A titre perso je me suis inscrit sur le site de Jean marc QUARIN. Et j'ai relu plusieurs fois ses papiers sur les millésimes 1996, 2000, 2005 et 2009 avant d'entamer la lecture de ses premières dégustations sur le 2010. Plusieurs choses m'ont marqué. Contrairement à l'impression que m'avaient laissé les commentaires de tout bord de l'année dernière; 2009 n'est pas forcément le plus grand millésime ou plus grand que 2005. Sur ce point tout le monde s'est emballé à cause du profil aromatique et la finesse des vins mais pour autant les coups d'éclats étaient moins nombreux. JMQ le souligne par ailleurs : les grandes marques n'ont pas mieux réussit en 2009 qu'en 2005 sauf quelques rares exceptions (Haut Brion, Palmer, Margaux et Mission Haut Brion voire deux ou trois autres). Par contre le profil des vins est plus élégant ce qui confère au vin une race évidence et un raffinement immédiat ce que l’on n’était pas habitués à voir à ce stade de l'élevage.
L'analyse JMQ met l'accent sur certaines particularités intéressantes du millésime 2009. Selon ces éléments d'information, le millésime 2009 semble présenter quelques limites naturelles au rang desquelles le manque d'ensoleillement durant le mois d'août avec un déficit en température par rapport à 2003 et 2005. Or il s'avère que ce mois d'aout est, dans le cycle végétatif de la vigne, très important comme tout le monde le sait pour construite l'ossature du vin. C'est au cours de cette période que les vins acquièrent leur densité. Par contre ce que n'aurait pas le 2009 en milieu de bouche, il le gagne d'un point de vue de la finesse et de la complexité des arômes avec des vins très odoriférants. Cette particularité provient de la lente et longue maturation des baies relative à l'été indien. Les vins en ressortent plus élégants et plus fins que ne l'était les 2005 au même stade.
Autre remarque que j'ai trouvée pertinente concerne l'impact du recul de la date des vendanges. Ce recul lié à la présence d'un été indien permet d'obtenir des tanins plus fins et des vins plus aromatiques. Cependant les hommes en place sont formés à élever des vins qui manquaient jusqu'alors de civilité avec des tanins anguleux. Ce qui laisse à penser que le rôle et la qualité des vignerons redeviennent des facteurs déterminants dans qualité des productions. JMQ parle désormais de la qualité humaine comme une sorte de second terroir.
Il semblerait donc que ces nouvelles conditions climatiques permettent une redistribution de la donne qualitative. Ainsi des appellations jugées plus hétérogènes par le passé d'un point de vue de la qualité de leur production (Margaux ou Pessac) supplantent désormais les appellations jadis dominantes (Saint Julien ou Pauillac). L'explication n'est pas aisée mais la nature des terroirs corrélés à ces nouvelles conditions climatiques seraient l'explication la plus rationnelle. Selon JMQ (à savoir si j'ai bien tout compris), les terroirs plutôt tardifs mais présentant un sol relativement argileux (humidité qui évite la sécheresse) seraient ceux qui s'en sortent le mieux. Un autre point à prendre en compte est le facteur humain. En effet le talent du vigneron se mesure à sa capacité à analyser avec pertinence les éléments factuels (maturité, sécheresse, évolution du temps, etc.) tout en adaptant sa méthode. C'est pourquoi JMQ parle du facteur humain comme une sorte de second terroir. Ces éléments pourraient en partie expliquer pourquoi en 2009 peu de grandes signatures habituelles ni même les grands terroirs reconnus n'ont dominé les débats comme se fut le cas en 2005.
En 2005 Pauillac et Saint Julien avaient fait preuve d'une très forte hégémonie qualitative avec en tête les châteaux habituels. Ce fut moins le cas en 2009 où les éléments naturels n'ont pas été favorables de manière homogène, autorisant ponctuellement une redistribution des cartes. On remarque par ailleurs que des signatures moins connues mais très dynamiques depuis quelques années dans leur volonté de mieux faire ont très bien réussi. Paradoxalement des signatures habituellement excellentes ont pu décevoir même si tout le monde n'ose le dire ouvertement. JMQ écrit par exemple que Ducru Beaucaillou et Las Cases, pour ne citer qu'eux, ont fait bien meilleur en 2005 qu'en 2009. D'autres châteaux semblent être passés à côté du millésime comme Pape Clément ou encore Pavie. Pour ce dernier l'obstination de vendanger très tardivement aurait raison de la pureté du fruit (blet). On peut aussi s'étonner de la qualité de la production de Léoville Barton dont on voit qu'il brille moins en primeur que par le passé. Entre 1996 et 2005 le domaine avait produit quelques vins magnifiques. Je m'attendais donc à voir ce domaine briller également en 2005 et 2009. Mais ce ne fut pas totalement le cas. Que se passe-t-il donc au domaine? En 2005 JMQ évoquait un problème de maturité (vendange précoce) ce qui par rapport à la nature du cru était assez surprenant. M. BARTON avançait quant à lui sa vision du grand vin de bordeaux qui se doit d'être : frais, digeste et peu riche en alcool. Je pense que dans ce cas précis on peut se demander si le Grand Homme qu’ 'est Monsieur BARTON ne fait pas fausse route en restant ancré dans ses certitudes. Je ne suis pas le plus grand expert mais je trouve que l'analyse de JMQ a du sens. En effet en 2009 les vins étaient malgré des degrés en alcool très élevés extrêmement fins et digestes avec des tanins polis et très aériens. 2005 possédaient déjà cette magie dans le tanin avec moins de finesse que 2009. Il semblerait donc que la présence d'un été indien sur ces millésimes aurait permis d'atteindre un équilibre des différentes composantes (acidité, maturité phénolique, maturité physiologique). Sous ce prisme le niveau d'alcool ne dessert pas le vin. En ce là on rejoint la vision de M. REYNAUD de Rayas. La vérité doit sûrement se situer à mi chemin puisque lors de la dernière dégustation du GJE Barton 2005 s'était tout de même imposé dans les 6 premiers. Le buzz de Lascombes avait passé sous silence ce résultat mais on retiendra que certains des dégustateurs avaient jugé ce vin de très grand (cf. la vidéo mise à disposition sur le site).
Je pense pour ma part que l'exemple de Barton est intéressant parce qu'il met bien en perspective l'importance de l'homme dans la réalisation d'un grand vin. Ce fait est d'autant plus important que bordeaux nous donnait l'impression de céder au tout technologique. Que de fait on ne peut plus se permettre surtout avec l'inflation tarifaire de rester figer dans notre perception passée des vins. Ce n'est pas parce que tel domaine a fait excellent en 96/00/03/05 qu'il fera mieux en 09/10. Plus que jamais la réussite d'un domaine reste assise sur le niveau d'adéquation entre la nature de son terroir et des conditions climatiques par moment atypiques mais également par la capacité humaine à analyser les incidences climatiques et à les retranscrire à travers des décisions optimales. Ceci peut semble un brin évident mais le succès et l'opulence aidant, l'Homme a une tendance naturelle à se laisser aller par moment fort de ses convictions et du travail accompli. On comprend mieux pourquoi les domaines les plus dynamiques du moment, je pense à Pontet Canet, ceux qui effectuent un travail d'étude et de compréhension permanent s'adapte peut être mieux de ces évènements climatiques nouveaux.
Un écrit bien long pour en venir où? Tout simplement qu'il ne faut pas s'enflammer :
- L'exercice des primeurs n'a jamais été aussi périlleux qu'aujourd'hui (cf. Lettre de M.BETTANE).
- Que lorsque comme moi on n'a pas accès directement aux dégustations primeur on reste quelque part prisonnier de ses propres certitudes mais aussi et surtout l'esclave des avis des grands gourous.
- Que l'excitation et l'émoi provoqués par les réjouissances du moment faussent les jugements
- Que les vins sont loin de leur forme définitive
- Qu'avec le recul et l'apaisement on porte plus d'attention sur les défauts du millésime. En cela la relecture à tête reposée des notes JMQ m'ont été salutaires.
Après des achats compulsifs lors des campagnes 96/00/05 et 08, j'avais pris conscience que les avis changeaient énromément et on ne retrouvaitn pas quatre ans après ce qui avait dit en primeur. Ce fut encore plus vrai en 2009 lorsque j'ai lu des commentaires qui pour mieux vendre la Grandeur supposée de 2009 enfonçaient 2005. Plus tard lors d'une conversation avec le régisseur de Sociando Mallet, j'avais retenu son commentaire que je retranscris de mémoire " 2009 est sorti de nul part, à la mi-août personne n'aurait parié sur un tel résultat. Un millésime qui s'est fait sur la fin. Pour ma part je pense que 2005 est mieux armé même si moins affable aujourd'hui ". Conscient de la mascarade qui se jouait lors de ces campagnes primeurs, je décidais, aidé en cela par l'inflation tarifaire, de ne pas céder aux chants des sirènes. Et je dois dire qu'aujourd'hui je ne m'en plains pas. Aujourd'hui je sais ce que je dois rechercher dans ce millésime 2009. Choix que je n'aurais sûrement pas fait en avril 2010.
Mais plus encore j'invite tous les lecteurs du forum à prendre conscience que toutes ces spéculations et débats d'idée autour des primeurs restent une simple fumisterie qui consiste à véhiculer du rêve et à jouer sur l'euphorie pour vendre à des prix de plus en plus délirants un produit qui reste au final un jus de raison fermenté. A ceux qui pensent encore pouvoir s'enrichir par le jeu de la spéculation je pense qu'ils font fausse route. Après sortie les prix ne bougent presque plus sauf quelques rares exceptions. Lorsque je lis que LLC va sortir à 400 euros je me dis "connerie" on peut acheter du 96 à 300 euros. Dans 15 ans LLC 2010 vaudra à peine plus que ce qu'il vaut aujourd'hui. En outre plus il y a de spéculations plus les vins sont stockés et donc ne sont pas consommés. Or pour que la valeur d'un produit augmente il faut deux choses un déséquilibre offre/demande et surtout une demande. Or comme dans l'immobilier, la rareté apparente n'est en fait que le résultat d'un jeu perfide qui vise à entretenir artificiellement la rareté (rétention des stocks). Tout finit par tomber. Je fais le pari que les fonds spéculatifs qui misent sur le marché chinois pour avaler la production des 15 plus grandes signatures vont se manger une gamelle.
N'avons nous pas eu la bonne surprise de voir ressurgir des chaix bordelais des 2005 moins chers.....