A propos des cagettes…
Il y a quelques jours, ce sujet a été évoqué un peu plus haut mais on n’a pas pris le temps d’expliquer quelques détails sur cet objet et les raisons de son utilisation.
Nous vendangeons en cagettes depuis 1999 à Pontet-Canet mais on avait « rodé » le système l’année précédente à Lafon-Rochet quand que les deux domaines travaillaient ensemble.
A l’époque et depuis une dizaine d’années, nous utilisions des bennes élévatrices à vis en inox. Nous savions que ce système était périmé et nous souhaitions « passer à la cagette ».
Les raisons sont multiples. La principale mais qui ne veut rien dire de précis, c’est le respect du raisin entre le moment où il est coupé et l’encuvage. En fait, en mettant les grappes dans un petit contenant peu profond, on évite l’écrasement donc l’oxydation, ainsi que la trituration de peaux.
Mais il faut aussi reconnaitre que chez nous à Bordeaux, le principal ennemi du raisin à ce moment de l’année, c’est la pourriture. Un raisin pourri va se dégrader beaucoup plus vite s’il est tassé, transvasé, manipulé. Il va alors libérer son jus souillé par toutes les enzymes du champignon et va polluer le reste de la vendange. Il est donc important de trier de la vendange entière et intacte. C’est là que la cagette prend tout son intérêt.
Mais il existe plusieurs types de cagettes de tailles et de formes différentes. Au milieu des années 90, alors que nous réfléchissions à ce changement, j’avais en tête le principe que nous utilisons, c'est-à-dire une petite cagette qui remplace le panier.
Traditionnellement, les gens dans la vigne travaillent par groupes de 5 ; 4 coupeurs équipés de paniers alimentent 1 porteur de hotte qui transporte la vendange hors de la parcelle.
Si la cagette remplace la hotte, elle doit être de gros volume pour contenir environ 30 kg de raisin. Il y a assez peu de cagettes à manipuler mais il faut conserver le panier à la vigne. Le panier est vidé dans la grosse cagette. Donc pendant la manipulation des grains sont écrasés ou triturés. Puis durant le transport, la hauteur de vendange est importante (tout est malgré tout relatif), soit 40 cm. Il y a un risque d’écrasement supplémentaire. Pour vider 30 kg, il faut en général mécaniser ; ce qui rend le vidage un peu brutal donc source d’écrasement supplémentaire. Chez nous, il faudrait 500 grosses cagettes.
Si la cagette remplace le panier, elle peut être beaucoup plus petite et contient en moyenne le poids d’un panier, soit 7.5 kg. C’est mieux mais il en faut 4 fois plus que dans le cas précédent. Il y a donc beaucoup plus de manipulations. Pour le lavage, c’est pareil, il y a en a 4 fois plus à laver. Mais le raisin ne subit aucune agression ; le vendangeur le met dans la cagette et il arrive sans manipulation ni écrasement au tapis de tri. Il y a 10 cm d’épaisseur de raisin dans la cagette. Le vidage se fait facilement à la main. On a donc la possibilité d’adapter le geste à l’état de la vendange pour la garder totalement intacte.
Il nous faut 2000 cagettes. En fait, nous en avons 3000, soit 150 palettes de 20 cagettes.
Dans les années 90, quelques châteaux locaux utilisaient des systèmes de hottes amovibles ou grosses cagettes. Mais ce n’était pas le plus abouti possible pour le respect du raisin.
Donc, nous n’avons pas voulu choisir de tels systèmes sachant qu’il pouvait exister mieux. En Formule 1, on ne gagne jamais une course avec le moteur de la saison précédente…
Mais n’ayant pas d’exemple sur lequel s’appuyer, j’ai fait des mesures et des essais en 97 à Pontet-Canet puis de savant calculs.
Enfin, avec un peu d’angoisse (il n’y a pas droit à l’erreur) et d’espoir, nous avons pu lancer les choses en vraie grandeur en 98 à Lafon-Rochet.
On a corrigé quelques imperfections, mais le résultat visuel était très probant. Pour être franc, à l’époque, lorsque je rentrais de Lafon-Rochet et que je passais devant le tapis de tri de Pontet-Canet, j’avais un peu honte… Je peux le dire car depuis le temps, il y a prescription !
Enfin en 99, on a appliqué ce système à Pontet-Canet en multipliant par deux ce qui existait dans l’autre domaine. On a rendu les choses un peu plus complexes en installant les deux lignes de réception de vendange au premier étage ; comme à l’époque de la construction du bâtiment…en 1895 ! On n’invente rien…
Depuis, ce système de cagettes s’est beaucoup développé, ici et ailleurs.
Comme tous les outils, il ne fait pas la différence. Mais, un détail, plus un détail, plus un détail, finissent par faire une petite différence. Des petites différences mises bout à bout en font une moyenne. Etc. etc. etc…