Je vais tenter d'expliquer mon point de vue clairement, malgré l'heure tardive...
Mon but n'est pas de combattre la notion de typicité, il n'y a rien de plus agréable que de pouvoir reconnaître à l'aveugle une région, une appellation, un millésime ou même un domaine, de par la présence dans le vin de caractéristiques relevant du terroir, d'un type de vinification ou des conditions climatiques de l'année. Tant que ces caractéristiques sont des qualités du moins, et pas une couleur délavée pour un pinot noir, un arôme de poivron pas mûr pour un rouge de Loire, une odeur de banane dans un Beaujolais, un boisé excessif qui est "typique" sur les grands Bordeaux et "atypique" dans la Loire, et que sais-je encore.
Je citerai quelques exemples pour étayer mon propos...
En plaçant ce vin à l'aveugle dans un groupe d'amateurs confirmés(Château des Jacques Clos de Rochegrès 1999, Moulin à Vent), tous ont admis avoir devant eux un grand vin, aucun n'a reconnu le cépage et encore moins bien sûr l'appellation. A la découverte de l'étiquette, les critiques ont commencé à fuser sur le soi-disant "manque de typicité" de cette bouteille. Je pense pour ma part que si tous les vins du Beaujolais avaient cette qualité, la région ne connaîtrait sans doute pas la crise qu'elle vit actuellement.
Les vignerons de la nouvelle appellation Viré-Clessé ne se sont-ils pas "arrangés" pour évincer le meilleur d'entre eux de l'appellation en interdisant la présence de sucre résiduel dans leurs vins ? Jean Thévenet, du Domaine de la Bongran, vous expliquera preuve en main, que cette pratique est traditionnelle dans la région, et est donc sans doute plus "typique" que la production de vins sans âmes, issus de rendements excessifs, pourtant fréquents parmi ceux qui obtiennent l'AOC...
Monbousquet est un vin qui évoque sans doute plus au nez un grand Porto qu'un Saint-Emilion. C'est néanmoins un des vins, si pas le vin qui m'a procuré le plus de plaisir en le dégustant cette année. L'essentiel n'est-il pas là ?
Silex 1997 de Dagueneau, présenté à un autre groupe d'amateurs, en a décontenancé plus d'un, les arômes de pamplemousse d'un sauvignon bien mûr étant moins fréquents que ceux de pipi de chat que l'on retrouve effectivement plus souvent et qui sont eux reconnus par la plupart des amateurs comme "typiques" du cépage...
Je pourrais multiplier les exemples à l'infini, tout cela pour dire que j'entends trop souvent les termes de typicité ou de terroir utilisés pour excuser les faiblesses de certains vins. Les grands vins n'ont pas besoin de mettre ces notions en avant pour affirmer leur supériorité sur le reste de la production. Ce sont eux qui doivent servir d'exemple et définir les critères de typicité pour l'avenir.
Luc