Domaine Morey-Coffinet, passage au domaine
Comme chaque année, le vendredi après la vente des hospices de Beaune est synonyme de Go Fast bourguignon pour moi. Cette année, mes camarades et moi commençons la triade des domaines par un de ceux qui me sont chers : le Domaine Morey-Coffinet. C’est toujours un plaisir de monter voir Thibault, et je pense que c’est réciproque. Nous arrivons pour 10h15 environ devant le fameux palmier, sous un assez beau temps, chargeons directement les 2017 à récupérer, puis nous commencerons la dégustation. Un groupe de 3 autres personnes venant de Paris
(et de chez Henri Germain le matin…) nous rejoindra, rattrapera l’analyse des vins en cours et se greffera à nous pour le déjeuner du midi
.
Le domaine Morey-Coffinet est issu du jumelage des vignes des domaines Marc Morey et Fernand Coffinet en 1978. Il est désormais totalement certifié en Agriculture Biologique et adopte les principes de la Biodynamie
(tout comme ces camarades et amis des domaines J.C. Bachelet et B. Moreau). D’ailleurs, on sent bien que l’objectif est d’être le plus sain et le plus respectueux possible à la vigne, avec des labours sur l’ensemble de ces parcelles. Le domaine en lui-même représente un peu moins de 10 ha, avec une légère domination du chardonnay. La gamme est très variée, avec en propre l’essentiel des vignes sur Chassagne Montrachet
(tant au sud qu’au nord de la commune, y compris le Bâtard Montrachet), mais également sur Puligny Montrachet, avec une belle parcelle de 1er Cru les Pucelles. Au total, on trouve dans la gamme des représentants de toutes les strates hiérarchiques des crus bourguignons
(du bourgogne générique au Grand Cru). Ceci est complété par une activité de négoce
(Maison Morey-Coffinet) depuis 2013, qui grossi de millésime en millésime, ce qui permet de diversifier encore un peu plus la carte des vins disponibles, en particulier sur des beaux terroirs
(Combettes à Puligny, Perrières à Meursault, Corton et Corton Charlemagne en Grand Cru). Thibault procède par un échange de raisins avec des domaines partenaires possédant la même approche respectueuse que lui de la vigne et de l’environnement.
Concernant la distribution, la part à l’export tend à diminuer depuis quelques années pour s’équilibrer maintenant avec le marché français
(50/50 en gros), alors que l’on était à 80/20 il y a quelques temps, avec l’envie de garder une clientèle particulière, chose dont je ne vais pas me plaindre !
Nous goûterons ce jour une large gamme des vins issus du millésime 2018, que ce soit en domaine ou négoce. Il s’agit d’une belle année, généreuse en volume
(50hL/ha pour les rouges, parfois plus de 60 pour certaines cuvées de chardonnay schématiquement), avec de bonnes conditions sanitaires et de maturités. On est sur des élevages traditionnels bourguignons allant de 10 mois pour les cuvées génériques à environ 16 mois pour les cuvées les plus prestigieuses, avec une part de fût neuf ne dépassant pas 50%. A noter désormais que tous les vins sont cirés à partir des 1ers Crus.
Les 2018 du Domaine: Les robes étant assez claires et globalement similaires, je ne les commenterai pas. Commentaires retranscrits dans l’ordre de la gamme
(domaine puis maison), pas nécessairement dans l’ordre de dégustation.
Bourgogne Chardonnay :
0,96 ha. 3 parcelles de plaine sur Chassagne Montrachet, >60hL/ha.
On a un nez floral et de tilleul. C’est assez expressif, avec un fin côté grillé/pétard et réglisse. La bouche est sèche, sur le gravier sec, avec un peu d’amers et de réglisse. Belle entrée en matière.
B-TB
Chassagne Montrachet Les Houillères :
parcelle de 0,5 ha, individualisée désormais, triangulaire, sous les Encégnières de Chassagne, jouxtant les Aubues de Puligny. Vignes de 60 ans.
On a un nez assez neutre. La bouche est marquée par la réglisse. On bouche on retrouve une pointe verdacée et des amers un peu puissants. Bien fait, mais il me semble marqué par la prise de bois.
AB-B
Chassagne Montrachet 1er Cru En Cailleret :
0,65 ha, vignes de 30 ans. Sols pentus argilo-calcaires peu profonds et pierreux. 2 percelles : une en haut de coteau et l’autre en bas, sur un sol un peu plus riche.
On a un nez sur le gravier humide. La bouche est beaucoup plus volumineuse que d’habitude. Il y a une jolie ampleur, avec des notes salines et de beaux zests d’agrumes et d’écorce d’orange. Finale un peu réglissée. Première fois que je la goûte aussi bien au domaine.
TB-E
Chassagne Montrachet 1er Cru La Romanée :
0,81 ha (le plus gros exploitant du climat), vignes de 62 ans, sols marno-calcaires peu profonds.
Un peu réduit au départ, on a rapidement un nez mentholé, avec un fin boisé/beurré et iodé. La bouche est un peu plate, assez grasse et marquée par le beurre. La finale est un peu amère et chaleureuse. Elle manque de vivacité par rapport à Cailleret, le vin ne me semble pas en place. Première fois que je goûte aussi peu favorablement cette cuvée que j’adore traditionnellement.
B
Chassagne Montrachet 1er Cru Dent de Chien :
0,07 ha. Parcelle minuscule jouxtant le Montrachet, sur le haut. Vignes de 45 ans. Minces terres brunes calcaires & caillouteuses.
On a un nez expressif de fruits jaunes charnus (pêche blanche et jaune). La bouche est puissante, assez riche, soutenue par de beaux amers grillés. C’est très long et de gros volume. La finale est sèche, avec une aromatique sur les céréales, et un fond violette et fleurs blanches, assez inédit.
TB-E
Chassagne Montrachet 1er Cru Blanchot Dessus :
0,06 ha, argilo-calcaires assez profondes.
Le nez est très fermé. On a une bouche cristalline, très pierreuse, avec de gros amers structurants. C’est très puissant, avec une longueur assez conséquente, doté d’une finale très longue et sèche et salivante. Clairement un vin de bouche dont on sent toute la profondeur et la puissance tellurique. Un peu le pendant d’un Perrières à Meursault.
TB-E
Puligny Montrachet 1er Cru Les Pucelles :
0,19 ha, vignes de 20 ans. Mi-coteau, calcaire, jouxtant Bienvenues et Bâtard Montrachet.
On change clairement de registre avec ce vin. On a un nez envoûtant, sur le pain grillé, le fumé, et des magnifiques fleurs blanches. Assez génial. La bouche est citronnée, mentholée et florale, d’un grand équilibre et d’une superbe précision aromatique. La matière est belle, tout en dentelle, quasi aérienne. Il y a une grosse longueur, c’est très élégant. Elle met tout le monde d’accord.
E++
Bâtard Montrachet Grand Cru :
0,13 ha. 3 fûts, vignes de 20 ans environ sur la partie sud du Grand Cru.
Le nez est très fin. La bouche paraît plus élancée, fluide et élégante que l’autre Grand Cru blanc du domaine, le Corton Charlemagne, goûté juste avant. Il y a une belle justesse en bouche, avec un côté plus fin et élancé. C’est très long, et tendu, porté par un joli citron. Une puissance maîtrisée en somme, j’ai d’ailleurs rarement aussi bien goûté ce Grand Cru sur place.
E+
Bourgogne Pinot Noir :
0,81 ha. Vignes de 40 et 50 ans.
On a un nez sur le bonbon kréma à la cerise. La bouche est d’une gourmandise absolue, avec des tanins très fins, encore un peu serrés. C’est un peu court, avec une finale sur la rafle et le végétal noble/ronce. Parfait pour son niveau de gamme.
TB
Chassagne Montrachet Les Chaumes :
0,72 ha, vignes de 45 ans environ.
On a un nez très pinot noir, avec un fond floral sur la violette. Il y a plus de volume en bouche et de densité tannique, avec une jolie finale mentholée.
TB
Chassagne Montrachet 1er Cru Morgeot :
0,20 ha. Vignes de 55 ans, sur un sol argileux un peu lourd.
On a un nez un peu réduit. La bouche est plus grasse, avec un gros volume, de nombreux tannins, très serrés donnant une grosse mâche au vin.
TB
Chassagne Montrachet 1er Cru Clos Saint Jean :
0,20 ha, vignes de 40 ans, sur du calcaire de comblanchien, dans la partie historique du Clos.
On a un nez fumé, sur l’encens, la violette, la cerise et l’encre. La bouche est belle, puissante, un peu réglissée. La matière est serrée et tannique, presque dure. C’est assez long, se conclue par de gros amers et un côté racé sur la rafle/végétal noble. Assez grosse structure, et sera de garde à n’en pas douter.
TB-E
Les 2018 de la Maison Morey-Coffinet (Négoce)
Saint Romain Sous le Château :
Climat assez important et central de l’appellation, exposé est.
Le nez est neutre. La bouche est un peu verdacée et amère. La finale est assez courte sur le bonbon cachou.
AB
Saint Aubin 1er Cru Les Frionnes :
Partie centrale de l’appellation, assez proche du village.
Nez fermé. La bouche est de demi-corps, avec une fine pellicule grasse. On trouve un léger côté épicé sur le poivre blanc et l’iode. C’est moyennement long, cela manque un peu de volume, même si cela reste assez sec et tendu.
B-TB
Meursault : On a un nez de tilleul et de menthol. La bouche est sur le menthol et la chlorophylle
(chewing gum hollywood). On retrouve des agrumes, du citron aromatisant un joli volume. Il y a un fin grillé/noisette en complément, la finale est satisfaisante quoiqu’un peu chaleureuse. Bien fait et assez représentatif de son village.
TB
Puligny Montrachet 1er Cru Les Combettes :
substrat argilo-calcaire, climat au nord de l’appellation, jouxtant les Charmes de Meursault.
On a un nez floral. La bouche est assez grasse et beurrée, très ample, complétée par un peu d’agrumes. C’est assez long, avec une finale un peu chaleureuse.
TB-E
Meursault 1er Cru Perrières :
Au sud de l’appellation, jouxtant Puligny, en coteau, sol très dur et calcaire.
Le nez est plus citronné que les Combettes. On retrouve un joli tilleul/verveine en bouche. Il y a une jolie matière pierreuse, caillouteuse, beaucoup plus tendue que le Puligny. Une longue finale étire ce vin dont l’aromatique met en évidence de très beaux et fins agrumes mûrs.
E
Corton Charlemagne Grand Cru : Le nez est fermé. La bouche est très puissante et massive, dense, épaisse (mélasse/réglisse). On retrouve du marc de raisin, des fruits jaunes mûrs. La finale est tout aussi puissante et massive, un peu pâteuse, sur le carton-pâte. Pas hyper fan.
AB-B
Corton Grand Cru : On a un nez fumé, de cerise, très précis. La bouche est ronde, d’une gourmandise et d’une justesse assez hors norme. La matière est superbe, mûre, avec un fruité éclatant et d’une finesse redoutable. J’adore.
E++
Au total, il en ressort plusieurs points. Le premier est que globalement j’ai trouvé des vins assez mutiques d’un point de vue olfactif, et marqué par ce que je pense être des prises de bois en finale de la plupart des vins, avec notamment des fins de bouches chaleureuses, amères et réglissées pour un certain nombre d’entre eux. Ce n’est pas illogique, vu que l’élevage n’est pas encore terminé.
Le second point, positif, est que malgré tout, et bien que le millésime 2018 puisse être qualifié de généreux et chaleureux, je n’ai pas trouvé des matières fluides ou diluées, ni à l’inverse trop molles et pataudes. J’ai ainsi l’impression que l’équilibre global est presque un peu meilleur que sur 2015, par exemple, et que l’effet millésime aura été un peu lissé sur les blancs.
Le troisième point est que les pinots sont très réussis, avec de la matière, des tanins et un très joli cœur de fruit. Cela fera des vins gourmands mais avec une structure pouvant évoluer favorablement avec le temps. C’est pour moi un mix entre 2012 et 2009, avec une gamme sur les rouges assez homogène.
Au rayon déception : la Romanée que je n’ai pas reconnu cette année. Par contre, en bonnes surprises, je retiens les simples bourgogne génériques dans les deux couleurs
(excellents vins de soif et un peu plus encore…), le Cailleret sur Chassagne et le Perrières sur Meursault, et les coups de cœur pour les Pucelles et le Corton Grand Cru, réellement superbes.
Enfin, le dernier point est que l’on est toujours superbement bien accueilli par Thibault, et que c’est toujours un régal de passer du temps en cave ensemble.
Il est désormais midi, le temps aura passé à une folle allure, et il est l’heure d’aller déjeuner tous ensemble à Meursault, ou d’autres jolis moments
(et bouteilles…) nous attendent…