Hier soir, très belle dégustation de Pontet Canet avec
Normale Sup' Oeno
, le club de dégustation de l'ENS, présentée par Alfred Tesseron.
Je vous passe l'historique du domaine et la présentation par M. Tesseron des méthodes culturales du domaine, particulièrement intéressante mais dont les éléments sont présentés avec brio plus haut dans cette rubrique. Les millésimes, dégustés du plus récent au plus ancien, seront 2006, 2005, 2004, 2003, 1994 et 1990.
Les
Hauts de Pontet-Canet 2006 ouvrent le bal.
Ce vin, issu des jeunes vignes du domaine, présente une robe très jeune, d'intensité moyenne.
Le nez offre un fruité assez immédiat (cassis, framboise), l'élevage (12 mois en barriques d'un vin) est imperceptible, mais une note que je peine à identifier, vaguement savonneuse (?), me gêne un peu.
La bouche est assez tannique, légèrement astringente, de demi-corps, la longueur est satisfaisante sans plus. Le caractère fruité, un peu primaire, s'impose également en bouche, avec toujours quelques notes qui m'interpellent.
Pas vraiment convaincu.
Assez bien -
Arrive
Pontet-Canet 2006.
La robe est beaucoup plus profonde, violine sur le disque.
Le nez est plus discret, mais aussi infiniment plus raffiné et complexe. L'impression de fruits noirs mûrs s'impose (mûre, myrtille, cerise noire), accompagnée par des notes d'épices douces de légères notes grillées/toastées qui laissent deviner un élevage déjà très bien intégré. Il s'ouvrira avec l'aération dans le verre, ces notes grillées s'estompant progressivement.
En bouche, la matière est superbe, dense, veloutée, les tannins d'une finesse étonnante, et le vin donne une impression de puissance contenue, sans excès, et emmène vers une longue finale distinguée, le tout étant portée par une fraîcheur déconcertante.
Un vin expressif, qui semble assez ouvert aujourd'hui, et dont les qualités en bouche ne laissent aucun doute sur le potentiel.
Très Bien +, et sans doute mieux dans quelque temps.
2004 et 2005 sont ensuite servis côte à côte.
Pontet-Canet 2005 paraît, au nez, très fermé de prime abord. L'aération dans le verre y remédie seulement partiellement, mais le nez reste peu causant, avec des effluves de fruits noirs (mûre, myrtille, là encore), et des notes épicées, ainsi que de plus discrètes nuances de réglisse, de fumée (très légère).
En bouche, le vin se révèle beaucoup plus expressif : l'attaque est massive, la matière conséquente, presque crémeuse, les tannins superbes de finesse. La bouche est particulièrement ample, mais garde tout le long une fraîcheur et une distinction rares, jusque dans la très longue finale. Le tout est d'un équilibre impossible à prendre en défaut, harmonieux, complexe.
Mis de côté, le vin s'améliore encore au fil de l'aération dans le verre. Après une petite heure, le nez est toujours loin d'être extraverti, mais la bouche a encore gagné en puissance, en longueur et en expressivité. La grande classe.
Excellent, voire plus.
Pontet-Canet 2004 se présente comme son cadet assez renfrogné, il n'a clairement pas envie de causer. Au nez, le fruit est plus en retrait que sur le 2005, on perçoit quelques notes de cassis, ainsi que des nuances torréfiées, de café.
La bouche présente là encore une superbe matière, dense avec la finesse de tannins et la fraîcheur communes à ses deux prédécesseurs. Très belle au demeurant, elle souffre un peu de passer derrière le 2005, offrant un fruité plus en retrait et un côté un peu plus "dur", plus stricte, évoquant le graphite.
Très beau vin, moins puissant et séducteur que 2005 dans ses arômes, mais de constitution irréprochable.
Très Bien +.
Au tour de
Pontet-Canet 2003.
La robe paraît un peu plus évoluée, tirant vers des teintes grenat.
Le nez est très ouvert, presque extraverti en comparaison avec les deux précédents : beaucoup de fruit (prune en tête, cerise à l'alcool), un côté épicé assez marqué, une légère nuance "confite" et grillée (légères notes de pruneau).
En bouche, la parenté entre les trois vins précédents était évidente, celui-ci est clairement atypique dans la série.
La bouche est plus séductrice, flatteuse, l'impression d'une matière dense et d'une foule de petits tannins enrobés des précédents laisse place à une matière plus souple en attaque mais aussi un peu plus accrocheuse en finale. Malgré tout la fraîcheur reste au rendez-vous et donne un vin très équilibré, et la longue finale sur les fruits secs, les épices, la réglisse, un peu castelnovienne dans l'esprit, ne déçoit pas.
Un vin nettement plus prêt à boire que les précédents, loin d'être excessif dans le millésime, mais d'un style tout à fait différent, plus séducteur mais moins profond que les précédents, et qui me semble moins abouti dans sa structure. On a la sensation qu'il ira moins loin que les autres.
Très Bien malgré tout.
Place aux anciens, avec tout d'abord
Pontet Canet 1994.
La robe est plus évoluée, tuilée sur le disque mais néanmoins assez profonde.
Le nez m'évoque un certain classicisme, qui exhibe des notes de tabac, de bois précieux, de résine, légèrement végétal (poivron rouge) et un fruité un peu en retrait, tirant vers le cassis.
La bouche est veloutée, les tannins parfaitement fondus, d'une belle longueur, avec une finale fraîche marquée par des notes d'eucalyptus.
Équilibré, classique, mais qui ne me semble pas hors norme comme peuvent l'être les millésimes récents.
Bien + / Très Bien-
Pour finir,
Pontet-Canet 1990 nous est présenté.
La robe est un peu plus évoluée que celle du 1994.
Le nez est lui totalement différent, dominé par de puissantes notes de fumée, de goudron, un côté "terre chaude", une nuance animale (cuir) et des notes torréfiées.
En bouche, encore une fraîcheur appréciable, mais la matière est moins soutenue (fin de bouche un peu évanescente), et la palette aromatique plus monolithique, dominée par ces notes de fumée/goudron et des notes de cuir plus sensibles en bouche qu'au nez.
Je ne déteste pas ces arômes, donc ce vin m'a fait une relativement bonne impression, mais il est clairement à part dans la série.
Bien -.
Je me permets d'ajouter quelques remarques sur
Pontet-Canet 2000 bu la veille, qui m'avait aussi beaucoup plu : sous une robe très foncée, impénétrable, un nez de fruits noirs très mûrs (cerise noire), de chocolat, accompagnées d'arômes de café, de notes grillées (plus discrètes). La bouche est massive, pulpeuse, les tannins enrobés mais peut-être moins fins que sur 2004, 2005 et 2006. Le vin me semble proposer moins de fraîcheur et de distinction que sur les millésimes récents, mais offre néanmoins beaucoup de plaisir.
Très Bien.
Au final, une dégustation plus que concluante pour moi qui connaissais mal le domaine. Les millésimes récents se présentaient dans des phases totalement différentes, très ouvert pour le 2003 et à degré moindre pour le 2006, beaucoup moins causants pour 2004 et 2005. Ce qui signe néanmoins ces vins et les rapproche me semble être leurs qualités en bouche : une matière riche, intense qui va de pair avec une finesse de tannins peu commune, et une fraîcheur qui leur confère une impression de puissance maîtrisée [size=x-small](tant il est bien connu des publicitaires et des autres que sans maîtrise, la puissance n'est rien...)[/size], harmonieuse. Pour les millésimes plus anciens, le 2000, plus viril, m'a également convaincu, 1994 me semblant de facture plus classique, et 1990 assez atypique, trop monolithique dans ses arômes pour offrir autant de plaisir que les autres.
Au passage, merci beaucoup aux organisateurs et à M. Tesseron, que l'on sent fier de ses vins et des méthodes du domaine : inutile de vous dire qu'on a beaucoup entendu parler de Jean-Michel Comme au cours de cette soirée, soit autant d'occasions de repenser aux saines lectures qu'il nous offre dans cette rubrique.
Mathieu