François, vous ne le connaissez pas. Il n’est pas LPVien. Mais cela ne l’empêchait pas de lire les CR que je chroniquais lorsque l’on revenait du marché aux vins d’Ampuis ou de retour de Bourgogne, puisqu’il faisait partie de ceux qui m’accompagnait là haut. François, c’était un épicurien comme rarement j’ai connu.

Amateur de CôteS de Bœuf et de ris de veau aux morilles, de bons et grands vins, de pétanque, de babyfootet de fléchettes, il n’aurait pas dépareillé ici. Un sens inné pour l’hospitalité, la ripaille, le chambrage et la dégustation. Avec quelques potes, nous avons monté un groupe, celui des « derniers vendredi du mois ». Je ne vous fais pas un dessin en quoi cela consistait. J’ai d’ailleurs commenté quelques uns des vins bu, mais oubliant régulièrement la raison à la maison lors de ces soirées-là (il faut bien admettre que l'ambiance était beaucoup plus joviale que studieuse...), vous me pardonnerez aisément les (nombreux) oublis…

Des soirées il y en a eu. Un grand nombre. Parfois un peu inégales en qualité de vin ingéré mais était-ce réellement un problème ? J’ai pu introduire l’aveugle en dégustation, mais c’est vrai que nos accointances nous ramenaient régulièrement sur de beaux bourgognes et beaux Rhône Nord (Saint Joseph et Côte Rôtie), parmi lesquels figuraient régulièrement les vins de nos amis Thibault Morey ou Yves Gangloff, François Villard, Jean Michel Gerin, Stéphane Montez ou Yves Cuilleron, plus près de chez nous ou ceux d’Enzo Fayard, ton pote de Provence.

Vous l’avez compris, ce texte n’est pas un CR en tant que tel mais qu’importe. La vie de François, de sa femme, de ces enfants et par extension de notre groupe a changé un beau (???) jour de mai 2021 lorsqu’il a appris qu’il devait se battre contre la maladie. Mes rapports avec lui et mon travail faisaient que j’avais la double casquette, ce qui n’était pas des plus simples, surtout quand on sait que le combat est injuste, à armes inégales et à l’horizon très sombre rapidement.

Je me souviens de ton courage juste après ta biopsie, tu es venu l’annoncer au groupe. Nous avons pleuré et avons juré de t’aider et t’accompagner. C’est ce que nous avons fait, sans relâche durant un peu plus de 2 ans. Il y a eu des hauts et des bas durant tes traitements. Tu as malgré tout pu te joindre à nous en Janvier à Ampuis.

Malheureusement, à l’arrivée du printemps, le début de récidive était présent. Les copains ne s’en doutaient pas encore trop, mais tous les 2 on connaissait les résultats de tes imageries…Tu as pu venir fêter mon « anniversaire », décalé plusieurs fois, car je souhaitais que tu sois là : tu m’avais offert un Chevalier 2001 et je voulais le boire avec toi pour cette occasion précise. Et c’est ce que nous avons fait (Au passage, un peu déçu, vin qui tirait vraiment sur le tabac et la cendre froide, mais qui montrait une trame complètement fondue et qui m’indiquait qu’il fallait la boire). Peu importe, on s'était régalé et "pas manqué de respect" comme tu aimais à le dire.

Le printemps a avancé et avant l’arrivée de l’été, on comprenait que le combat était définitivement en train de pencher du mauvais côté. Alors que tu étais hospitalisé, un soir d’astreinte, je suis passé te voir. Alors que j’allais te laisser, un de tes amis arrivait, avec quelque chose à goûter. Il a bien fallu la goûter cette Montée de Tonnerre 2020 de Droin…Certes, c’était de la verrerie hospitalière mais que diable ! cela te faisait tant plaisir de partager cette bouteille. (Au passage, très belle bouteille, encore relativement fraîche et simple, sur la noisette et un léger beurré beaunois surligné de traits de citron vert…).

Puis, tu as pu obtenir de rentrer chez toi pour y finir ta vie, auprès de ta famille, dans ton havre de paix. Coquin comme tu es, tu as malgré tout insisté pour organiser une soirée d’adieux, chez toi, le vendredi 30 juin. Tu as réuni ton père, tes beaux frères, et nous : le groupe des derniers vendredis. Elle restera inoubliable. Nous t’aurons préparé ce que tu préférais : de la belle viande grillée au brasero. Chacun a amené un vin qui lui tenait à cœur de te faire goûter. Tour à tour passeront entre autres un Puligny Combettes 2017 puis 2020 de Jacques Prieur, un magnum de Puligny Pucelles 2007 de Thibault Morey, un Fonsalette 2010 que j’ai pris pour un superbe pinot (comme tu aimais à le dire : j’y connais rien !!!)…Nous avons fini la soirée sans toi, car tu étais épuisé. Ton père a absolument voulu nous ouvrir la bouteille que tu avais prévu pour nous, et nous nous sommes exécuté : il s’agissait d’une Grandes Places 2016 de Gerin. Superbe, profonde, un toucher de bouche dont on aurait dit du taffetas…un fond de baies noires et de fumé…Futur Grand Vin…

Nous savions en partant que la fin était proche…et quelques jours plus tard, tu as souhaité, dignement et après avoir lutté jusqu’au bout, tirer un trait à la vie. Comme tu l’as dit à ce moment-là, tu avais fait tout ce que tu avais à faire…C’est le cœur lourd que j’écris ce texte mais j’en éprouve le besoin. Pour te rendre hommage et pour passer une étape du deuil. Finalement, la dernière bouteille était riche en symbole : la Grande Place, c’est dans notre cœur et notre Esprit que tu l’as désormais…



A François.

PS : je n’ose pas taguer ce texte d’un CR :…