèches, fenouil.
Bouche légère, avec une grosse acidité omniprésente à peine équilibrée par un très léger gras. Intensité aromatique moyenne. Par contre, très belle énergie dans ce jus. Longueur bien +.
Très bien. Le lendemain, le vin est plus net et moins saillant.
Vinujancu 2010 bianco
Superbe nez avec un fruit qui flirte avec des notes de mirabelle, pêche jaune, des notes de citron, zeste d'orange. De fines notes florales par ci, des notes de miel, de fumé par là. Très beau parfum.
Bouche moyennement puissante, énergique qui danse sur la langue. Équilibre génial entre acidité mûre et gras. Aromatique intense et cette finale qui fait travailler les papilles. Génial !!
Excellent +. Plein de caractère.
Vinudilice 2010 rosato
La vigne la plus haute de l'Etna à 1300 m d'altitude. Une vigne complantée de cépages rouges (grenache principalement) et de cépages blancs (Grecanico, Minella). Certains cépages seraient inconnus de Salvo Foti.
Un bouchon gâche malheureusement la fête. Il est discret mais rédhibitoire. Néanmoins, il n'empêche pas de discerner un vin plein de finesse sur des petits fruits rouges, rose.
Bouche très élégante, fine, tactile. Sensation de fragilité. Et puis le goût de bouchon prend le dessus. Flûte, ma seule bouteille
Etna Rosso 2010
Nez puissant sur un fruit mûr. Notes de confiture de fraise, épices, notes de cuir, garrigue, fumé. Très beau nez.
Bouche puissante, équilibre sudiste. Le vin est plein, énergique avec des tanins superbes d'un grain très fin. Mais très nombreux. Très belle longueur mais un peu chaude.
Très bien.
Vinupetra 2007 Rosso
Nez superbe de profondeur avec un fruit mûr et noir, du cuir, tabac blond, figue, épices et côté fumé. Par contre on sent la puissance du vin.
Et c'est confirmé. Grosse bouche avec de la richesse soutenue par une bonne acidité mais surtout de nombreux tanins soyeux, jamais agressifs. La structure tannique est bien dans la matière. La longueur est très bonne. Là aussi, sensation de chaleur malheureusement.
Excellent -.
Cela bavarde autour de la table, de beaux sourires aux lèvres, des éclats de rire. Nous sommes tous immergés. Andrea Franchetti pointe le bout de son nez et il souhaite nous faire découvrir sa version du terroir de l'Etna nord et comment sa perception des lieux a évoluée au fil du temps. Ce sont
5 millésimes du vin Passopisciaro qu'il nous fait découvrir.
Nous commençons par le
2006 évolué, à point sur des fruits secs, cynorhodon, herbes sèches, figue. Bouche puissante, solaire, structure polie et bien présente. Un peu plat en bouche néanmoins. Longueur bonne.
Le
2007 est plus fin avec une aromatique moins mûre. On reste clairement dans le même style. La bouche est plus fine mais reste puissante, la structure est plus marquée mais en parfait accord. Longueur bien.
Le
2008 apparaît plus jeune. Il y a plus d'amplitude, plus de fond. Fruit plus noir et moins évolué. Belles notes de charbon de bois, épices. La bouche est plus puissante mais aussi plus structurée. Pas de sensation de richesse. Longueur très bien.
Le
2010 est déjà bien différent. Il y a un saut entre ces deux millésimes. Le vin est certes plus jeune mais surtout plus nuancé, avec des fines notes plus présentes. La bouche est puissante mais possède une énergie, un jus que les 3 autres n’avaient pas. Belle acidité et belle structure tannique, encore saillante. Longueur très bonne.
On finit notre voyage chez Franchetti avec le
2011. C'est tout jeune mais il confirme le 2010 dans une orientation plus fraîche et plus parfumé. C'est très beau. La bouche est plus puissante que le 2010, plus de matière, plus de structure aussi. Mais il y a une plus grande harmonie, rien ne ressort, belle unité. Longueur très bien.
Cette fois-ci, on part à l'aveugle. Le voyage se fait plus hésitant et mes compagnons se concentrent sur les verres. Silence avant que les perceptions de chacun ne fusent.
Le premier possède un fruit noir, mûr, côté cuir, sous bois. Il manque de relief.
Bouche puissante, solaire avec une matière au touché doux. Structure tannique un peu en décalage qui agresse et assèche. La longueur est bonne.
Bien.
C'est Benanti - Serra della Contessa 2003 Rosso
Le second est évolué, plus complexe, moins monolithique, plus volumineux sur un mélange de framboise sèche, cynorhodon, figue, datte, foin, garrigue, fumé.
Bouche puissante mais fine avec un beau touché en délicatesse. Le vin garde son côté solaire. Très bel équilibre, pas de lourdeur. Tanins fins, mûrs et soyeux. Sensation d'unité. Longueur excellente avec un côté salin.
Excellent +.
On descend du volcan pour un arrêt sur les vignes surplombant Messine.
Palari - Faro 2005 Rosso
Le troisième est plus jeune avec une robe claire, très pinot. Nez dans le même sens avec des fruits rouges, framboise, grenade, végétal noble, fumé. Fines notes florales.
Bouche en continuité sur la finesse, fraîche et croquante. La structure est fine, c'est frais. La longueur est bonne. Le vin est dans un registre différent. Plus difficile à cerner après la puissance
de 2 vins précédents. En même temps sa digestibilité est très agréable.
Très bien.
On remonte sur les pentes nord de l'Etna et c'est
Girolamo Russo - Feudo 2009 Rosso
Marco de Grazzia de la Tenuta delle Terre Nere souhaite lui aussi nous conter l'Etna au travers de 5 vins. Il souhaite nous montrer les différents crus de son domaine sur des millésimes différents. Évidement, pareille invitation ne se refuse pas.
Calderara Sottana 2005
Très beau nez, évolué sur les fruits secs, confiture de cynorhodon,, fruits noirs, fumé, côté garrigue. Sensation de plénitude.
Bouche en pleine adéquation avec le nez. Plutôt puissant, assez riche mais sans lourdeur. Équilibre sudiste. Beaux tanins assez présents polis et gras. En adéquation avec la matière. La longueur est très bonne.
Très bien et du caractère.
Feudo di Mezzo "Il quattro delle rose" 2007
Le nez est moins chaud que le Calderara Sottana, on sent plus les fruits rouges. Évolution plus sur la figue, cynorhodon, sous bois. Belles notes de fumé, herbes sèches.
Bouche plus fine, plus aérienne même si cela reste puissant. Par contre l'amplitude est moindre. Tanins fins, polis. Belle longueur également.
Très bien.
Santo Spirito 2008
Le vin est plus jeune avec des notes de cerises, beau mélanges de notes mûres et d'autres plus fraîches. Très belle profondeur et un beau côté fumé, végétal noble.
Bouche plus marquée par la trame acide et les tanins. Le tout reste enveloppé dans la matière plus riche que les 2 autres vins. Très bonne longueur avec plus de fraîcheur.
Très bien.
Le clou de ce voyage chez Marco de Grazia nous arrive avec deux vins issus de sa vigne pré-phylloxérique :
La Vigna di Don Peppino. J'ai bien entendu en tête les excellents 2009 et 2010 qui avaient eu l'effet d'un choc.
Nous débutons avec le
2007. Le nez est beaucoup plus fermé que les précédents. Par contre il est aussi beaucoup plus plat, monolithique. Il est en outre comme empêtré dans une gangue de bois.
La bouche est puissante, serrée. Beau volume mais elle s'écrase devant un boisé envahissant. Les tanins s'assèchent. La longueur est très bonne.
Qu'en est-il du
2008 ? Et bien c'est assez similaire. Le fruit est plus profond, plus jeune et un peu plus éclatant. Mais il reste trop écrasé par le bois.
La bouche plus vivifiante que le 2007 mais le bois semble étouffer ce vin et les tanins séchants s'imposent. Longueur très bonne.
Discussion autour de la table, certains pensent que c'est encore trop jeune et que les vins sont dans une phase ingrate. Il faut patienter.
D'autres, dont je fais partie, pensent que l'élevage est trop appuyé et que le vin ne s'en remettra pas. Où sont les parfums des rouges de l'Etna ? Les nuances ? Disparus par le boisé. Autant au nez, le boisé est discret mais en bouche j'ai été très déçu. Il balaye tout. Dommage, car on sent qu'il y a un sacré jus derrière.
Ces deux déceptions m'ont mis un petit peu en rogne.
Nous quittons désormais l'Etna et nous le remercions chaleureusement de ce voyage. A la fois très instructif mais surtout il nous a donné énormément de plaisir. Cela ne veut pas dire que notre voyage s'arrête là. Nous continuons notre périple en direction d'une autre terre volcanique. A savoir, les Îles Éoliennes et celle de Salina pour être plus précis. Ici, le cépage roi est le Malvasia. Nous l'abordons par sa face sucrée avec :
Hauner - Malvasia delle Lipari Passito 2006
Belle couleur orangée brillante.
Nez intense, net sur la confiture d'abricot, de pêche. Notes de dates séchées. On retrouve du miel, où plutôt des arômes de bonbon au miel. Côté épice, maquis assez enivrant. Avec ces arômes, je me retrouve facilement à me balader au travers les forêts de buissons de Salina. Très belle profondeur.
Bouche puissante, riche mais divinement équilibrée. Plus une sensation de volume que de lourdeur. Belle finale salivante et fraîche.
Excellent.
On ne s'attarde pas sur Salina car les étendues de vignes plantées de Grillo de Marsala nous appellent. Et puis il y a beaucoup d'excitation autour de la table. Le voyage ne sera pas que géographique mais nous allons faire un voyage dans le temps également.
Marco de Bartoli - Marsala Superiore 1860
Couleur brune très brillante, peu profonde, pleine de reflets or.
Nez très intense sur les fruits secs, noisette et noix séchées, huile de bois. Côté sel de mer, huile de bois, encaustique. Il est extrêmement volumineux et il dévoile tour à tour d'autres notes d'épices douces, vieux pecorino (?), gras de jambon pata negra (?). Mais c'est divinement agréable. On se laisse facilement enivrer.
Bouche puissante, chaleureuse. On est envahit par le vin. Acidité basse mais l'équilibre est superbe. Sensation tannique bien présente issu d'un très long élevage en fût qui apporte structure au vin. La finale est très saline, cela fait travailler les papilles et les glandes salivaires. Et quelle intensité en bouche qui ne cesse de venir par couche même lorsque le vin a disparu derrière la glotte.
Grand vin.
Un vin d'une autre époque où le Marsala était très renommé. Peut-être un vin non muté, un "vino perpetuo" qui doit sa force alcoolique à son élevage très long.
Évidemment, on essaie de mettre des événements historiques sur cette date : l'année où Garibaldi conquit la Sicile. Un an plus tard, l'Italie était unifiée. Nous nous perdons dans nos esprits et on reste pantois devant ce vin. Merci Jon pour avoir apporté cette bouteille.
On revient un petit peu sonné de notre voyage, l'arrivée est difficile. On a les yeux qui brillent encore de ce beau périple. Il est pourtant temps de nous séparer.
On se remémore les moments qui nous ont les plus touchés. Le Marsala de 1860 bien évidemment, les vins blancs de Salvo Foti, le Pietramarina de 2004, les belles séries de Passopisciaro et de Terre Nere, le Faro 2005 de Palari.
Un très grand merci à mes compagnons de voyage. On se retrouvera bientôt pour un autre périple.