La semaine dernière, petite visite amicale chez
Krug.
Petit verre d'accueil à la Grande Cuvée, c'est quand même pas mal de recevoir les gens comme ça.
Tout d'abord, ça me "réconcilie" avec la Grande Cuvée.
La Grande Cuvée (quand elle a succédé à la Private Cuvée), je suis tombé dedans tout petit. C'était le Champagne des belles occasions chez mes grands parents, ... bref, j'en ai goûté plutôt souvent voire très souvent et jamais je n'avais été déçu par une Grande Cuvée, toujours cette touche inimitable, cette délicatesse, cette fraîcheur, cette complexité, cette longueur... La touche Krug à l'état pur...
Et, l'an dernier au réveillon de la Saint Sylvestre, pour la première fois, la bouteille de Grande Cuvée m'avait paru un peu plus neutre, pas de la même race que totes les précédentes. Quelques amis présents avec lesquels on en a partagé quelques unes, mettaient cela sur le compte des premiers tirages de l'ère LVMH, d'un volume plus important, ... Cela me tracassait un peu. Et voici cette bouteille jeudi, fidèle à ce que j'en attendais. Ouf !
Ensuite, Olivier Krug m'emmène dans la salle de dégustation. Pour commencer, une bouteille sans étiquette, mais bien du Krug, rien qu'à la forme de la bouteille. La bouteille mystère, quelque chose qui ne sortira jamais...
Au nez, beaucoup de raffinement, du floral, une touche grillée, c'est très beau. En bouche, de la fraîcheur, de la matière, de la minéralité, ... Un vin superbe, peut-être pas sublime mais superbe qui succède parfaitement à la Grande Cuvée.
C'est... ce qui aurait pu être le Clos du Mesnil 1999 que Krug ne sortira jamais. L'explication viendra juste après.
Vient ensuite, le
Clos du Mesnil 2000. Pour certains 2000 n'a rien donné de bon ! Celui-ci, par rapport au précédent, a plus de tout, plus de fraîcheur, plus de densité, plus de complexité, plus de longueur, plus de minéralité, plus d'ampleur. L'ex futur 1999 est un vin superbe mais pas suffisamment pour faire un Clos du Mesnil, il sera donc zappé et comme l'expliquait Olivier Krug, pour éviter toute tentation future de quiconque de se laisser charmer par des sirènes qui pour le moment n'ont pas de pouvoir mais sait-on jamais, il va être remis en cercle. Un vrai aveu d'échec pour cette cuvée qui va cesser définitivement d'exister mais surtout la sagesse de cette maison mythique de rejeter ce vin, quel qu'en soit le coût financier (et il est important) dont toutes les autres maisons se seraient très très largement contentées simplement parce quil a beau être excellent il ne fera jamais un Krug...
C'est rassurant car cela montre qu'on ne se contente pas du très beau, il faut de l'exceptionnel. C'est ce qu'on attend d'un mythe mais qui fait cela dans le monde du vin à cette échelle ? Ils ne sont sans doute pas très nombreux. Il suffit que je me souvienne d'une dégustation du millésime 2003 à Bordeaux où tous les grands étaient présents et dans laquelle se cotoyaient presque un vin sur deux, les nez de pneux brûlés, ... personne n'avait alors manifestement songé que rne pas montrer un vin qui n'est pas parfait pour qui est un domaine mythique devrait être la sage et logique décision.
Ensuite, dégustation parallèle du millésime
1998 et 2000. A l'aveugle on pourrait aisèment les inverser tant 1998 paraît plus adolescent que 2000. 2000 comme l'a écrit Benoit se présente dans sa douceur, sa délicatesse, son charme discret qui pour autant ne manque jamais de caractère, de classe et d'allonge. C'est une vraie réussite pour ce millésime classique en Champagne. Le futur 2002 laisse imaginer de très grandes choses. 1998 se montre lui plus tendu, plus vif, moins charmeur. Depuis sa sortie il y a environ 3 ans, il n'a pas changé et possède un très grand potnetiel d'évolution positive.
Quabnd la question se pose sur l'opportunité de faire ou non un millésime, cela montre que chez Krug c'est avant tout l'originalité de la vendange et sa qualité qui dictent au printemps suivant la décision de tirer un millésime. Ensuite, seule l'évolution lente en bouteille permettra de dire si le vin sortira ou non. Un vin intéressant jeune peut, pour une maison comme Krug qui sort ses millésimes très longtemps après le tirage, se révéler simplement très bon et ne pas correspondre aux attentes élevées de la maison. C'est le cas du Clos du Mesnil 1999 comme ce fut le cas pour un millésime 1993...
Pour Krug, la symbolique du 2000 n'a certainement pas été un axe de décision car, aussi lmongtemps après, cette symbolique simpliste n'a plus cours depuis longtemps et Krug le savait nécessairement.
Pour clore la dégustation, retour à la
Grande Cuvée qui n'a aucun souci à se faire et peut sans aucun doute faire un retour gagnant en fin de dégustation.
Une très intéressante discussion avec Olivier qui depuis quyelques mois redécouvre des pans de l'histoire de la maison. Pour résumer, Johann Jospeh Krug qui fonda la maison en 1843 avait quelques années avant une vraie réussite professionnelle et une vraie aisance en tant que "cogérant" du Champagne Jacquesson (à l'époque à Chalons). Ce n'est donc ni le besoin de réussir ni la volonté d'avoir sa propre affaire qui le pousse à créer cette maison mais une double volonté que son co-associé chez Jacquesson ne partageait pas, l'envie de faire des vins dont la dégustation est un vrai plaisir et surtout l'envie de faire CHAQUE ANNEE le Champagne le plus exceptionnel qui soit. Or c'est quelque chose qui n'existait pas. Il y avait certes des Champagnes non millésimés dans lesquels on ajoutait des vins de réserve mais pour lisser les différences d'une année à l'autre (différences beaucoup plus importantes qu'aujourd'hui) et pour faire le vin exceptionnel, il fallait attendre l'année propice, la très grande année pour faire ke très grand millésime mais c'était alors rare et hasardeux. Et là, Johann Joseph Krug veuit faire tous les ans ce vin exceptionnel. Pour cela, il est convaincu qu'il faut aller chercher partout lers meilleurs raisins, à chaque fois comme dans un petit jardin et les réunir, chacun apportant à l'édifice ses qualités et ses différences. Le principe même de la Grande Cuvée est l'axe fondateur de la maison Krug et cela na en rien varié depuis presque 170 ans. A l'époque, on ne parlait pas de fûts car ce n'était en rien original tout le monde faisait cela.
Il est passionnant de voir que les bases de la maison n'ont pas varié, consignées dans le petit carnet de Johann Joseph Krug, carnet résumant de manière très simple ces principes. Principe ensuite fréquemment transmis d'une génération à l'autre par la pratique et l'oral.
Olivier est comme habité par ces découvertes qui redonnent un vrai fondement historique à la primauté de la Grande Cuvée sur le reste. Pendant longtemps, ce qu'on a pris pour une politique marketing repose réellement sur les principe fondateurs de la maison. D'où d'ailleurs, désormais un sens de dégustation Clos du Mesnil, Millésime, Grande Cuvée, du particulier à l'universel...
Amicalement.