Cher jérôme, je te trouves décidément bizarre en ce moment. Mais bon, puisque tu poses des questions, j'y répond.
J. Pérez écrit: "Tu ne crois pas que ta notoriété, du reste méritée, doit aussi au fait que tu connaissais pas mal de monde dans le milieu de la presse spécialisée ? "
Quelle presse spécialisée, ai je envie de dire ? La RVF ? Parce qu'à part ça, je ne vois pas. Si c'est à elle que tu penses, alors, tu n'as qu'à lire les derniers guides verts pour voir que nos rapports ne sont pas au top et que je traîne toujours une petite étoile, sans plus d'espoir de me voir attribuer une deuxième et à deux ou trois galaxies de la troisième, que je ne mérite sans doute pas. Avec en plus une sorte de comique de répétition assez moqueur ;-) A voir les commentaires des consommateurs sur LPV, la réalité semble pourtant un peu différente :-). Mais bon, je t'avoue que ça ne me fait ni chaud, ni froid, honnêtement, alors que ça m'aurait sans doute flatté il y a trois ou quatre ans.
Pourtant, c'est vrai, Antoine Gerbelle fut un client de mon restaurant, il y a fort longtemps, et je suis sans doute pour quelque chose dans sa vocation. Et oui, je connaissais Philippe Maurange avant même qu'il imagine un jour faire du journalisme. Mais vois tu, si je peux ne pas être d'accord avec eux parfois, voire les critiquer, je pense une chose, c'est qu'ils sont honnêtes, c'est qu'il n'y pas de passe droit, pas de réseau, pas de copinage. Malheureusement pour moi ;-) Tu choisis bien mal ton exemple. A vrai dire, c'est le contre exemple parfait. Les seuls articles vraiment élogieux et efficace, je les dois, depuis toujours, à des dégustations à l'aveugle, toujours au syndicat, organisées par lui, en présence des responsables. Je continue d'ailleurs à présenter mes vins, à l'aveugle, dès qu'on me le demande, ayant tout à y perdre et pas grand chose à y gagner. Le seul article qui a eu je pense de l'impact sur le DCDF, c'est un articles de la RVF qui s'appelait "les limites de la dégustation à l'aveugle" où l'équipe de la RVF expliquait que pour une fois, pour la moitié du team, j'avais fait le meilleur vin du millésime et que pour l'autre, le pire. Pour le reste, j'ai du en faire plus que les autres, et ça continu. Qui aime bien, châtie bien..
Si tu veux parler de B & D, je pense être un des seuls vignerons à les critiquer, quand ils font à mon avis des conneries, parfois publiquement. Ils ne me le reprochent pas, accepte mes avis comme j'accepte les leurs et je ne leur reproche pas de classer dans Terre de Vin la petite Sibérie 14 ou 19 ème sur 25 ou un truc comme ça, dans un de leurs numéro.
Si tu parles des autres, je t'avoue ne pas connaitre la plupart des journalistes du vin. Et dans le peu que je connais, j'en apprécie certains, tous ne me le rendant pas, à cause de mon sale caractère et de mon franc parler. Il est difficile, je l'avoue, d'être mon ami. Car je dis la vérité. C'est ainsi. Pas de regrets. Deux années de suite, j'ai fait les primeurs de Bordeaux à côté de Bernard Burstchy. On s'est vraiment accordé sur bien des points. Quelle valeur aurait une super note par lui si je n'étais par certain de sa valeur ? Il me note comme il pense devoir me noter. Bien, sans plus, ni plus ni moins souvent qu'un autre. Si il met un jour un de mes vins au pinacle, ce sera pour moi une récompense PERSONNELLE, pas un truc pour vendre plus. Tenter de le pervertir, de l'influencer, c'est d'abord la meilleure façon de se prendre un grand coup dans la gueule. C'est pour ça qu'il est crédible et que j'ai de l'estime pour lui. Mêler grands vins, business, copinage, honnêteté de la presse, est ce bien l'endroit ?
Les exemples abondent et, franchement, oser insinuer (tu insinues beaucoup, en ce moment, consciemment ou pas, ça ne t'était pas habituel) que les articles de presse du Clos des Fées seraient du à un quelconque copinage, ou à un "relationnel" franchement, ça m'étonne un peu de toi. A vrai dire, si tu savais combien d'obstacles j'ai du franchir pour passer de "journaliste" à "vigneron", tu serais étonné. Et encore plus pour être vu comme un vigneron par des vignerons. Mais bon, c'est une autre histoire et je pense qu'aujourd'hui, j'ai à peu prés réussis, du moins pour ceux que j'admire et qui m'importent.
Pour autant, ce qui m'a servi, c'est de faire marcher mon cerveau, comme le fait Philippe Modat, d'essayer de comprendre comment fonctionne la presse, quand elle goûte, quand elle vient, de leur écrire, de leur signaler des nouvelles cuvées, etc. Si son voisin ne fait rien, seulement se lamenter, je n'y peut rien et lui non plus. De comprendre que les numéros de Noël se font en septembre ou que ceux des Foires au Vin de printemps sont bouclés. Les exemples abondent mais tu as compris. Il y a dans ces journaux des rubriques pour les nouveaux venus, pourtant, beaucoup de vignerons n'envoient rien. C'est un grand mystère pour moi. Encore faut il prendre son ordinateur, écrire une lettre ou un mail, envoyer des échantilllons quand on te le demande, être au courant, ce qui est facile, de qui fait quoi. Notre ami Modat, qui n'y connaissait rien, se lance dans le grand bain et il le fait très bien. Pour ma part, aucune bouteilles offertes dans la cave de mes "amis" journalistes (si c'est ta prochaine question), jamais encore de "déjeuner de presse" ni de "voyage de presse". On y pense, au déjeuner, pour les dix ans du Clos des Fées. Mais avec un truc aussi pour les LPViens, hein ;-)
Enfin, si c'était peut-être "plus facile" pour moi, crois moi, il y avait bien, mais alors bien d'autres choses qui ont été "plus difficiles" pour moi que pour des vignerons de souche. A chacun de faire en fonction des ses talents et des dons.
Sur Daniel le Comte de Floris, tu devrais aller le voir. Avec le même courage, dans une région plus difficile que la mienne, il a tout quitté, est reparti à l'école deux ans, s'est installé avec rien et rame comme un malade. Je ne trouve pas que l'on parle bien plus que d'autres dans des revues et, toujours, suite à des dégustations syndicales ou des appels à échantillons. Je pense que tu te fais une drôle d'image du métier de journaliste et de la presse.
De toute façon, les articles ne font rien vendre, pas plus que la publicité, les néo-vignerons millionnaires qui s'y sont essayé s'y sont cassés les dents. Ce qui fait vendre, c'est la qualité de ton vin, ta capacité à faire partager ta passion, la cohérence entre ton aventure et la réalité de ce qu'il y a dans le verre, ta volonté d'aller au devant des autres, de partager, de convaincre. Si tu crois que la presse peut hypnotiser un client et lui faire acheter un mauvais vin très cher longtemps, tu es dans l'erreur.
Enfin, pour en avoir souvent parlé, un bon vigneron ne reste jamais inconnu longtemps et il est bien rare, sauf volonté du vigneron, qu'un bon reste longtemps inconnu. On peut imaginer que certains ne s'estiment pas assez reconnus, mais c'est un autre problème. Il y a sans doute, mais au bout de 3 ou 4 millésimes, un vigneron qui fait bon et met ses bouteilles devant les journalistes sort, fatalement.
Bonne soirée. Et bonne année, au fait. Ah, et au fait aussi, tu comprendras que je n'ai strictement rien à dire sur ta question sur les vins de "style Gauby" que je n'ai d'ailleurs pas comprise...