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Le Taillevent

  • François Audouze
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Quittant le Grand Tasting je rejoins mon épouse et nous arrivons au restaurant Taillevent pour un dîner de huit pour fêter un ami grand amateur de vins qui franchit la barre symbolique des cinquante ans. Il a fourni tous les vins sauf le premier et le dernier. Beaucoup seront bus à l’aveugle car il y a autour de la table de solides spécialistes des vins. Le menu a été mis au point par Jean-Marie Ancher, le directeur du restaurant, le chef Alain Solivérès bien sûr, et Jean-Philippe Durand, amateur et esthète, cuisinier de talent de surcroît.

Le menu : amuse-bouche / carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée / noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne / perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles / noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade / stilton / mandarine en fraîcheur acidulée.

Le premier vin a été apporté par Jean-Philippe Durand, un Champagne Selosse millésimé 1998. Le miel est très imprégnant ainsi que le caramel. La longueur est belle et l’ampleur de ce champagne lui donne un goût plus évolué que ce que son âge supposerait. Quelques amis ont trouvé à l’aveugle ce champagne.

Le Bordeaux Supérieur « G » de Château Gilette 1958, vin sec de cette propriété emblématique du Sauternes a une sucrosité forte associée à une grande amertume. Après avoir erré dans mes supputations dans une autre région, j’ai imaginé qu’il s’agissait du vin sec d’un sauternes. C’est une chance, car la complexité incroyable de ce vin brouillait toutes les pistes. C’est vin déroutant mais excitant du fait de son originalité extrême. Le sucré de la coquille exquise rebondit sur le vin.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Domaine François Raveneau 1978 est un vin magistral. Il combine des notes doucereuses à du litchi. Je pense à deux pistes : un Vouvray ou bien un chablis très ancien. Luc, l’ami qui nous reçoit, me pousse dans mes retranchements pour que j’accouche de Chablis alors que j’hésite. La minéralité et les agrumes m’y poussent. Ce vin délicieux, rareté historique, fait plus vieux que son âge, comme plusieurs ce soir, sans que cela nuise à son charme. L’épeautre est divin en risotto et c’est la sauce très réduite qui cajole le mieux le chablis.

Le Montrachet Grand Cru Baron Thénard 1988 est suffisamment lisible pour que nous trouvions tous sa région et sa sous-région. Mais le manque de puissance ne pousse aucun de nous à simplifier le nom de l’appellation pour ne garder que le mot le plus noble que nous attachions à d’autres : Montrachet. C’est un grand vin très subtil qui accompagne le homard époustouflant. Ce beau vin est déjà évolué.

Deux vins nous sont servis ensemble et beaucoup d’amis répondent presque instantanément « rive gauche – rive droite ». Manuel Peyrondet qui vient d’être sacré meilleur sommelier de France s’amuse de nos recherches mais vit avec respect l’expérience passionnante qui se déroule. Le Château Haut-Brion rouge 1958 a une trame très serrée et un goût fumé et de truffe intense. Comme un ami insistait sur Pauillac, je n’osais répondre Haut-Brion alors que je venais d’en goûter trois au Grand Tasting il y a quelques heures. Je m’en suis voulu d’avoir cette prudence. En revanche, je n’aurais pas trouvé le Château Ausone 1958, vin plus doux, arrondi dont j’entends mes amis parler de puissance à mon étonnement. J’ai préféré le Haut-Brion alors que beaucoup ont préféré Ausone. Ces deux vins de 1958 ont brillé sur la noix de ris de veau croquante à souhait, aux légumes à se damner.

Il est bien nécessaire de ne plus boire « à l’aveugle » pour se recueillir sur le vin qui suit. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 est le rêve absolu. Et le fait de savoir ce que l’on boit permet d’en jouir encore plus. La robe est d’un rose pâle. Le vin n’est pas tonitruant. Son nez évoque les fleurs et fruits roses. En bouche, ce sont les pétales de rose, et les fruits roses, qui sont exposés avec la puissance du son mise à son maximum. Ce vin est horizontal. C'est-à-dire qu’à chaque seconde ou dixième de seconde de son passage en bouche, chaque élément chromatique est étiré à l’infini. La plénitude en bouche est invraisemblable et la complexité infinie elle aussi. La longueur est extrême. La salinité est une signature du domaine, mais ici exposée avec la justesse d’un stradivarius. En fermant les yeux, on comprend ce qui fait la magie de ce vin et une preuve supplémentaire en sera donnée par le vin qui suit, pourtant parmi les plus grands, mais qui montre un écart spectaculaire avec ce génie. Cette remarque ne diminue en rien la beauté du vin qui va suivre, mais confirme pourquoi Romanée Conti est cette légende vivante. Le perdreau n’a pas servi de tremplin au vin qui trônait seul au firmament.

Le Musigny Vieilles Vignes Comtes de Voguë 1988 est assurément un grand vin. Riche, tout en plaisir, il a une force de persuasion extrême. Beaucoup plus puissant que son prédécesseur, il est à l’aise avec les merveilleuses noisettes de chevreuil. Dans un autre repas, c’est lui qui serait la vedette.

Le Château Rieussec 1978 est bu à l’aveugle. Sa force, sa présence, son or profond sont particulièrement brillants. Il a une densité de trame et une intensité de fruit confit qui ravissent. Le stilton est trop affiné pour que le mariage soit consommé avec le beau sauternes.

Le Château Rieussec 1958 est délicieux et la mandarine le met en valeur de parfaite façon. Nous sommes aux anges avec ce subtil sauternes à la trace éternelle dans le palais.

Manuel nous offre maintenant un Porto Quinta do Noval Colheta 1968, de l’année qui manquait dans les séries de « 8 ». Ce porto est un véritable bonbon qui se déguste comme une mignardise qu’il accompagne parfaitement.

Luc a soufflé la bougie symbolique. Nous lui donnons nos cadeaux. Tiens, comme c’est curieux, nous offrons tous des vins ! La générosité de Luc est incroyable. Son choix de vins dans une poésie numérique est d’une subtilité que seule permet sa connaissance des vins. La cuisine fut splendide et délicate, dans la lignée de l’image de Taillevent. Le service chaleureux et amical ainsi que les commentaires éclairés de Manuel nous ont permis de vivre un de ces moments de gastronomie dont on se souvient toute une vie. Une Romanée Conti 1981 et la chaleureuse générosité de notre ami impriment à jamais leurs traces dans nos mémoires.


Cordialement,
François Audouze
23 Nov 2008 18:12 #91

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François raconte, avec le talent et le style habituels que nous lui envions tous, une exceptionnelle soirée d'amitié... et de grande gastronomie avec de très grands vins. Luc, avec une immense générosité, nous a reçu merveilleusement dans ce lieu qui m'est cher, le Taillevent.
Haut-Brion 1958 présentait un nez typique de Pessac et la texture était très évocatrice d'Haut-Brion ; je lui reprocherai seulement une certaine rusticité. Ausone 1958 offrait plus de velours en bouche et une trame serrée, soyeuse, avec de la fraîcheur qui lui donnait beaucoup d'énergie (plus que de puissance).
La Romanée Conti 1981 est à la hauteur du mythe. Et François l'a parfaitement décrite : floral, baies roses mais aussi animal (ce qui fera écho à la chair du perdreau), fluide mais tellement présente, insistante, persistante, tout en finesse, en délicatesse, dans une présence sereine, avec effectivement une salinité tout à fait incroyable. Inoubliable !

Après un tel jubilé, il est temps de rendre grâce : merci à Jean-Marie Ancher, merci à Alain Solivérès et son second, merci à Manuel Peyrondet, pour toute l'attention qu'ils ont consacré à la conception de ce dîner.
Et un immense merci à notre ami Luc, grand amateur érudit et discret, qui peut nous emmener autant dans le vignoble espagnol que bourguignon, autant dans les limites de l'espace temps qu'aux confins de la théorie des nombres premiers, avec toujours la même simplicité et générosité humaine.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
23 Nov 2008 19:57 #92

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François raconte, avec le talent et le style habituels que nous lui envions tous, une exceptionnelle soirée d'amitié... et de grande gastronomie avec de très grands vins. Luc, avec une immense générosité, nous a reçu merveilleusement dans ce lieu qui m'est cher, le Taillevent.

Haut-Brion 1958 présentait un nez typique de Pessac et la texture était très évocatrice d'Haut-Brion ; je lui reprocherai seulement une certaine rusticité. Ausone 1958 offrait plus de velours en bouche et une trame serrée, soyeuse, avec de la fraîcheur qui lui donnait beaucoup d'énergie (plus que de puissance).
La Romanée Conti 1981 est à la hauteur du mythe. Et François l'a parfaitement décrite : floral, baies roses mais aussi animal (ce qui fera écho à la chair du perdreau), fluide mais tellement présente, insistante, persistante, tout en finesse, en délicatesse, dans une présence sereine, avec effectivement une salinité tout à fait incroyable. Inoubliable !

Après un tel jubilé, il est temps de rendre grâce : merci à Jean-Marie Ancher, merci à Alain Solivérès et son second, merci à Manuel Peyrondet, pour toute l'attention qu'ils ont consacré à la conception de ce dîner.
Et un immense merci à notre ami Luc, grand amateur érudit et discret, qui peut nous emmener autant dans le vignoble espagnol que bourguignon, autant dans les limites de l'espace temps qu'aux confins de la théorie des nombres premiers, avec toujours la même simplicité et générosité humaine.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
23 Nov 2008 19:57 #93

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Ce fut un diner de rêve, ce soir là au Taillevent !

Mets et vins se sont succédés dans une farandole ébouriffante qui m’a entrainé sur un petit nuage pendant toute la soirée.

Amuse-bouche
Champagne 1998 A. Selosse
Ce vin apparait assez paradoxal de prime abord. Il présente en effet une fraicheur et une tension remarquable tout en évoluant dans une gamme aromatique assez évoluée (miel, orange sanguine) sans que l’on puisse parler de caractère oxydatif à proprement parler. Il en résulte un vin gourmand qui offre une très belle persistance aromatique et prépare parfaitement la bouche au vin suivant.

Carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes
Bordeaux Supérieur "G de Gilette" 1958 Château Gilette
Le nez "sucré" du vin invite la bouche à s’attendre à du sucre résiduel. La surprise est donc grande lorsque la sécheresse et l’amertume sont en fait au rendez-vous ! Cet effet (classique sur les vins secs et âgés de Sauternes) s’estompe avec les gorgées et nous découvrons un vin d’une complexité folle qui ne cesse de changer et qui va reprendre du gras et de la rondeur au contact de la Saint-Jacques et des agrumes. Accord parfait.

Epeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées
Chablis "Les Clos" 1978 François Raveneau
Le vin est d’une densité, d’une tension et d’une longueur incroyable. Dégusté à l’aveugle, il est effectivement déroutant, tant on a tendance à oublier que ce magnifique terroir peut engendrer des vins immenses pour peu que le vigneron fut à la hauteur. Et c’est le cas de F Raveneau qui nous gratifie là d’une bouteille exceptionnelle. L’accord avec le risotto et les cuisses de grenouilles est gourmand.

Homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée
Montrachet 1988 Baron Thénard
Lorsque les cocottes lutées arrivent en salle, le silence se fait. Lorsqu’elles sont ouvertes, c’est un déferlement de senteurs qui nous envahit ! Un bonheur olfactif qui prépare idéalement le Montrachet. Le vin ne présente pas un gras très marqué. Il évolue dans un registre de tension et de minéralité, ceux-ci étant accentué par une structure acide (typique des 1988) encore fortement marquée. La longueur est tout à fait correcte et je dois dire avoir été agréablement surpris par la qualité du vin. L’accord avec le Homard est magnifique, le sucré des châtaignes atténuant l’acidité du vin. Grand !

Noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne
Haut-Brion 1958
Ausone 1958

Si l’identification des 2 rives ne fait aucun doute, c’est plus difficile pour ce qui est du vin et du millésime. Le Haut Brion présente une bouche irrésistiblement soyeuse, élégante et complexe, sur des notes de cèdre, de graphite et de fumée. J’ai cru deviner la patte de Lafite. Le fumé aurait dû me ramener vers Haut Brion. Rien ne pouvait par contre me faire deviner l’année (sauf les circonstances bien sûr) tant l’équilibre et la fraicheur du vin étaient surprenants. En comparaison, l’Ausone semble plus corsé, plus puissant, avec une sensation d’alcool un peu plus marquée. Il s’accorde certes mieux avec les ris de veau mais je lui préfère quand même Haut Brion. Il est cependant à noter que, selon Luc, c’est la première fois qu’Ausone se présentait aussi puissant. Ce vin a déjà été gouté dans un registre beaucoup plus fin et aérien. Les ris de veaux étaient excellents et la cuisson des légumes exceptionnelle, comme à l’habitude.

Perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles
Romanée Conti 1981
Le nez raconte toute une histoire à lui tout seul. On peut y passer une demi-heure tant les nuances sont subtiles et complexes. Toutes ces senteurs évanescentes de roses et de fleurs fanées se retrouvent en bouche dans un festival d’autant de petites explosions aromatiques qu’il y a de nuances. La complexité à l’état pur, doublée d’une longueur impressionnante. Le vin n’est pas puissant à proprement parler, mais il est incroyablement persistant et entêtant. Un sommet à maturité qui mérite sa réputation. La girolle et les salsifis (plus que le perdreau) ont été un bel accompagnement.

Noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade
Musigny "Vieilles Vignes" 1988 Comtes de Voguë
Il fallait un vin riche et puissant pour affronter les noisettes de chevreuil. Ce fut le cas pour ce Musigny qui commence à peine à s’ouvrir et à adoucir sa structure tannique encore assez présente. Le vin est dense, long et concentré avec un caractère sanguin marqué qui s’accorde parfaitement avec la splendide texture du chevreuil.

Stilton
Rieussec 1978
Le vin est assez classique du millésime. Moyennement riche, il offre cependant une belle texture en bouche sur des notes de fruits jaunes confits et une belle longueur. Le stilton (excellent au demeurant) se révélera un peu trop affiné pour que le mariage se fasse efficacement.

Mandarine en fraîcheur acidulée
Rieussec 1958
Ce vin est un pur régal. Il est beaucoup plus volumineux et complexe en bouche. Les arômes évoluent entre les agrumes confits et le thé fumé. L’accord avec la mandarine fonctionne à merveille et contribue à rajeunir encore plus ce vin incroyable de complexité et de subtilité.

Café et douceurs
Porto Colheita 1968 Quinta do Noval
C’est la seconde fois que je goute ce magnifique Porto. Il dispose à la fois de la complexité aromatique d’un vin évolué mais aussi d’une structure encore vive et présente qui lui confère une longueur exceptionnelle. Un grand vin.

Ce fut donc un diner de rêve, ce soir là !

Mes plus sincères félicitations à l’équipe du Taillevent pour ce diner absolument mémorable. Ce fut parfait. Rien de moins.

Mes plus sincères remerciements à toi, Luc, qui nous a reçu comme des rois. Les nombres, qu’ils soient entiers, premiers ou complexes, ne traduiront jamais la valeur de l’amitié, de la générosité et du partage.

A bientôt,
Christophe
24 Nov 2008 18:39 #94

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  • François Audouze
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Très joli compte-rendu et très précis.


Cordialement,
François Audouze
24 Nov 2008 20:57 #95

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Réponse de François Audouze sur le sujet restaurant Taillevent

Taillevent est cité dans plusieurs sujets, mais je n'ai pas trouvé un sujet sur le restaurant lui-même, même si Jean-Philippe nous en vante souvent la qualité.
Voici le compte-rendu du déjeuner que je viens d'y faire.

J’ai envie de déjeuner avec ma fille aînée, l’un des piliers du « Ginette club » en matière de vin. Elle me propose une adresse près de son bureau et m’indique le site internet du restaurant. Je lui contre-propose Taillevent. « Oui, mais Papa, c’est la crise ». Ma réponse : « c’est justement parce que c’est la crise qu’il faut soutenir les restaurants que l’on aime ». Elle n’insiste pas, mais je sens que sa proposition de modération est sincère. La magnifique salle du restaurant est remplie mais ne fait pas salle comble. Les liens que j’ai tissés avec toute l’équipe font que je me sens en famille. Ma fille ne boira pas, aussi me contenterai-je, si l’on peut dire, d’un Champagne Krug Grande Cuvée non millésimé. Nous prenons le menu judicieusement dosé.

Mon premier plat est d’huîtres Gillardeau servies tièdes au riesling pendant que ma fille prend des légumes avec des lardons et un jus de viande. Comme elle fait régime, elle laisse les lardons et me les propose. Au moment où je voudrais, telle la mouette rieuse, picorer dans son assiette, Jean-Marie Ancher intervient pour que l’on me rapporte une assiette à bonne température. La sauce, même si elle a un gramme de sel de trop est absolument divine et appellerait un beau chambertin, tant elle a de réduction.

Le plat suivant est de rougets en filets poêlés aux saveurs méditerranéennes. La chair est délicieuse et les légumes gagneraient à être moins croquants, plus dans la continuité de la chair. Par une belle synchronisation, Jean-François, jeune sommelier plein de talent dépose devant moi un verre de vin rouge sans me dire ce dont il s’agit. Ce vin est plein de talent lui aussi – par mimétisme sans doute – et expose du boisé, de la richesse, de la trame, et je vais vers Bordeaux. Il n’y a pas d’opulence, mais une force de caractère qui impressionne. Mangeant du rouget, mes souvenirs de pomerols reviennent, mais je sens que ce n’est pas cela. Au-delà, inutile de chercher et quand Jean-François me montre la bouteille de Château Haut-Brion 1993, cela semble cohérent avec mes débuts d’analyse. Il s’agit d’un vin qui sur les tentures d’une année limitée plante le décor d’un grand cru.

Tout au long du repas, le Krug s’est bien tenu, flexible comme il sait l’être, sans jouer de ses biceps qu’il a pourtant fort charnus.

Sur l’Ossau Iraty et sa confiture de cerises noires, petit caprice rituel de la maison Taillevent, on me sert un pineau des Charentes qui colle bien au plat mais le domine trop. Le croustillant au pamplemousse, sorbet à la Chartreuse est un dessert délicat que je verrais bien cohabiter avec de vieux sauternes si l’on prend soin d’expédier une nouvelle fois les chartreux en exil à Tarragone. A la table voisine, un couple d’américains octogénaires déjeunent avec une discrétion exemplaire. Quand on plante devant eux une bougie d’anniversaire de mariage, ils s’excusent presque que ce ne soit pas le cas.

Le restaurant Taillevent est une adresse où il fait bon déjeuner ou dîner, et je m’y sens bien.


Cordialement,
François Audouze
21 Oct 2009 16:14 #96

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Réponse de J Ph Durand sur le sujet Re: restaurant Taillevent

(tu) Excellente idée que d'avoir ouvert ce sujet !
Voici quelques repas entre LPViens et leurs photos :
Amitié et partage d'une même passion. Quelques vins mythiques...
Dîner en hommage à M. Jean-Claude Vrinat au Taillevent
Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Un récit de François Audouze : Dîner d'amis avec une Romanée Conti 81 et autres merveilles au Taillevent

J'y ai fêté récemment mes retrouvailles avec un ami d'enfance, camarade de lycée, qui m'a identifié, presqu'un quart de siècle plus tard, grâce à mes contributions sur LPV auquel il participe également !
Comme tu le dis, on s'y sent bien !
Nous y avons bu pour l'occasion :
Meursault - Domaine JF Coche-Dury, 1985 (probablement Narvaux)
Un vin à maturité, à boire, dans un registre tendu, fin, subtil. Sur le premier plat (langoustine royale croustillante et marmelade d'agrumes au thé vert), il n'existe pas, gêné par la puissance des agrumes qui rendent sa finale excessivement amère. Sur le bar aux cèpes (plat choisi pour ce vin), l'accord est parfait, sur les notes de champignons et d'artichaut, résonnant sur la texture ferme du bar, cristallin et évolué, présent et aérien.
Vosne-Romanée Aux Brûlées - Domaine Méo-Camuzet, 1989. Sur le ris de veau aux girolles comme sur le lièvre à la royale, ce vin rayonne. D'une jeunesse insolente, il développe les arômes bien connus de ronce, pivoine, karkadé et fruits rouges. Un jus intense et léger, vibrant, dynamique. Magnifique !

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
22 Oct 2009 12:56 #97

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Réponse de Xtof sur le sujet Re: restaurant Taillevent

Jean-Philippe,

Heureux de voir que les Brûlées se sont présentées au niveau attendu. (tu)

Christophe
22 Oct 2009 13:03 #98

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Réponse de François Audouze sur le sujet déjeuner d'amis au Taillevent

J’aime l’impromptu. Un SMS tombe sur mon portable peu après mon retour : « demain, déjeuner, Taillevent, ça te va ? ». Jean-Philippe veut que je lui raconte le récent voyage. Je demande à ma femme si elle veut être de la partie, mais elle s’est engagée vis-à-vis de notre fille. Nous nous retrouvons à deux au restaurant Taillevent. Nous sommes accueillis par un Champagne Jacquesson Sillery Grand Cru 1996. Ce champagne est un 100% pinot noir dégorgé en 2004. A l’aveugle, il ne m’évoque aucun champagne, car il se trouve que j’ai très peu acheté de vins de cette maison. Mais ce que je reconnais volontiers, c’est que le champagne est plaisant. Il est à peine dosé, à 3,5 grammes et a une belle amertume, signe de personnalité. Les affectueuses gougères, sésame de cet endroit, me font de l’œil avec insistance, ce qui permettra à Jean-Marie Ancher de faire de l’humour sur un mode gentil, quand plus tard, il fera habiller une profiterole à la façon d’une gougère.

Nous discutons avec Jean-Philippe du choix des vins et plusieurs pistes sont possibles. Je laisse mon ami proposer les solutions que nous adoptons.
Le premier vin est un Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1989. Après une abstinence vineuse de plus de 25 jours, ce vin fait briller mes yeux. Il y a une complexité, un épanouissement qui sont exemplaires. Le vin est juteux, gras, expressif. C’est du bonheur en bouche. La mise en bouche est succulente, mais nous parlons tant que j’oublie ce qu’elle est. Le consommé de bœuf, moelle et châtaignes est agrémenté d’une belle tranche de truffe noire qui fait vibrer le Bienvenues avec une efficacité remarquable. Lorsque vient la deuxième entrée, Frégola artisanale de Sardaigne cuisiné au homard et aux coquillages, l’accord est tout aussi plaisant, mais j’ai l’envie d’essayer le rouge. Il s’agit d’un Musigny Jacques-Frédéric Mugnier 1999. Le plat rétrécit un peu le vin, c’est évident, mais l’accord ne me déplait pas, iode et vin rouge trouvant en moi un écho particulier.

En fait, le territoire du Musigny, c’est le carré d’agneau des Pyrénées en croûte d’herbes, jus à la sarriette, absolument délicieux. Le vin est très intéressant, atypique car il fait explorer des gammes de goûts qui ne jouent pas sur la séduction, et c’est ce que j’aime dans les bourgognes. Ce vin va encore s’étoffer, prendre de l’ampleur. Mais avec ses dix ans bien sonnés, il commence à parler et raconter des histoires d’un grand Musigny, de belle précision et de belle longueur. J’adore ce vin qui n’a pas le charme direct du Bienvenues, mais une subtilité et une affirmation dans un registre étrange qui s’affinera avec le temps.
C’est amusant d’ailleurs de constater que le Bienvenues est dans un registre complètement connu, exécuté de façon remarquable, alors que le Musigny joue sur la surprise et l’exploration de sentiers non battus. Cette opposition de styles est un bonheur.
Après tant de jours sans vin, j’ai senti leur pesanteur pendant plusieurs heures. Mais le retour au raffinement de la cuisine française, avec la délicatesse d’une grande maison, c’est exactement ce qu’il me fallait, quand en plus, c’est avec un ami.


Cordialement,
François Audouze
28 Jan 2010 20:59 #99

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Réponse de macflo76 sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Tu recommences très fort !
Le Musigny de JF Mugnier est un vin qui ne se livre pas facilement... Même 1997, année explosive et facile par excellence, a donné un Musigny timide et obstinément fermé... Je pense par contre que la longue garde est assurée. A l'ancienne en somme !
A très bientôt...
Florent.
29 Jan 2010 10:05 #100

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Réponse de Stephori sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

François Audouze écrivait:
> Nous sommes accueillis par un Champagne Jacquesson Sillery Grand Cru 1996.

Bonjour François,

Sûr de toi sur Sillery ? Ce ne serait pas plutôt Avize ?

Bon après-midi,

Stéphane
29 Jan 2010 14:20 #101

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Comme tu es un expert en champagne, explique-moi le pourquoi de ta question.
Je te répondrai ensuite.
Car ce qui m'intéresse, c'est pourquoi cette question.


Cordialement,
François Audouze
29 Jan 2010 14:46 #102

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Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Sans doute parce qu'il ne connaît pas de cuvée Sillery chez Jacquesson, et moi non plus. Tandis que la cuvée Avize Grand Cru, on connaît.

Luc
29 Jan 2010 15:03 #103

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Réponse de Eric B sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Une explication : Sillery Grand Cru 1996 is a truly unique monocru Blanc de Noirs emanating from this historic vintage. The result of a severe selection of the finest Pinot Noir grapes from one of the greatest villages in Champagne, this wine was fermented in a single cask and vinified with Jacquesson's characteristic precision and care. Bottled without filtration, a hallmark of Jacquesson champagnes, this exclusive cuvee consists of 1,200 bottles and 90 magnums. (voir ICI )

Eric
Mon blog
29 Jan 2010 15:12 #104

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent



Que Steph ne connaisse pas Sillery, je veux bien. Il peut le dire.
Mais il ne dit pas ça : il dit : "sûr de toi ?"

Quand on dit : "sûr de toi ?", c'est qu'on sait quelque chose que l'autre ne sait pas. Et c'est ça que j'aimerais savoir : qu'est-ce que Steph connait que je ne connais pas sur ce sujet ?
Sur ce sujet, Steph se met dans la situation du professeur et me met dans la situation de l'élève.
Alors, j'attends que la professeur explique. Car je suis heureux d'apprendre.


Cordialement,
François Audouze
29 Jan 2010 17:16 #105

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Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

C'est ce que j'appelle de la susceptibilité mal placée mon cher François...

Luc
29 Jan 2010 17:20 #106

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Sûr de toi, Luc ?


Cordialement,
François Audouze
29 Jan 2010 17:36 #107

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Réponse de DarthTux sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

François,

Il faut comprendre la remarque de Stéphane comme de l'étonnement car le Sillery 1996 est un essai de vinification (pas assez concluant pour être maintenu).
Et il est normal de ce poser la question de l'existence d'une telle cuvée la première fois que l'on rencontre ce vin.

--
François C.
29 Jan 2010 17:48 #108

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Réponse de Julien Ko sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Bien content de lire ce CR car cette cuvée m'était également inconnue.
En même temps avec une production de 1200 bouteilles ca ne m'étonne pas :D

Salutations
Julien
29 Jan 2010 17:56 #109

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Réponse de Eric B sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Sauf que François parlait d'un pur pinot noir alors que l'Avize est un pur chardonnay. La confusion me paraît difficile.

Eric
Mon blog
29 Jan 2010 17:57 #110

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

J'ai eu l'occasion de rencontrer Stephori, et de mesurer sa grande compétence en champagnes.
Sa remarque m'a amusé, car dans mon texte, je cite Sillery, qui tombe rarement du chapeau comme ça, je cite le cépage, je cite le dosage et je cite la date de dégorgement.
En plus, il pourrait imaginer que je prends des photos.
Si Steph avait assemblé tout cela, il aurait eu une présomption sur la pertinence de la désignation dans mon compte-rendu. Il aurait donc eu dans ses mots le bon dosage ;)
Or il dit : "sûr de toi ? ".
ça m'a fait rire, et j'ai eu envie de savoir pourquoi il met un doute à ce que je dis.
Luc vient au secours de Stephori, qui n'est pas attaqué.
Il n'y a aucune susceptibilité mais l'envie de m'amuser sur un doute mal placé.

Si quelqu'un parle d'un vin que je ne connais pas, je lui demande des précisions et je ne lui dis pas : "sûr de toi ?". Pas de susceptibilité sur ce plan. Juste l'intérêt de comprendre pourquoi on peut me dire : "sûr de toi ?".

Darth, si tu dis que l'essai n'a pas été poursuivi, je suis étonné, car j'ai beaucoup aimé ce vin sur lequel je n'avais pas de repère. Il faut dire que 1996 est une année bénie pour les champagnes.


Cordialement,
François Audouze
29 Jan 2010 18:21 #111

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Réponse de Stephori sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

François,

Tu es apparemment le premier à faire un commentaire sur ce vin sur internet, d'où mon étonnement. Il ne fallait voir aucune prétention dans mon message.
On aura au moins appris grâce au lien d'Eric que tous les magnums ont été achetés par Aston pour le lancement de la nouvelle V8 Vantage (tous sauf un vendu lors d'une Charity Auction).

Merci pour les photos,

Stéphane
29 Jan 2010 18:44 #112

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Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Pas de doute, François est de retour...

Luc
29 Jan 2010 18:54 #113

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: déjeuner d'amis au Taillevent

Luc,
Bien vu !
Pas mécontent de revenir.
Mais ... il ne faut jurer de rien ;)


Cordialement,
François Audouze
29 Jan 2010 22:34 #114

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Réponse de Xtof sur le sujet CR: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

CR:

L’ambiance est plutôt guillerette en ce lendemain de défaite footballistique face au Mexique (Eh oui, je suis très en retard dans mes CRs!). La bande de joyeux drilles habituels s’apprête, avec enthousiasme, à écrire une nouvelle page de ses aventures oeno-gastronomiques dans cette vénérable et magnifique maison de la rue Lamennais.

Il faut dire que la séance de la veille au soir (pendant l’humiliante mais bien méritée défaite donc !) avait tenu toutes ses promesses en voyant la victoire incontestée d’un somptueux Rayne-Vigneau 1921 en toute fin de rencontre. Un vin noir, profond, encore presque crémeux mais ayant perdu la perception de ses sucres, sur des notes complexes de thé, d’épices et de crème brulée. Un grand moment.

Les choses avait pourtant commencé mollement : un méchant bouchon sur un beau blanc, une Petite Arvine 2008 Denis Mercier, certes intéressante, mais présentant un sucre résiduel significatif assez déroutant. Le Cornalin 2006 Denis Mercier sauvera superbement l’honneur du domaine par son beau jus profond et velouté. Velouté que l’on retrouve à l’envi dans ce beau Morgon Cote de Py 2009 JM Burgaud, diablement gourmand et largement commenté sur LPV.

Le premier grand moment de la dégustation fut le service à l’aveugle de ce Mouton Rothschild 1990, qualifié unanimement de vin sympa, doté d’un élevage de bonne qualité mais manquant cruellement de profondeur et de longueur. Bref pas du tout au niveau d’un 1er Cru! Rien de bien nouveau, juste une vérification à l’aveugle. Une jolie paire de Côtes de Beaune rouges Meursault Cote de Beaune 2002 Coche-Dury vs Chassagne PC Boudriotte 2002 Ramonet qui a vu le Meursault remporter la palme de la finesse et de l’élégance tandis que la puissance et la matière se trouvait dans le Chassagne, terroir oblige! Une affaire de style, les préférences étant très partagées.

Le Barbaresco Crochet-Paje 1998 Luca Roagna a, quant à lui, tenu toutes ses promesses! Un vin magnifique de finesse, de complexité et de distinction. Doté d’une suavité et d’une gourmandise exemplaires de la part d’un domaine que j’affectionne particulièrement. J’ai adoré. Tout comme le somptueux Clos Vougeot 1998 Leroy qui évolue aujourd’hui dans le registre des pinots classiques, sur des notes de sous-bois, d’humus et de champignons séchés. Une merveille de finesse et de complexité comme la grande Bourgogne nous en réserve le secret. Il était alors temps de céder la place au Riesling Wehlener Sonnenuhr Auslese 1994 Christoffel-Prüm qui allait refraichir les bouches et préparer à l’apothéose finale du Rayne-Vigneau 1921.

C’est donc l’humeur guillerette que la bande de joyeux drilles franchit la porte du Taillevent!

img10.imageshack.us/...

Gougères,
Champagne Blanc de Blanc Réserve De Sousa, BSA :

img248.imageshack.us...

La table n’est pas encore au complet. On évoque tour à tour la rareté, puis l’incompétence des taxis Parisiens. Pour gérer l’attente, la décision est finalement prise de goûter cette cuvée de Champagne blanc de blanc qui a plutôt bonne réputation. La bulle est fine et persistante. Le vin est moyennement dosé et présente une belle longueur en bouche. C’est un joli Champagne bien fait, qui remplit parfaitement sa mission apéritive.

Mise en bouche,
Artichauds poivrade cuisinés en barigoule, gambas poêlées

Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach, 1992
Riesling Altenberg de Bergheim Deiss, 2001 :


img35.imageshack.us/...

Au premier coup de nez dans le verre de Clos Sainte-Hune, l’inquiétude se lit sur les visages. Le nez est déviant, sur des notes de cartons mouillés. La matière en bouche apparait cependant plutôt belle et concentrée. Mais, peine perdue, le défaut va s’accentuer au cours de l’aération et ce goût de bouchon condamnera définitivement le vin. Le Rieling Altenberg de Bergheim de JM Deiss est alors appelé à la rescousse. Malgré un millésime plus jeune, sa robe est plus marquée que celle du Sainte-Hune. Il présente un très joli nez de fruits jaunes qui évolue doucement vers des notes de pommes chaudes. Les arômes en bouche évoquent aussi les pommes cuites, trahissant un début d’évolution. La perception de sucre en bouche est relativement marquée, surtout en comparaison du vin précédent. La longueur et la complexité sont au rendez-vous mais personnellement j’aurais aimé moins de sucre résiduel et plus de pureté dans le vin.

Vapeur de foie gras de canard, petit pois mentholés
Meursault-Perrières JF Coche-Dury, 2007,
Bienvenues-Bâtard-Montrachet Louis Carillon, 2007


img709.imageshack.us...

Les 2 vins sont servis en semi- aveugle (étiquettes connues mais ordre de service inconnu) et la comparaison des nez offre déjà de bonnes indications : arômes grillés et fumés pour le premier, notes de noisettes et de beurre frais pour le second. La comparaison des bouches permet de distinguer clairement les appellations : Le Perrières est tout en tension, pur, tendu, minéral et complexe. Le Bienvenues-Bâtard affiche la classe de son pédigrée par un supplément de densité, de richesse et de profondeur. Les 2 vins offrent la même pureté cristalline conférée par le millésime. 2 vins absolument remarquables, quasiment impossible à départager. Moment magnifique !

Mignon de veau de lait de Corrèze rôti aux girolles,
Pauillac Château Grand-Puy-Lacoste, 1988
Saint-Estèphe Château Cos d’Estournel, 1988 :


img715.imageshack.us...

La robe du Grand-Puy-Lacoste semble plus claire et évoluée que celle du Cos d’Estournel. L’impression se confirme en bouche. Le GPL offre un joli nez classique de fruits noirs, de cèdre et de fumé. Il garde une belle fraicheur en bouche mais commence à afficher une pointe d’évolution qui lui confère quelques arômes de sous-bois. Longueur et complexité sont au rendez-vous de ce beau vin gourmand. Le Cos apparait beaucoup plus concentré et massif au même stade. Sur des arômes de fruits noirs et de graphite, il a besoin de beaucoup s’aérer pour affiner sa structure imposante et sa complexité. Très long en bouche. Grand vin qu’il convient de garder encore en cave.

Gigot d’agneau des Pyrénées rôti au cumin aux saveurs orientales,
Côte-Rotie La Mouline Guigal, 1988,
Châteauneuf du Pape Rayas, 1988 :


img341.imageshack.us...

Notre revue du millésime 1988 continue avec ces 2 monuments, références de la vallée du Rhône que sont La Mouline et Château Rayas. Les 2 nez sont des modèles du genre ! Fruits rouges et violette pour le premier, épices douces évanescentes pour le second. Aucun risque de se tromper. On pourrait y passer des heures tellement la palette des arômes est riche, subtile et complexe. A ce petit jeu, Rayas (à priori mon chouchou) part avec une petite longueur d’avance, mais je dois bien avouer que la marge est beaucoup plus faible que je ne pouvais l’imaginer. A la dégustation, La Mouline offre une texture, une profondeur et un soyeux absolument exceptionnels. On se rapproche de la perfection de La Mouline 1985. C’est long, gourmand, vibrant et extraordinairement exubérant. J’adore. Le Rayas offre un profil un peu plus austère de prime abord (nous craignions qu’il ne fut pas encore prêt, 1988 oblige) mais il s’est très bien ouvert et a installé rapidement sa magie en bouche pour nous offrir finalement sa queue de paon aromatique classique : épices douces, herbes séchées & boite à cigare. Le bonheur ! 2 vins absolument grandioses que j’ai été incapable de départager ce jour là!

Croutillant d’abricots rôtis,
Mignardises,

Sauternes Suduiraut Crème de Tête, 1989
Sauternes La Tour Blanche, 1967 :


img202.imageshack.us...

Château Suduiraut n’a sorti sa cuvée Crème de Tête qu’en 1982 et 1989 lors de la décennie 80. C’est un vin qui offre une robe déjà bien évoluée, marquant la richesse de la cuvée et son caractère légèrement confit. La qualité magnifique des amers (issus du botrytis) permet d’équilibrer la sensation gustative en bouche et offre une superbe rémanence aromatique! J’ai adoré l’accord avec la glace à l’abricot. En comparaison, La Tour Blanche 1967 possède une robe d’une jeunesse incroyable compte tenu de son âge. Le vin est vif, alerte et droit, tout en ayant conservé une belle sucrosité. Complexité, pureté, tension et longueur sont au rendez-vous de cette cuvée surprenante et remarquable.

Le café,
Cognac Petite Champagne Vieille Réserve de Paradis, Guy Lhéraud :

img709.imageshack.us...

Une magnifique eau de vie qui ne laisse aucune sensation de brûlure d’alcool ! La marque d’un élevage parfaitement maitrisé, avec la complicité indispensable du temps ! Longueur, finesse et complexité sont au rendez-vous et nous retiennent bien trop tard dans cette belle maison.

Il est tard! On dresse déjà les tables pour le dîner! Et si on restait?

Christophe
17 Juil 2010 01:30 #115

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Réponse de dfried sur le sujet Re: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

Bonjour Xtof,

Merci pour cet alléchant récit, qui fait regretter l'éloignement.

Amicalement,
dfried
17 Juil 2010 03:10 #116

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  • François Audouze
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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

Quel beau repas !
Et les photos montrent une cuisine exquise.
L'accord foie gras avec les deux blancs a dû être extrême (ce qui n'enlève rien aux autres accords, mais celui-ci est extrême).

J'ai bu récemment La Tour Blanche de 98 ans plus vieille que la votre qui fait partie de mes plus beaux souvenirs de sauternes.

Encore une fois bravo.


Cordialement,
François Audouze
17 Juil 2010 12:48 #117

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Réponse de monlogin99 sur le sujet Re: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

Qu'est ce, cette chose blanche, sous la tranche de gigot d'agneau, à gauche de ce que je pense être une fève ?
17 Juil 2010 13:48 #118

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Réponse de DidierT sur le sujet Re: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

Magnifique comme toujours (tu) Bravo.

Ayant des Clos St Hune 92, j'espère quelles ne seront pas toutes comme la votre :(

Amitiés,
Didier
17 Juil 2010 14:26 #119

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Réponse de Julien Ko sur le sujet Re: Quelques joyeux drilles au Taillevent !

On peu dire que ca ne rigole pas chez vous ::o

Superbes accords encore une fois, et merveilleux récit.

Salutations
Julien
17 Juil 2010 16:05 #120

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