La surprise passée (voir l’épisode précédent), l’histoire continue par un après-midi de promenade et de détente. Mais chacun a en tête le diner à venir. Mes bouteilles vont-elles bien se goûter ? L’ordre retenu est il le bon ? Tu crois qu’on a prévu un peu trop de rouge :)o? Comment en discuter sans qu’Arnaud entende les références ?

En bref, nous nous posons une série de questions fondamentales auprès desquelles l’existence de Dieu et l’infinité de l’Univers font bien pâle figure.
Ceci nous amène doucement vers l’apéritif.

Champagne Substance A. Selosse,
Sablés au parmesan et piment d'Espelette,
Oeufs brouillés au parmesan :

Le nez est ample et généreux. Les bulles sont assez présentes, voire un peu envahissantes. Le vin est très puissant et volumineux en bouche, sur des notes nobles d’évolution (écorces d’oranges et de fruit secs). La finale est longue et marquée par une belle acidité en finale. Un très beau vin, dans un registre un peu viril. Je l’ai déjà gouté un peu plus complexe (dégorgement avril 2007).

Champagne Krug 1985,
Velouté de châtaignes et foie gras :

Le "Substance" a clairement été une magnifique introduction au Krug. On retrouve ces mêmes arômes d’évolution, mais avec une précision en bouche, une finesse de bulle et une complexité supérieure. C’est la grande classe ! Ce vin est magnifique à boire aujourd’hui. Certes je l’estime un peu moins précis et dense que le Krug Collection 1985 gouté l’an dernier, mais finalement assez proche. Grand vin.

Riesling "Clos Saint Hune" 1982 Trimbach,
Pointes d'asperges vertes en gaspacho tranché à l'huile de homard :

Superbe nez minéral (pierre chaude). Les traces terpéniques (pétrolées) sont beaucoup moins marquées que ce à quoi je m’attendais. Il fait encore relativement jeune. Il a de plus une très belle richesse en bouche qui lui confère un très joli gras et une texture dense. Longueur et extraordinaire complexité sont au rendez-vous de ce vin qui nous a procuré un accord tripartite de première classe avec l’asperge et l’iode de l’huile de homard. Très grand vin.

Montrachet 2002 Marc Colin,
Fricassée de langoustines, bouillon au parmesan :

L’ordre de dégustation des 2 vins suivants a été l’objet de quelques discussions enflammées : d’un coté les supporters du respect de l’ordre des millésimes et de l’autre ceux qui prônent le respect des textures (du moins gras au plus opulent). Une rapide dégustation à l’ouverture révèle un Montrachet 02 assez vif et minéral et un Perrières 95 exubérant et gras. Ce sera donc l’ordre de service. Une heure de carafe plus tard, le Montrachet a gardé sont caractère vif et minéral. Sa dégustation (en compagnie du plat) fait apparaitre un vin extraordinairement long et complexe. Un vin tout en longueur et en minéralité, tranchant comme un rasoir et époustouflant de rémanence en bouche et de complexité. Grandissime ! A déconseiller absolument aux amateurs de Chardonnay mous et beurrés.

Meursault "Perrières" 1995 Comtes Lafon,
Homard rôti au beurre Bordier :

Lorsque nous revenons vers le Meursault Perrières, la superbe impression que nous avons eue à l’ouverture est un peu tempérée. Nous ne retrouvons pas la puissance et la longueur du vin. Il nous faudra s’appuyer sur le Homard et oublier la trace aromatique du Montrachet pour finalement retrouver nos sensations initiales. Il est clair que nous aurions dû permuter l’ordre de service. Cette mésaventure, ainsi que celle évoquée lors de l’épisode 1 sur la perception relative de Simone 90, Brézé 93 et Rougeots 99, illustre bien à mes yeux l’importance de l’ordre des vins et son influence sur la perception qualitative.

Château Ducru Beaucaillou 1996,

Le vin avait pour lourde tâche d’assurer une transition vers les rouges tout en introduisant le Château Margaux. Un indésirable et persistant goût de bouchon l’empêchera de remplir sa mission. Dommage, car le jus et la texture semblaient des plus prometteurs.

Château Margaux 1996,
Côte de boeuf, moëlle et champignons :

Une explosion de fruits noirs au nez ! En bouche c’est encore plus explosif! Cassis, vanille, poivron rouge. Le vin est extraordinairement dense, rond, juteux et suave tout en gardant minéralité et fraicheur. Une complexité et une longueur superlative. Il représente l’idée que je me fais d’un 100/100 à Bordeaux. Grandiose !

Château Tertre-Roteboeuf 1990,

L’attaque en bouche est plus poussive. La proximité du 1996 fait ressortir un léger manque d’acidité. Le caractère solaire du millésime se retrouve aussi dans les arômes cacaotés et confits (pruneaux). Belle longueur en bouche mais on distingue une légère sécheresse en bouche qui s’accentuera au cours de la dégustation. Nous attendions ce vin (réputé) dans un registre oriental voire baroque. Nous avons plutôt trouvé un vin certes concentré mais manquant un peu de fraicheur et d’élégance (extraction ?). Déception.

Château Latour 1971,

Dés l’ouverture, le nez qui jaillit hors du verre ne laisse aucun doute : cèdre, graphite, poivron, tout est réunis pour indiquer un Pauillac ultra-classique. La bouche confirme le registre. Le vin est moyennement corsé mais avec une belle richesse en bouche et une belle longueur. Il est très aromatique et parfaitement équilibré. L’archétype du grand vin de Bordeaux à son apogée. Superbe !

Château Lafite-Rothschild 1956,

Le premier nez à l’ouverture est assez mutique et nous inquiète un peu. La bouteille a été ouverte 2h avant. Elle a été servie en 2 fois, en ordre de service inversé afin d’homogénéiser le contenu des verres. Le second nez est beaucoup plus réconfortant, sur des arômes tertiaires de fleurs séchées et de sous-bois. La bouche est fine et délicate mais encore très persistante. Le vin n’a certes plus de tannins (ou peu) mais il évolue avec grâce dans le registre des odeurs et du parfum. Une jolie bouteille qui nous a procuré du plaisir.

Vosne-Romanée "Les Beaumonts" 1966 Charles Noëllat,
Plateau de fromages :

La transition entre Lafite et ce superbe pinot noir à maturité est facilitée par la similarité des arômes tertiaires (sous-bois, humus). Il y a cependant plus d’acidité pour le Vosne-Romanée (de par son cépage de provenance mais aussi et surtout de part son millésime d’origine) ce qui lui confère une fougue et une énergie supérieure. Belle fraicheur et superbe développement complexe pour ce vin qui évolue dans le registre des grands pinots classiques (à l’ancienne). J’ai beaucoup aimé.

Malartic-Lagravière 1947,

Dés l’ouverture, il est évident que nous sommes en présence d’un vin hors norme. Hors normes œnologiques d’aujourd’hui. Le nez est marqué par une acidité volatile assez forte qui a pour conséquence d’exacerber tous les arômes. Pour ma part je ne crains pas ce type d’acidité. La bouche est dense, concentrée, voire encore explosive. On y retrouve toute la richesse et le caractère solaire (voire confit) du millésime 47, équilibré par cette pointe de volatile. J’ai adoré ce vin que je place dans mon tiercé de tête en compagnie de Margaux 96 et Latour 71.

Suduiraut 2001,
Ispahan de Pierre Hermé :

Ce Suduiraut est assez atypique de l’image que j’ai des vins de ce domaine. Comme beaucoup de 2001, il est extrêmement riche et concentré (ananas, abricot, crème brulée) avec une belle longueur et une acidité typique du millésime. On sent qu’il a le potentiel pour aller très loin. Par contre je ne retrouve pas la trace d’amertume typique (liée au botrytis) telle que je la sens habituellement chez Suduiraut. Peut-être cela viendra-t-il avec le temps ? Très belle bouteille.

Le Tableau de chasse :

Episode final à venir.

Christophe

Le suduiraut n'aurait-il pas plu ? La bouteille est encore bien pleine !

Superbes photos -D

c'est une tuerie votre dégustation. je sais, c'est pas très constructif comme CR, mais je suis vraiment tombé à la renverse...

Très belle série(comme je les aime), très beau cr, je m'y retrouve surtout pour le Lafite, leMontrachet et le Meurault.
Salutations vineuses,

Christophe

MB écrivait:

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Le suduiraut n'aurait-il pas plu ? La bouteille est encore bien pleine !

Superbes photos -D

le Suduiraut était parfait mais comme nous sommes raisonnables 8-)nous en avons gardé un peu pour le lendemain au déjeuner...l'épisode final...:

Félicitations Xtof,

toujours au top...

Quand on vous ouvre Ducru 96 , puis Margaux 96 , qu'on sait que les protagonistes sont des virtuoses et qu'ils ont réfléchi à un ordre de service , et qu'on vous annonce qu'il reste 5 rouges à déguster , je vous laisse imaginer .........

Le Malartic 47 était un vin aussi surprenant qu'immense . De toute façon tous les vins étaient grandissimes.

4 rouges Arnaud, le Malartic était un back up que tu as "réclamé"

"il ne manque qu'un 47"

"chiche"

...

Fabien , c'est parce que j'avais mal cerné le style des 47 avec seulement le Gruaud Larose 47 du mois dernier ! ()

deux styles de vins totalement différents, deux niveaux (bouteille) totalement différents, deux messages du millésimes totalement différents...mais toujours du bonheur

Magnifique.
J'ignore qui etait au piano mais la cuisine a l'air de tres grand classe.
Cela fait plaisir a voir, et a lire. Ca devait faire plaisir a gouter
Bravo (et bon anniversaire Arnaud!)
Benji

Merci Benji . Pour le coup je vais me souvenir de mon anniversaire .
Aux fourneaux nous avions Emilie , la cuisinière virtuose complice (et inspiratrice , voir conspiratrice ) de toutes nos folies vineuses !-D

Magnifique ! Rien à ajouter ! Splendide ! Excellent ! De l'évènement à sa restitution, tout semble grandiose !

Encore joyeux anniversaire, mais fêter ainsi, il ne pouvait que l'être !

Amitiés,
Jean-Philippe

J'avais toujours voulu me procurer une bouteille de Latour 1971 pour mes 40 ans, mais avais peur des commentaires qui placaient ce vin sur la pente descendante.

Votre CR m'incite a faire une folie, tout en sachant que la variabilite entre bouteilles doit etre importante a ce stade.

Superbe CR pour une degustation qui me rappelle un peu mon 4 janvier de cette annee !

Anthony,

A titre d'information le niveau de cette bouteille était absolument parfait et venait je crois de passer quelques nombreuses années dans une cave à 12/14°, Xtof le confirmera.

Anthony,

Le niveau était dans le goulot et les conditions de garde excellentes (12° et 95% d'humidité) pour les 12 dernières années au moins. C'était ma dernière bouteille et, si j'en ai l'occasion, j'en racheterais une sans hésitation, d'autant que ces millésimes de faibles réputations sont moins chers que les récents primeurs ... et prêts à boire!

C'est un beau Latour, classique et délicieux, sans toutefois avoir la puissance d'un grand Latour. J'ai apprécié son équilibre.

Christophe

Admirable commentaire Christophe !

Une concision et une justesse à cent lieues de la logorrhée en vogue.

Un repas mémorable qui débuta à la tombée de la nuit et qui s'étira presque jusqu'aux premières lueurs du jour.

MAGNIQUE !
Joyeux anniversaire et je te souhaite encore plein de diners comme celui-là.

Gwenola

Pfff, c'est finalement assez convenu tout cela... Même pas un petit vin du Languedoc ?

Luc

Luc Javaux écrivait:

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Pfff, c'est finalement assez convenu tout cela...
Même pas un petit vin du Languedoc ?

Luc

Irouléguy, Palette, Saumur, AFS au déjeuner tout de même si c'est pas hétéroclite

Il est vrai que les propositions d'apports des différents intervenants ont conduit à privilégier Bordeaux pour cette rencontre.

Seulement 2 Bourgognes rouges en 1 week-end, c'est assez inédit pour notre assemblée de buveurs de pinot noir.

En fait il s'agissait de préparer les Foires aux Vins ...

Christophe

Pfff, c'est finalement assez convenu tout cela...

Luc,

Pas tant que cela...

Un repas chez Arnaud et Emilie sans une seule bouteille du domaine Coche-Dury est assez rare pour être souligné !

Même pas une petite bouteille de cabernet franc de Loire ? Très convenu tout ça !

philippe

Philippe,

Et pourtant un participant facétieux, assidu lecteur des échanges LPViens, avait porté de quoi faire :

Christophe

BARRET Philippe écrivait:

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Même pas une petite bouteille de cabernet franc de Loire ? Très convenu tout ça !

Philippe

on en avait mais on avait trop à boire...

Xtof!!! la Photo

C'est fait!

Xtof,
Ta qualité de plume est absolument admirable!
J'ai rarement pris un tel plaisir à lire la narration d'une dégustation.
Tes commentaires sont d'une netteté, d'une précision, d'une justesse et lisibilité telles qu'on a vraiment le sentiment d'avoir été à vos côtés.
Quant à la mise en page, cela fait des années que je cherche à la copier, malgré les conseils privés du maître, il est évident que j'en suis loin.

Vous m'excusez mais en attendant l'épisode suivant, je retourne me délecter de celui là.

FAN TAS TIQUE !

Oliv,

Merci beaucoup pour tes compliments.

A bientôt j'espère.

Christophe

"Un repas chez Arnaud et Emilie sans une seule bouteille du domaine Coche-Dury est assez rare pour être souligné !"

Charles ,

C'est de votre faute ; il y en a un qui a fait remarquer qu'il manquait un Montrachet ....je me suis senti obligé !;)X(

Et merci à tous pour vos messages de sympathie

Alors après une journée de travail ... à écouter les plaintes des uns et des autres..à tenter de soulager, se guerir même parfois...

Je lis ce Compte-rendu et j'oublie tout..un voyage magnifiquement rendu, Xtof..et dire qu'au début où je t'ai rencontré , tu ne souhaitais pas dévoiler ce talent..

Bravo à la cuisinière, les plats avaient l'air fort sympathiques...

Bravo pour cette rencontre et bon anniversaire à Arnaud, avec du retard mais le coeur y est...