[size=large]2006 chez Zind-Humbrecht[/size]
Je rentre d’une petite escapade en terre alsacienne, où le domaine Zind-Humbrecht fut une étape de choix incontournable, une étape marquante, parmi les quelques 10 domaines viticoles visités.
J’avais rencontré Olivier Humbrecht à Bordeaux et tous les vins du domaine que j’avais eu la chance de déguster jusqu’alors s’avéraient être très beaux. Tout ceci motiva ma volonté relative à visiter ce domaine, comptant à mes yeux parmi les meilleurs de France, voire du monde. Mon attente était grande, immense même, et ce qui m’a été offert dépassa mes espérances.
Je suis accueilli par le maître de chai (Olaf Richter) qui après un discours assez complet sur la politique du domaine et sa signature, sur les terroirs et les hommes, sur le vin et la roche, nous entraîne au sous-sol, dans le cuvier (et le chai…) pour déguster une quinzaine de crus tous issus du même millésime 2006 actuellement en vente.
Les vins se goûtent très bien, tant ceux ouverts depuis une semaine que ceux ouverts sur le vif.
Ce millésime un peu décrié par la presse se montre de haute qualité pour ce domaine au potentiel qui n’est plus à démontrer. Les vins sont de manière générale tendus et d’une expression enjôleuse puissante. Les acidités sont importantes et relèvent les vins, les fruits mûres et purs. Une belle réussite !
Des extractions lentes et des vinifications qui durent souvent plus d’une année confèrent aux différents vins un caractère à la fois profond et hautement sensible, pur, complexe à souhait !
Le cépage s’exprime par ses notes les plus nobles mais se laisse bien souvent dominé par la signature du terroir, c’est là le travail d’exception qui mérite d’être souligné !
En effet, chez Zind-Humbrecht comme chez d’autres viticulteurs inscrits dans la démarche biodynamique (je pense notamment à Jean-Michel Deiss ou à Marc Kreydenweiss), le vin est un vin de TERROIR et ainsi chaque parcelle possède sa propre signature ! Certaines cuvées peuvent même venir à ne plus exprimer les arômes et les saveurs propres au cépage, déroutant alors le dégustateur qui cherche des repères organoleptiques pour identifier le vin ! Quelle connerie ! Identifier un terroir me semble plus pertinent désormais qu’identifier un cépage… Déroutant et passionnant à la fois.
Parmi les plus belles réussites du millésime dégustées, je garde un souvenir particulièrement profond voire émouvant de cinq vins :
1) Le Clos Windsbuhl Riesling sec 2006:
12,5% l’alcool ; 7,9 g/l de sucre résiduel ; rendements 37hl/ha ; age moyen des vignes 32 ans ;
Surface 0,9 ha ; Terroir Calcaire muschelkalh exposé sud, sud-est.
La pureté même du riesling est affichée à travers ce merveilleux vin. La robe est claire, paille cristalline. Le nez est pur, riche en arômes mûrs, il offre à nos sens des parfums citronnés, floraux et légèrement fumé, minéral mais pas seulement. En bouche, le vin est droit, sans excès, tout en mesure, tout en classe et distinction. L’attaque est franche, offerte par une vivacité qui va si bien au riesling, puis elle se continue par une trame saline, minérale, liée à beaucoup de fraîcheur et très relevé. Le vin fait saliver, l’acidité accompagne à merveille les saveurs d’agrumes typiques du riesling et un côté crayeux qui nous rappelle son terroir d’origine. Pas une trace d’hydrocarbure, que de la pureté. Le sucre résiduel est entièrement masqué par la richesse et l’acidité qui l’entoure. Le vin se déguste plus en longueur qu’en largeur, la structure est plus cristalline que grasse, le vin est pur et sans aucune perte de tension sur l’ensemble de la dégustation. La longueur force le respect et signe le grand vin, le gentleman.
Noté 17,5/20 un grand vin, un très beau riesling.
Toutes mes rencontres avec les vins issus de ce terroir me laissent le même sentiment. Des vins dans la mesure plus que la démesure, des vins droits sans exubérance mais ne manquant pas d’expression. Ces vins sont de véritables sacerdoces à comprendre, tant ils sont mystérieux et contradictoires lors de l’analyse... Comment peut-on marier l’intense expressivité à la finesse et la classe, le charme à droiture, la pureté à l’insolence ? S’il devait être un homme, il serait un guide, un être auquel l’on peut tendre la main, s’abandonner sans crainte. Un seul autre vin m’a touché comme ceux du windsbuhl : Burg de Marcel Deiss.
2) Le Clos Windsbuhl Gewurztraminer 2006
14,5% d’alcool ; sucres résiduels 32,2g/l ; rendement 38hl/ha, age moyen des vignes 36 ans ; terroir Calcaire muschelkalh exposé sud, sud-est.
Voilà un vin dominé par son terroir ! Un vin riche, à la limite de la vendange tardive, un vin fin, un vin très bien équilibré et aucunement abîmé par une quelconque lourdeur ou sensation de pesanteur.
Les arômes sont « dignes » quasiment d’une complantation… Je trouve le vin complexe et
parfaitement bien équilibré. Les arômes ne sont pas caricaturaux, la rose est discrète, le litchi aussi, il y a des épices, des fruits comme l’abricot et de la marmelade d’agrume qui me poussent à me poser la question de la signature du cépage. La tension transporte encore ce vin frais et riche, opulent sans être lourd. Le sucre est ici bien ressenti il attribue une structure grasse et donne un vin gourmand, un vin enjôleur, bref, un vin qui m’a beaucoup plu !
Noté 17,5/20 (moi qui ne suis pas un grand amateur de gewürztraminer)
3) Pinot Gris Rangen de Thann, Clos Saint Urbain 2006
15,5% alcool ; sucre résiduel 11,1 g/l ; rendement 21,6 hl/ha ; age moyen des vignes 37 ans ; surface 2,3 ha ; terroir volcanique (tufs & grauwackes) exposé sud, très forte pente.
C’est certainement le vin que m’a le plus marqué parmi l’ensemble des crus de la gamme Zind-Humbrecht, voire même le vin (avec « Burg » de M. Deiss mais dans un registre très différent) qui m’a le plus plu parmi la centaine de crus dégustés lors de cette semaine de dégustation en Alsace.
La robe de ce cru est comparable à celle d’un vieux sauternes : vieil or et grasse, limpide, insolente. Elle impressionne déjà à elle seule et introduit merveilleusement bien le cru encore mystérieux ainsi que sa dégustation imminente. L’intensité aromatique de ce vin est extraordinaire, d’une richesse et d’une complexité folles, frisant l’audace, et pouvant faire pâlir bon nombre de très belles cuvées. Il exhale de puissants parfums de coing, de marmelade d’orange, de cire, de pèche et d’abricot très mûrs. Le nez se confond avec ceux offerts par des vendanges tardives, il exprime une certaine minéralité, un fumé de pierre à fusil souvent retrouvé chez les pinots gris, mais exacerbé ici par le terroir volcanique, conférant au vin une complexité étonnante et ravageuse. Je suis sous le charme, subjugué !
Vient enfin le temps de goûter cette bombe de fruit, et là, l’on est étonné de goûter un vin sec, un vin droit, tendu minérale, violent presque ! Tout laissait présager un vin liquoreux, tant la robe que ses arômes... Le terroir prend ici encore le dessus sur le vin et le palais me laisse sans voix.
Un vin immense.
Noté 19/20, j’ai touché là à une corde sensible, selon moi la perfection pour mon goût.
Olaf Richter nous offrit aussi à déguster le 2004 de ce même vin. L’impact du millésime est très fort chez Zind-Humbrecht nulle question de faire deux fois le même vin ! Le 2004 se montre très élégant, mais dans un registre différent. La robe est plus claire, le nez moins confit avec plus de pureté et toujours cette minéralité extravertie. Aussi, le 2002 apparaissant comme une très belle réussite, je n’ai pu m’empêcher d’en rapporter quelques-unes, avec l’envie de découvrir ce millésime très prochainement…
4) Pinot Gris, Clos Jebsal 2006, Vendange tardive.
Alcool 14% ; sucres résiduels 113,6 g/l ; rendement 23hl/ha ; age moyen des vignes 23 ans ; terroir de marnes grises et gypses, exposé sud terrasses et forte pente.
Le Clos Jebsal est un petit terroir situé entre les collines du Brand et du Heimbourg (deux grands crus) à Turckheim, ville où siège la maison Zind-Humbrecht. Le Clos Jebsal apparaît comme un des meilleurs terroirs d’Alsace, au caractère unique car coincé entre deux failles géologiques révélant 1,3ha de marnes à gypse. Le micro climat de Jebsal est propice au développement de la pourriture noble et produit alors des vins riches et soutenus par une belle acidité et fraîcheur. Le botrytis est intense en 2006 faisant que cette vendange tardive aurait pu faire valoir son statut de sélection de grain noble (SGN) avec ses 20,5° potentiel !!! Mais la maison Zind attend encore plus pour ses SGN, je vous laisse imaginer...
La robe est or, grasse.
Le nez est intense et enjôleur, offrant des parfums de coing, de pêche et d’abricot compotés et confit.
En bouche, le vin exprime encore son terroir. La forte teneur en sucre du nectar est parfaitement domptée par l’acidité marquée, offerte par les Gypses qui donnent un vin très structuré frais et ne souffrant pas d’une moindre lourdeur. La richesse hors norme de ce vin, comparable à celle du précédent saisi le dégustateur. Une trame saline et ferme soutient le vin tout au long de la dégustation, ne lui conférant pas la moindre absence ni même le moindre apaisement dans les différentes phases de la bouche. Ainsi, de l’attaque à la finale en passant par le milieu de bouche, le vin est constant, très soutenu et gourmand, onctueux.
Un grand vin encore !
Noté 18,5/20
5) SGN Brand Riesling 2006
Alcool 12% ; sucre résiduel 185,2g/l ; rendement 12hl/ha ; age moyen des vignes 56 ans ; surface 1,6ha ; terroir granitique biotite exposé sud, sud-est à forte pente.
Seules trois SGN en riesling ont été produites au domaine Zind-Humbrecht !!! Le riesling Brand est le troisième. Le premier date de 1989 et provient du clos Windsbuhl, le second date de 1998 et provient de Rangen. Parce que le développement du botrytis a été gigantesque en 2006 sur ces vieilles vignes du Brand, le domaine a fait la folie de donner vie à ce vin, ce monument grâce à une sélection de quelques grappes, les plus mûres touchées par la pourriture noble… Ce vin est le plus riche de la trilogie précité avec 23° potentiels (165° Oechslés, unité très retrouver entre les lèvres du maître de chai). Mais c’est aussi le vin dont l’acidité est également la plus importante des trois, faisant de ce dernier né un vin de structure et d’onctuosité magistrale.
La robe est vieil or, cuivrée et sirupeuse.
Le nez est éblouissant de puissance et richesse tout en gardant une certaine douceur et finesse. On retrouve la pêche et l’abricot confit, la cire, le miel, les fleurs blanches apportant fraîcheur et légèreté au nectar digne de ce nom.
En bouche, le côté sirupeux introduit par la robe se confirme, offrant onctuosité, gras et gourmandise. L’acidité évoquée remplit toutes ses fonctions, apportant la tenue indispensable à la bonne expression du cru et abolie toute lourdeur malgré la richesse immense. L’abricot pure et mûr reste sur la langue et chatouille les papilles, acidulé il caresse mes sens, me transporte, m’hypnotise presque… (c’est peut-être pour cela d’ailleurs que je n’ai pas pu quitter le lieu sans en prendre un flacon…)
Noté 18,5/20, ce vin apparaît difficile à noter, à évaluer. Il pourrait concourir aux côtés de quelques aszu essencia voire essencia...
Si je ne présente ici « que » ces 5 cuvées, c’est parce que ce sont celles-ci qui m’ont le plus touché. Tout reste bien entendu affaire de goût, et si je pense que la qualité de ces cuvées est indéniable, que chacun partagera mon avis quant à cette question, il n’en est pas de même pour la sensibilité, fort heureusement. Je vous est donc présenté ce qui m’a touché, chose toute personnelle.
Cordialement,