Comme souvent, il se passe du temps entre le début d’un projet et son commencement réel, presque un an dans ce cas. Lorsque j’en avais parlé à Albéric Mazoyer, qui nous reçoit aujourd’hui, il était déjà trop tard pour vouloir vivre un cycle complet. On en a parlé, on l’a préparé, on a mûri ce projet et on y est.
Je retrouve des têtes connues :
- Tipat07, Patrice et Nicovino qui ont participé à nombre de visites depuis deux ans ;
- Françoise, mon épouse, qui est ravie de pouvoir se joindre à nous
J’en découvre d’autres, avec qui j’avais parfois échangé sur le forum ou en privé :
- Enzo d’aviolo
- Stephvocel
- Cpiegay, inscrit la veille au soir !...
Le temps est exécrable depuis l’automne, mais nous étions rassurés par la météo et effectivement il fait très beau, un ciel bleu clair et un joli soleil d’hiver qui sera parfait. Tout le monde arrive dans la petite impasse qui conduit au domaine Voge, que certains d’entre nous connaissent déjà
. Un petit coup de voiture, direction Mauves, et nous grimpons au-dessus du village, direction le quartier « La Côte ». La parcelle qui nous intéresse se trouve au-dessus du chemin, avec plusieurs terrasses, et nous arrivons sur les lieux.
Les explications de départ nous sont fournies par Albéric, qui nous parle de la parcelle et commente l’opération de la taille. L’emplacement est superbe, abrité du Nord, à flanc de coteau. Cette parcelle a été plantée en 1999, à une densité de 10.000 pieds à l’hectare (1 mètre sur 1 mètre), et avec une volonté forcément qualitative. C’est d’ailleurs la raison d’être de la taille : faire de la qualité en maîtrisant les rendements, et assurer le développement harmonieux de la vigne.
C’est Albéric qui a planté cette parcelle, en faisant volontairement le choix de la diversité. Il y a ainsi plusieurs porte-greffes, avec une majorité de 3309 pour lequel il y a un recul de plus de 100 ans, plusieurs clones et des sélections massales de chez Chapoutier. Les terres sont plutôt fertiles car elles étaient auparavant boisées et cette plantation est la première sur la parcelle, le problème serait celui de la sécheresse en début de printemps. Cette année on ne craint pas grand-chose pour le moment
Albéric nous explique qu’idéalement on taille un pied en laissant trois coursons, c'est-à-dire trois « tiges » qui partent de la souche. Sur ces mêmes coursons, on laisse deux « yeux », c'est-à-dire deux bourgeons, afin de ne pas avoir de production trop importante de grappes qui irait à l’encontre de la qualité.
On doit couper de façon nette, sans hâcher la plante, ce qui en accentuant la durée de cicatrisation, augmenterait le risque de maladies. La taille est une plaie, on cherche donc à faire cette opération le plus tard possible dans la saison, de préférence après l’équinoxe pour être en « flux ascendant » (moment à partir duquel la sève remonte du pied vers les rameaux les plus hauts). La taille est l’opération la plus importante, qui détermine toute la suite, et donc aussi la phase la plus délicate. On doit aussi couper de manière à ce que la sève, qui forcément ressortira de la plaie, ne coule pas sur le bourgeon en dessous de la coupe. Il faut donc biseauter, et du bon côté !
Tiens, on découvre pourquoi on taille en « gobelet » (taille courte): : on cherche à garder trois coursons qui vont partir de manière écartée, comme en mettant sa main à plat avec les doigts levés. Il faut chercher à espacer les rameaux, et penser à ce que le pied se développe harmonieusement : c’est lui qui conduit la sève, on évite donc les zig zag !
Ca c’est bien, c’est la théorie. Les travaux pratiques sont conduits par Laurent et Jean-Michel, deux professionnels du domaine, qui vont guider nos premiers pas et canaliser nos coups de sécateur. Et là c’est une autre paire de manche, qui va se dérouler en deux groupes.
Chaque maître d’application a quatre élèves avec lui, et on avance dans le rang de vigne. De temps en temps, un doute : faut-il couper celui-là ou celui-ci, ici ou là ? Un conseil de Jean-Michel ou de Laurent, une explication, quelques coups de sécateur et on avance. Ils nous expliquent que la taille devient une opération automatique, sans trop y penser, mais également que des tailleurs expérimentés ne tailleront pas tout à fait de la même manière. Chaque cep nécessite une étude visuelle avant de couper, ce qui prend un temps minime pour un professionnel, beaucoup plus de temps pour nous. C’est quand même plus compliqué que ce que nous imaginions…
Bon, en plus il arrive que le pied de vigne ait trop de bois, et une partie morte qu’il faut enlever. Laurent sort alors de sa poche une petite scie pliante, et s’attaque à supprimer ce qui doit l’être. En plus il faut être outillé !
Effectivement le bois était bien mort (la couleur marron traduit la mort du cep ou du courson) :
On va couper les parties mortes au centre du pied, pour laisser des coursons sur les côtés qui vont permettre au pied de pousser de façon aéré. C’est bien, mais parfois pas facile…
Les tas de sarments augmentent tout le long de la terrasse, et on arrive bientôt au bout. Pas de bobos, on ‘a pas trop forcé non plus, mais tout le monde est ravi de ce moment passé au grand air et dans un cadre superbe. Une petite photo de groupe, on range les outils et on retourne chez Voge.
De gauche à droite : Laurent, Jean-Michel et Albéric, votre serviteur, Laurent alias enzo d’aviolo, Nico, Tipat07, Stephvocel, Christophe, Françoise et Patrice.
Albéric ne peut pas rester avec nous et s’en excuse, mais en nous disant que le vin c’est d’abord la convivialité il nous dit que nous sommes ici chez nous et que nous restons autant que nous le voudrons. C’est même « open bar », mais il ne faut pas abuser aussi nous nous limitons à une bouteille que je me garderai bien de commenter, charte oblige >
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Les bulles d’Alain
Bulles fines et nombreuses, arômes très primaires portés sur la pomme et la poire bien mûre, rafraîchissant. Bien. Laurent
Belle fraîcheur sur ce petillant où l'on retrouve la pomme, la poire, les fleurs blanches. Les bulles sont fines, l'ensembe est agréable et désaltérant. Un vin d'apéritif qui se livre immédiatement et qui est vraiment le bienvenu après une demi-journée dans les vignes! cpiegay
Clos des Grives
Nous avons un beau programme de charcuterie, qui se prête bien aux deux vins suivants que j’ai voulu comme un exercice amusant. Les vins sont servis juste après carafage, donc à l’aveugle, et le second est servi sans que le premier ne soit dévoilé. Et pour cause : il s’agissait du même vin, un Clos des Grives 2007, mais le premier était un échantillon avant filtration, et le second correspond à la mise en bouteilles du domaine. Personne n’a reconnu le lien de parenté, et pour cause, ils ne se ressemblent vraiment pas. La filtration a affiné le vin, mais lui a aussi enlevé du volume et des parfums. Aujourd’hui je préfère nettement la version non filtrée, mais avec le vieillissement cela peut changer.
Plus de finesse au nez, plus flatteur sur la cuvée filtrée, mais la bouche est à l’avantage du non filtré avec plus de volume et de matière. Néanmoins deux superbes syrah avec beaucoup de charme et d’élégance que j’aurai mis en cote rôtie. Laurent
1er vin: Robe rubis assez claire et limpide, accompagnée d'un nez empyreumatique et élégant caractéristique d'une syrah. La bouche droite et un poil austère confirme par ses notes épicées, la violette, les fruits rouges et une finale sur le zan que nous sommes en Rhône Septentrional. Il me fait penser au Clos des Grives de Laurent Combier que j'ai dégusté une semaine auparavant. Quelqu'un demande alors à Jean Louis si nous sommes sur St Joseph. C'est non. J'ose alors un pronostic. Finalement, c'est bien Clos des Grives. Coup de bol!
2ème vin: Robe plus trouble, son nez plus sudiste de prime abord, est plus puissant, ample et épicé que le précédent. En bouche, il offre davantage de densité: plus de matière et de chair, et également une plus grande longueur. Dotée d'une plus grande complexité que son faux jumeau, cette version a également ma préférence. Ce n'est vraiment pas le même vin. Jean Louis nous a tous piégés. Pour ma part, je suis stupéfait par la différence existant entre ces deux 'cuvées' et pour lesquelles il m'a été impossible de déceler un quelconque lien de parenté. Belle leçon d'humilité pour cette expérience très intéressante.
Réflexion personnelle: mais pourquoi diable Laurent Combier filtre t-il ce vin? cpiegay
Il reste des victuailles en abondance mais il faut aussi savoir s’arrêter, j’amène un dernier flacon toujours à l’aveugle qui décontenance quelque peu. Nous ne sommes pas habitués à de la syrah en liquoreux, il s’agit de
Roussilière VII rouge que je découvre également…
Immédiatement le nez me fait penser à un vin de paille (type jura), c’est très sur les fruits rouges confiturés également. Douceur agréable qui manque un peu d’ampleur et de longueur mais qui se boit avec plaisir. Bien. Laurent
Son nez évoque le bonbon anglais, la groseille et le sirop de grenadine. On sent immédiatement qu'il y a du sucre mais on ne sais pas très bien à quoi s'attendre. En bouche, c'est un joli vin plein de fraîcheur et tout en élégance: rose, fraise, sureau... Aucune lourdeur, c'est son atout, ce qui en fait un compagnon idéal des fins de repas festifs (vous savez, lorsqu'on sort les petits bonbons de chocolat et qu'un Maury ou un vieux Porto deviennent difficiles à boire). Belle découverte. Merci Jean-Louis. cpiegay
Le temps de ranger et nettoyer quelque peu, nous repartons tous enchantés de cette superbe après-midi, une expérience que nous renouvellerons fin février. Un trou dans les vignes nous donne déjà une idée de ce qui nous attend, planter les remplaçants et piocher, piocher, piocher…
Jean-Louis COSTE-CLEMENT alias jlcc