Que dire de plus après une telle journée ?
Tout d'abord insister une fois de plus sur le travail admirable effectué par Jérôme, chef d'orchestre de ce projet dont l'organisation a été menée avec brio (j'ai été heureux de faire sa connaissance...) malgré les nombreuses embûches qui ont surgi ici et là ces derniers mois. Bravo Jérôme et merci !
De très belles rencontres une fois encore, des visages enfin collés à des noms si souvent lus sur LPV, des professionnels qui ont joué le jeu et que je remercie chaleureusement pour leur présence, leur disponibilité et leur simplicité, démontrant aux frileux et à ceux qui en doutaient encore que le monde des amateurs et des professionnels avait tout à gagner dans ce genre de rencontre.
De grands vins bien sûr, beaucoup que nous dégustions pour la première (et peut-être la dernière) fois, des confirmations, des déceptions, des surprises, mais ce n'est finalement pas le plus important.
Des leçons majeures, c'est ce que je retirerai personnellement de cette magnifique dégustation. Des leçons sur moi-même surtout, sur ma manière de percevoir le vin, sur mes a priori que je ne pensais pas si nombreux, sur certains clichés véhiculés ici et là depuis si longtemps que je les avais presque considérés comme acquis et qui pour la plupart ne résistent pas à l'analyse objective. Egalement sur l'évidence du Grand Vin qui saute aux yeux de tous et qui même dans un série aussi relevée que celle à laquelle nous avons eu droit, relève de l'exception.
Mondovino était présent en filigrane dans la tête de chacun d'entre nous, même si la dégustation a largement débordé du cadre de ce film. Je crois ne pas me tromper en disant que la plupart des dégustateurs en sont sortis plus perplexes encore qu'auparavant sur la pertinence des messages qu'a voulu faire passer Nossiter.
Les comptes-rendus viendront plus tard, mais pour répondre à l'impatience bien compréhensible de certains, je citerai trois noms, les trois vins qui (je pense) ont fait l'unanimité (ou presque). Le Clos de Tart 2001 tout d'abord, qui a dominé de la tête de des épaules la série pinot noir et qui nous a démontré que modernité et classicisme n'étaient pas forcément incompatibles, loin de là. Les surprises sont venues des dauphins de cette série qui, en ce qui me concerne du moins, n'étaient pas ceux qui étaient attendus. Le Clos de Tart est certes une confirmation éclatante et réjouissante, mais le premier cliché qui s'est effondré pour moi est assurément celui qui veut qu'il n'y ait de grands pinots noirs qu'en Bourgogne et qui se révèle à l’analyse être une grossière erreur…
Sine Qua Non 2001 viendra me donner ma seconde gifle de la journée. Un vin que j’ai pris, comme la plupart des autres dégustateurs présents pour la Mouline 2001, tant son équilibre, sa longueur, sa classe naturelle, sa pureté aromatique, la qualité de son élevage et son soyeux de texture ne pouvaient dans ma tête (et manifestement dans celle de beaucoup d’autres) que correspondre au mythe que représente les célèbres crus de la maison Guigal. Même si je ne l’avais jamais encore dégustée (je connais bien par contre la cuvée Château d’Ampuis), j’étais presque aussi sûr de moi que pour le Clos de Tart, un des rares vins que j’ai reconnu à l’aveugle. Une syrah californienne ne pouvait être, dans mon esprit embrigadé par des clichés d’un autre âge, qu’horriblement boisée et d’un style que certains qualifieraient d’international, qualificatifs que j’ai effectivement utilisés (toujours à l’aveugle) pour un vin qui s’est finalement révélé être… La Mouline !
Enfin, dans la série d’assemblage bordelais, Staglin m’est apparu assez clairement au-dessus du lot, dans une série plus difficile à appréhender pour moi, en fin de dégustation, où il fallait aller assez vite vu le retard accumulé et où les papilles commençaient sérieusement à fatiguer. Peut-être la série où le concept d’uniformisation m’est apparu le plus clairement et où j’ai eu le plus de mal à identifier la provenance des vins présentés (déjà que ce n’était pas très brillant sur les séries précédentes…).
Et quand devant un verre qui se révèle au final provenir d’un domaine mis en avant dans Mondovino, qui se veut fer de lance dans la lutte anti-mondialisation et anti-uniformisation du vin, j’indique sur ma fiche après dégustation à l’aveugle "boisé prononcé dans un style américain, international", je me dis que d’une part j’ai encore beaucoup de progrès à faire en dégustation et que d’autre part, certains donneurs de leçon feraient mieux de s’interroger sur la pertinence de leurs attaques contre l’ignominie et la barbarie attribuée aux vins du Nouveau Monde.
Gageons qu’il y aura énormément de choses à dire au sujet de cette dégustation et que les polémiques (que j’espère constructives) sont loin d’être terminées.
Luc