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Dîner canard sans tête : quand la dégustation à l'aveugle met des ippons

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Très chouette dîner avec un magret de canard parfaitement rôti et bien accompagné d'une délicieuse sauce au vin en vedette, avec la purée Robuchon pour compléter de surcroît. Tout ceci encadré par une salade de patate/haddock fumé/pomme en entrée et une mousse au chocolat maison en dessert.
L'hôte a été très malin et les bouteilles ont été pour la plupart dégustées en aveugle. Le thème était assez large et a nettement contribué à nos fourvoiements dans nos analyses :"sillon rhénan"

Allemagne, Moselle-Saar-Ruwer (Saar), Weingut Peter Lauer - Réserve 1992 Riesling Deutscher Sekt
MT de l'année 1992 dégorgé en janvier 2022 après 30 de repos sur latte. 10,5°.  CellarTracker  est très enthousiaste.  Fiche du domaine.  Mon apport

Robe totalement transparente, fine mousse et perlant qui deviendra très discret au fil du temps. Le nez présente initialement des arômes fermentaires assez prononcés ainsi qu'un fruit blanc croquant et vif. Il n'y a pas la moindre trace d'oxydation, ni d'évolution en bouche mais une grande longueur discrète animée par la mousse ainsi qu'une grande impression de fraîcheur minérale.
Il n'y a pas non plus la moindre perception d'arôme d'autolyse (brioche, pain toasté).
Nous avons identifié cela à l'aveugle comme un cidre ou une "vière" (une boisson - mélange de vin et bière - de la brasserie Gallia) mais en nettement meilleur. 
Pour ma deuxième expérience en Sekt de la région, il semblerait bien que le style n'a rien à voir avec des champagnes et que la recherche de fraîcheur et de pouvoir désaltérant est ce qui prime. D'après les divers commentaires, il semblerait bien également que c'était une bouteille relativement faible.
Finalement, ce vin était très surprenant et pas immédiat dans sa profondeur minérale.

Le hiatus entre l'idée que je m'étais fait par confusion (vin oxydatif avec un côté fruit secs prononcé) et ce qu'on a eu dans le verre m'a pertubé.

Nous enchaînons sur une paire de blancs, à l'aveugle complète.

A gauche c'est un Allemagne, Moselle-Saar-Ruwer (Moselle) - Alfred Merkelbach Ürziger Würzgarten Riesling Kabinett 2015
C'est un domaine très reconnu comme étant une référence des vins à l'ancienne. Les frères Merkelbach ont plus de 110 millésimes à eux deux et viennent tout juste de prendre leur retraite. Domaine minuscule et peu distribué, c'est difficile de s'en procurer. Ici le vin titre 10°, ce qui incite à estimer le SR aux environ de 10-15 g/L. Le Würzgarten est l'un des plus grands terroir de la région, atypique par son sol peu schisteux et avec des roches volcaniques qui sont sensées donner une trame très épicée aux vins.

La robe est presque transparente. Le nez est sur le fruit blanc, le citron et un petit d'agrume. La bouche est particulièrement notable par cette acidité qui crépite sur le bout de la langue avec une trame d'ananas et de pamplemousse sucré. Le vin goûte "sec à l'allemande" (le SR est intégré à l'arôme du fruité et n'est pas dissocié comme dans les véritables moelleux/liquoreux). A l'aération, le vin se minéralise et se tend de plus en plus sur une sensation de fraîcheur qui procure une relance folle. C'est donc très bon. Et c'est un domaine que je voulais essayer, merci à Christophe qui a été le fournisseur.

A droite, c'est un Alsace, Domaine Emile Beyer, Grand Cru Eichberg Riesling 2017 
Terroir de marnes et d'éboulis-gréseux. Fiche technique . Passage en barrique. 13,5°

La robe est nettement plus évoluée avec un doré qui commence à tourner vers l'ambré. La texture dans le verre est plus visqueuse. Le premier nez est sur une motte de beurre qui couvre des agrumes très mûrs. Il n'y a pas de doute sur la maturité du jus nettement supérieure ainsi que sur l'apport du fût dans le vin. Ce vin est clairement conçu pour accompagner une cuisine riche et crémée, mais la comparaison est tout de même difficile par rapport à son voisin allemand. En effet, la contre-étiquette parle de "verticalité aérienne", malheureusement ce vin n'est pas Kareem Aldul-Jabbar qui se retrouve toisé par Yao Ming, c'est plus du Hollande 2016 en terme de verticalité et de largueur. 
Après l'avoir carafé et mis de côté, nous revenons dessus à la fin du repas et si le nez beurré est parti, cette fois-ci le vin semble décharné. Il semblerait que nous avons été incapable de mettre pleinement en valeur ce vin.
Personnellement, je ne perçois pas l'intérêt du fût neuf pour le riesling qui perd pour moi sa singularité : une grande gracilité qui permet de le boire à grande lampée.

Le canard aura été accompagné par une paire (piège de l'hôte, le vin de droite est un faire-valoir, c'est le vin de la sauce - Côte-du-Rhône à dominante de grenache).

Allemagne, Palatinat, Weingut Friedrich Becker - Spätburgunder Strohlenberg Sankt Paul GG 2014
Infos sur le terroir .
Clone allemand du Pinot Noir, 18 mois d'élevage en petits fûts, 13,5°, non filtré. C'est un vin alsacien en provenance de la poche de Wissembourg et Friedrich Becker est considéré comme l'un des 3 meilleurs producteurs de pinot noir en Allemagne(avec Bernhard Huber en Baden et Keller en Rheinhessen). A l'ouverture, le vin était réduit et très métallique - ce n'était pas bon. Pendant le dîner, c'était assez brillant.

Robe assez foncée et turbide (pas de filtration). Le nez est sur la retenue mais déjà complexe entre cerise mûre et boisé noble. En bouche, c'est fin, persistant avec une distance aristocratique au début mais à l'aération dans le verre, le velouté des tanins va se manifester pour rendre le vin très agréable par sa texture également. C'est élégant avec une note minérale en filigrane pour la fraîcheur et une jolie complexité. Malheureusement, il n'y avait pas de spécialiste de la Bourgogne dans la tablée pour pouvoir faire la gradation sur l'échelle des vrais PN mais ce vin n'était pas moins bon que les rouges d'Albert Mann par exemple.
Excellent accord avec le plat bien sûr.

Le vin de la sauce était dominé par le grenache avec un côté édredon, confiture de fruits noirs. C'est d'une accessibilité évidente et plaisante que le grand public appréciera immédiatement même si c'est racoleur, alcooleux et trop simple quand on s'intéresse un peu à ce qu'il y a dans le verre. A l'aveugle, le côté sudiste était évident mais pertubés par le contexte, ni Nicolas ni moi n'avions osé dire que c'était une grenache.

L'ordre des choses à été respecté.

Nous avons testé deux vins de dessert :

Alsace, Domaine Muré - Clos Saint-Landelin Riesling Vendange Tardive 2017
Terroir du domaine.  Le clos Saint-Landelin est un monopole du domaine et la partie la plus solaire du Grand Cru Vorbourg. 10,5°.  Fiche technique.

La robe est transparente, le nez est très porté sur les agrumes - conforme aux vins du terroir - et c'est absolument délicieux sous le palais avec une finale de bonbon arlequin stimulée par l'acidité délicieuse.  Pas de trace de botrytis. C'est très digeste et la bouteille vite bue. A titre personnel, je trouve que le vin sec de ce terroir - ces derniers millésimes - souffrait de la chaleur avec un degré d'alcool trop élevé et des amers finaux rêches mais la version VT avec son titre alcoolique plus faible et le sucre résiduel présente un excellent équilibre. A souligner que c'est un excellent RQP dans le segment haut de gamme.

Alsace, Domaine Wantz - Grand Cru Zotzentberg, Délice de Sylvaner 2018
Fiche technique.  Le Zotzentberg a un sol de marnes bajocien et admet le sylvaner dans son appellation GC, c'est l'une des particularité de ce terroir. VT à botrytis (à contrario du Clos Saint-Landelin).
Servi à l'aveugle.


Cette bouteille aura posé des difficultés à l'aveugle. La robe était vraiment transparente, digne d'un riesling allemand avec un nez de botrytis mais un niveau de maturité du jus relativement faible (inférieur à 15° à vue de nez). L'aromatique fruitée et sucrée très agréable mais ne ressemblait pas à un riesling pour autant. Une fois la chaussette tombée, cela s'éclaire, et le Clos Saint-Landelin permet de faire une comparaison de surcroît : il y a un peu moins d'acidité dans le sylvaner et à titre personnel, je trouve que le sylvaner intègre moins bien le sucre dans son fruit. Résultat, je trouve quasiment tout le temps que le sylvaner a un côté sirupeux avec la saveur sucre un peu dissociée de l'arôme de fruit (pêche le plus souvent). Jusqu'à maintenant, les seuls Sylvaners avec de la tension et cadrés par l'empreinte minérale du sol que j'ai croisé étaient des GG de Franconie en Allemagne, le sylvaner de Barmès-Buecher, celui du Domaine Muré. Mais le retour en grâce est enclenché et j'ai constaté une progression depuis les 2 ans que je suis la région.

C'était une très chouette soirée où nous avons bu des vins très bons. Le vin rouge, le Kabi ainsi que le Clos Saint-Landelin occupant le podium.

Merci de m'avoir lu.

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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03 Jui 2023 10:47 #1

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