Nous avons 2259 invités et 11 inscrits en ligne

Le Taillevent

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018

Réponse de RaymondM sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Je reviens sur ce repas qui pourrait sembler impressionnant, car je n'ai pas parlé de son extrême digestibilité .Et ce n'est pas rien !

Cet argument trop souvent utilisé par les marchands de vent et d'esbrouffe pour cacher leurs insuffisances et plaire aux mannequins faméliques, devient entre les mains d'un Solivérès la qualité ultime, celle qui permet de planter le drapeau sur le sommet et d'apercevoir le sixième ciel ;)!

Je me revois sortant du Taillevent incroyablement léger et ce n'était pas seulement le bonheur:)
12 Nov 2007 21:06 #31

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Guest
  • Portrait de Guest
  • Visiteur
  • Invité
Cheval blanc 1982: prodigieux, mais( petit clin d'oeil à LaurentG) 19,5 pas 20

Pour en avoir parlé autour des syrahs chez l'ami Fabrice, note plus faible pour Xtof, non ?;)
13 Nov 2007 12:23 #32

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2990
  • Remerciements reçus 1

Réponse de charlesv sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Christophe nous avait prévenus : il a un petit problème avec Cheval Blanc 1982. :S

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
13 Nov 2007 13:31 #33

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1161
  • Remerciements reçus 38
Problème est un bien grand mot pour un vin d'un tel niveau ... :D

Disons seulement qu'il s'agit d'un vin unanimement célébré, 100/100 parkerisé mais que, si je lui reconnais une superbe finesse, longueur et complexité (c'est indéniablement un grand vin), je continue de penser qu'il manque, à mon goût, de profondeur, d'explosivité et de trame serrée.

En 1982, je continue à lui préférer Latour, Lafite et Las Cases (jamais gouté Mouton ni Petrus).

Je pense que c'est plutôt le style Cheval Blanc qui j'apprécie moins ... Question de goût. Je ne suis pas parfait :)

Christophe
13 Nov 2007 15:04 #34

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2990
  • Remerciements reçus 1

Réponse de charlesv sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

En 1982, je continue à lui préférer Latour, Lafite et Las Cases (jamais gouté Mouton ni Petrus).

Tu oublies Ducru 1982 !:?

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
13 Nov 2007 15:42 #35

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1161
  • Remerciements reçus 38
charlesv écrivait:
> Tu oublies Ducru 1982 !:?

Charles,

Tu es bien provocateur ce soir ;)

J'aime Ducru 82 mais je lui préfère Cheval Blanc 82 ...
13 Nov 2007 17:15 #36

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 922
  • Remerciements reçus 53

Réponse de LEGOFFE sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

bonjour à tous,
magnifique compte-rendu qui m'a fait saliver et imaginer au plus près de mon palais
les saveurs des photos...
bravo pour ces choix royaux!
repas parfaitement digestible, Raymond où vous êtes sortis presque légers..celà dit le porte monnaie aussi devait être léger....vu les calibres et l'endroit mais surement un souvenir inoubliable!
amities
bertrand
13 Nov 2007 18:16 #37

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2990
  • Remerciements reçus 1

Réponse de charlesv sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Christophe,

Je suis taquin... Pour me faire pardonner, j'ai prévu un blanc de derrière les fagots pour jeudi soir : nous devons en effet poursuivre notre laborieuse étude en cours ! B)-

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
13 Nov 2007 18:33 #38

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018

Réponse de RaymondM sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Bonjour Bertrand,

Pour ceux qui veulent entrer dans le monde de la grande cuisine, je recommande le menu dejeuner (en semaine seulement) à 70€.
Au dessus il y a un exceptionnel menu dégustation à 140€ qui comporte plusieurs des plats que nous avons eu à notre menu.
Pas à la portée de toutes les bourses mais loin des tarifs d'autres étoilés parisiens.
Et ne vous y trompez pas ,ces 2 étoiles en valent toujours 3 !
Si on veut faire une folie une fois dans sa vie, c'est là qu'il faut aller!
Et si on n'aime pas c'est qu'on est mûr pour aller manger chez "El Bulli":)

Amitiés
Raymond
13 Nov 2007 18:38 #39

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 26208
  • Remerciements reçus 1388

Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Et pour 140 €, les vins présentés sur les photos sont compris ? ;)

Luc
13 Nov 2007 19:01 #40

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018

Réponse de RaymondM sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Non Luc, mais tu sais très bien qu'il ya tout un tas de petits vins qui valent largement ces étiquettes:D :D
13 Nov 2007 19:21 #41

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 26208
  • Remerciements reçus 1388

Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Certes, mais je ne suis pas certain qu'ils sont à la carte au Taillevent...
On peut apporter ses bouteilles de Grands Chênes 2004 pour dejeûner ? :D

Luc
13 Nov 2007 19:26 #42

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1361
  • Remerciements reçus 0

Réponse de J Ph Durand sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Détrompe-toi, Luc, à la carte du Taillevent figurent aussi des vins non prestigieux, des vins d'amateurs, facturés amicalement : Selosse, Berlioz, Tissot, Seppi, Dom. de Leccia, Alquier, VdP de Cuilleron ou Gérin, etc... à partir de 28 euros ! ;)

JPh

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
13 Nov 2007 21:34 #43

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • milleret jean luc
  • Portrait de milleret jean luc
  • Hors Ligne
  • Cet utilisateur est bloqué
  • Enregistré
  • Messages : 3956
  • Remerciements reçus 2

Réponse de milleret jean luc sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

"""Je suis taquin... Pour me faire pardonner, j'ai prévu un blanc de derrière les fagots pour jeudi soir : nous devons en effet poursuivre notre laborieuse étude en cours ! ""

Charles - Xtof , ne pas oublier de conserver une " lichette " pour le " laborieux " ...qui doit vous rejoindre samedi soir ( j'aimerais bien réussir l'examen final :(... mais j'ai peur de ne pas résister à ne pas toucher au Montrachet 99 Lafon au cours du trajet Chambéry - Beaune :P
13 Nov 2007 22:37 #44

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • François Audouze
  • Portrait de François Audouze Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 14159
  • Remerciements reçus 11

Réponse de François Audouze sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Raymond,
On peut aimer et Taillevent et Veyrat et El Bulli et Guy Savoy et tous les grands !

Luc,
M. Vrinat a une connaissance des vins très approfondie et explore une quantité très large de vins dont certains sont très peu chers. C'est l'effet de la Cave Taillevent.

Tout ça fut fort beau. Bravo messieurs.


Cordialement,
François Audouze
14 Nov 2007 02:00 #45

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1161
  • Remerciements reçus 38
milleret jean luc écrivait:
> .. mais j'ai peur de ne pas résister à ne pas toucher au Montrachet 99 Lafon au cours du trajet Chambéry - Beaune

Je vois avec plaisir (et concupiscence:D) que tes réticences interrogatives au sujet du domaine ont favorablement évolué ... ;)

Christophe
14 Nov 2007 09:25 #46

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2990
  • Remerciements reçus 1

Réponse de charlesv sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

concupiscence

Christophe,

Moi qui te tenais pour un être contemplatif...:D

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
14 Nov 2007 09:46 #47

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2953
  • Remerciements reçus 4

Réponse de arnaudm sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

milleret jean luc écrivait:
> .. mais j'ai peur de ne pas résister à ne pas toucher au Montrachet 99 Lafon au cours du trajet Chambéry - Beaune

C'est de la sur-enchère !?X(
Si c'est cela il faut que je revois ma copie !:?(tu)

"Mes goûts sont simples : je me contente de ce qu'il y a de meilleur ". O.Wilde
14 Nov 2007 12:01 #48

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1161
  • Remerciements reçus 38
Charles,

Cistercien! Contemplatif cistercien! :D

Ta sagacité m'impressionne!
14 Nov 2007 12:26 #49

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2990
  • Remerciements reçus 1

Réponse de charlesv sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

Cistercien! Contemplatif cistercien !

Je traduis : Christophe apporte à Beaune pour samedi soir un Cîteaux de chez Q... !

Il se contentera de l'observer pour incorporer virtuellement son essence ! (:P)

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
14 Nov 2007 13:19 #50

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018

Réponse de RaymondM sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

François Audouze écrivait:
> Raymond,
> On peut aimer et Taillevent et Veyrat et El Bulli
> et Guy Savoy et tous les grands !
>


Bien entendu François!
Mais il me semble impossible de ne pas aimer la cuisine du Taillevent et si c'est le cas , c'est que nous n'avons pas à faire aux vrais gastronomes hédonistes et gourmands, mais plutôt à ceux ou celles qui laissent la moitié de leur assiette ou de leur verre de Chambertin :).
Ceux là seront sans doute plus sensibles à la primeur de l'innovation qu'à la saveur des mets.

Raymond

PS-Vu la qualité du "Commandaria Centurion" ( plus à mon goût que tous les Mas d'Amiel que j'ai pu boire par ex ! ) , j'imagine le niveau des vieux Commandaria dont tu nous parles de temps en temps !
14 Nov 2007 19:39 #51

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • milleret jean luc
  • Portrait de milleret jean luc
  • Hors Ligne
  • Cet utilisateur est bloqué
  • Enregistré
  • Messages : 3956
  • Remerciements reçus 2

Réponse de milleret jean luc sur le sujet Re: Les amis de Jongieux se retrouvent au Taillevent

""PS-Vu la qualité du "Commandaria Centurion" ( plus à mon goût que tous les Mas d'Amiel que j'ai pu boire par ex ! ) , j'imagine le niveau des vieux Commandaria dont tu nous parles de temps en temps !

Je veux bien déguster l'un de ces petits "vieux " pour notre prochaine rencontre de Roanne !! ::o

Je suis encore sous le charme de ce magnifique Commadaria Centurion ...

Thien ....tu n'oublies pas notre commande !!!
14 Nov 2007 21:16 #52

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • François Audouze
  • Portrait de François Audouze Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 14159
  • Remerciements reçus 11
Joseph, un ami canadien, voulait fêter ses cinquante ans au restaurant Taillevent dont il est familier, et que j’organise le dîner. Il m’avait demandé de livrer mes vins plus de cinq mois à l’avance pour que l’on puisse déterminer si un long repos dans la cave du restaurant Taillevent apporte un équilibre supplémentaire.

J’arrive à 17 heures pour ouvrir les bouteilles. La plus grande surprise vient du Laville Haut-Brion 1948. Le bouchon a baissé dans le goulot de six à sept millimètres et le volume libéré est occupé d’une poussière terreuse noire comme du charbon. L’odeur est de terre de cave. J’époussète cette abondante poudre noire. Mais ce qui mérite la remarque, c’est qu’un centimètre plus bas le bouchon est élastique, plein, jaune liège, ignorant ce qui s’est passé un étage plus haut. Le nez du vin est incertain. L’oxygène va sans doute le réveiller. D’autres odeurs sont poussiéreuses, mais je sais que le retour à la vie est assuré. En découpant la capsule du Clos du Pape 1924, je constate qu’un peu de liquide a suinté vers le haut. Je sens. C’est un caramel pur et insistant qui envahit mes narines et je le signale à Alain Solivèrès lorsque je le salue. La plus belle odeur est celle de La Tâche 1955 et la plus motivante pour moi est celle du Nuits Cailles 1915 toujours présent aux rendez-vous que je lui donne.

Joseph et son épouse Elizabeth ont constitué une table de douze dont je ne connais que trois personnes. L’Italie, le Canada, les USA sont représentés, mais aussi Paris et Besançon. Jean-Claude Vrinat toujours souriant nous a fait l’honneur de nous attribuer le magnifique salon du premier étage que je considère comme le plus beau salon où l’on peut dîner à Paris, avec ses lambris délicats du 18ème siècle. Une petite table pour deux a été ajoutée car Victoria et Henry, les deux jeunes enfants de Joe, habillés comme des princes, vont avoir un petit dîner, proches de nous, avant qu’une nurse ne les reconduise chez eux. C’est touchant et charmant. Henry aime le champagne. Ouf, je suis sauvé !

Le Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955 fait partie de ces bouteilles que j’ouvre avec émotion. Il y a tant de bouteilles dans ma cave que je pourrais être indifférent à sortir des exemplaires uniques comme le Clos du pape 1924 que nous boirons plus tard. Mais il y a aussi des bouteilles qui me tiennent à cœur plus que d’autres, comme le Moët 1945 que nous avons bu au château d’Yquem avec Joe, et comme ce champagne que je chéris et que j’aurai sans doute du mal à remplacer. Ce soir, les vins que j’ouvre avec plus d’émotion que d’autres sont ce champagne et le Nuits Cailles 1915, car son stock se tarira forcément un jour. C’est le deuxième que j’ouvre à une semaine d’intervalle, comme l’Anjou 1928.
Le Dry Monopole 1955 a une belle couleur où le jaune a encore des reflets citronnés. La bulle est présente mais sans grande force. Le goût m’évoque instantanément le miel quand une convive voit des fruits jaunes qui apparaîtront plus tard à mon palais. Ce champagne est éblouissant. Il a un bel équilibre, une longueur ravissante, et des saveurs qui entraînent sur des chemins inexplorés pour beaucoup. Notre groupe est conquis par ce grand champagne émouvant, qui remet en cause toutes les idées reçues sur l’âge optimal d’un champagne.

Nous passons à table et voici le menu, créé sous l’autorité de Jean-Claude Vrinat par Alain Solivérès :
Rémoulade de tourteau à l’aneth, crème fleurette citronnée
Epeautre du pays de Sault en risotto aux champignons
Viennoise de sole, boutons de guêtre et vieux comté
Palombe rôtie aux légumes d’automne caramélisés
Tourte de lapin de garenne au genièvre
Cristalline aux coings, glace au riz au lait
Croustillant au chocolat et aux fèves de Tonka.
C’est un menu élégant, équilibré, où l’on sent que la cause des vins anciens a été prise en compte. Mais voyons plutôt.
Le Dry Monopole 1955 va s’amuser d’une crème de potimarron qui lui fait décliner d’autres facettes. J’explique à mes convives combien les grands champagnes sont flexibles et compagnons d’audaces gastronomiques.

Le Vouvray sec, clos de Nouys, domaine Maurice Audebert 1966 est pour moi une plaisante surprise. Le vin est jeunet mais sage, équilibré, d’une belle acidité, et sa région serait introuvable si je le dégustais à l’aveugle. Ce n’est qu’en fin de verre que je trouverai quelques indices qui le rattachent à son terroir. L’accord est époustouflant. Le radis qui coiffe le tourteau fait ressortir un goût fortement poivré du Vouvray et chacun peut mesurer à quel point le vin améliore le plat et le plat améliore le vin, ce qui est la définition d’un grand accord. Ce Vouvray constitue pour moi une divine surprise.
Je suis toujours servi par le sommelier des premières gouttes d’une bouteille, pour vérifier le vin. Comme j’ouvre les vins et laisse la bouteille verticale, la part du vin qui a été le plus longtemps proche du bouchon m’est servie en premier. C’est la plus ingrate. Aussi quand j’annonce à tous que le Château Laville Haut-Brion 1948 est fatigué, tout le monde me demande ce qui justifie cet avertissement. Et je verrai que les votes vont me donner tort. Mais ce n’est quand même pas le beau Laville que j’adore. Couleur dorée, saveur de Graves, c’est un vin à la palette aromatique plus large que le Pinot Gris Réserve spéciale, Schumberger 1953 qui est servi en même temps. Vin beaucoup plus joyeux et arrondi que le Laville, j’ai tendance à le préférer, contrairement à l’avis de la table. J’aime sans doute que ce vin simple s’exprime avec bonheur ce soir, car cela fait partie des achats de hasard qui foisonnent dans ma cave, cette bouteille étant unique et sans possibilité d’un nouvel essai, sauf improbable bonne pioche. L’épeautre est délicieux et confirme comme pour le premier plat qu’un goût simple, homogène et lisible est indispensable pour l’harmonie des vins anciens.

Le Vin d’Arbois Vigne de Pasteur 1968 est émouvant à plus d’un titre. La parcelle de vigne qui appartient à la famille de Pasteur est vinifiée par Henri Maire, gratuitement, et le vin n’est pas vendu mais réservé à la famille et à des scientifiques travaillant dans la recherche. Ces bouteilles ne sont accessibles que lors de successions et le premier vin que j’ai bu fut partagé avec l’une des descendantes d’Henri Maire. La vinification spéciale rend ce vin incomparable à tout autre. Je le bois avec émotion. La chair de la sole et le clin d’œil du comté sont très adaptés à ce vin légèrement fumé, gêné par un infime petit goût de bouchon qui disparait très rapidement. Mais la sauce est l’ennemie de ce vin, trop forte, trop typée homard, qui l’effarouche. Boire ce vin, c’est s’approprier un atome d’histoire. Les bisontins présents en éprouvent la sensibilité.

Sur la palombe, Marco, le sommelier chef qui fit une prestation remarquable nous présente ensemble deux vins. Le Château Latour 1957 a une couleur d’une jeunesse incroyable. Comment est-ce possible d’avoir ce rubis intense pour une bouteille de la cave Nicolas que j’ai dans la mienne depuis trente ans peut-être, et qui a un niveau dans le goulot ? A côté, La Tâche, domaine de la Romanée Conti 1955 a une couleur pâle, frêle, un peu marquée par l’âge. Je sens le sel dans La Tâche ce qui laisse sceptique une convive qui en conviendra plus tard lorsque le Nuits Cailles fera ressortir le caractère salin de La Tâche. Ce vin du domaine de la Romanée Conti a un charme imprégnant. Mais je lui trouve une petite fatigue, encore plus accusée par la brillance du Latour que l’on n’attendrait jamais à ce niveau pour un 1957. Quelle race, quelle construction. Un vin brillantissime. Et la juxtaposition d’un bordeaux et d’un bourgogne sur le même plat me plait énormément car les vins sont tellement dissemblables qu’il ne sert à rien de les comparer ou d’en préférer un. Je jouis de l’exposé de ces différences, comme je l’avais éprouvé la veille au restaurant d’Alain Senderens. Malgré mon amour pour les vins du DRC, c’est la performance du Latour 1957 qui me séduit.

Le Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915 est vraiment mon chouchou absolu. Sa couleur intense donne un coup de vieux à son cadet bourguignon de quarante ans. Le nez est envoûtant et en bouche, c’est la perfection de la Bourgogne qui nous ensorcèle. Il y a autour de la table de grands amoureux de la Bourgogne. Ils sont conquis par ce vin chaleureux, structuré, sain, joyeux, qui est d’une précision exemplaire. Tant d’idées sur les vins anciens tombent avec ce vin, que la table est secouée dans ses préjugés. Et je me demande comment il est possible que ce Nuits soit toujours aussi parfait chaque fois que je l’ouvre. Une réussite incroyable. En croquant la première bouchée de la tourte de lapin extrêmement virile, je me suis demandé si le Nuits subirait le choc de ces saveurs lourdes mais passionnantes. Un tel plat attendrait des vins puissants du Rhône. Mais le Nuits s’en sort remarquablement. La sauce lourde est ici totalement justifiée car le plat la demande. L’accord se fait bien, d’un mutuel consentement.
Nous quittons maintenant le monde des rouges pour celui des vins doux et trois vins ambrés vont s’aligner devant nous. La couleur de mangue ou de pèche jaune de l’Anjou Caves Prunier 1928 fait plaisir à voir. L’ambre du Clos du Pape Fargues Sauternes 1924 est sombre mais joyeux. Le Château Lafaurie-Peyraguey Sauternes 1964 fait clair et jeune par rapport à ses aînés. Le nez de l’Anjou est très curieux, multiforme, avec des feuilles vertes qui se mêlent au citron. Une forte impression de litchi envahit la narine. Le Clos du Pape a le nez brillant d’un sauternes épanoui où se déclinent le pamplemousse et la mangue. Le Lafaurie a un nez discret de vin puissant. En bouche, c’est pour moi le Clos du Pape qui survole de loin. L’Anjou 1928 est moins brillant que l’Anjou Rablay 1928, lui aussi des caves Prunier que j’ai ouvert il y a une semaine chez Pierre Gagnaire. Je pense même qu’il y a une légère déstructuration dans ce vin. Le Clos du Pape a perdu l’initiale évocation de caramel pour être plus mangue et l’association avec les coings est absolument divine. La carapace croustillante aurait dû se marier à ce 1924, mais c’est le coing qui est captivant. La présence du Lafaurie-Peyraguey 1964 à côté du 1924 vérifie le théorème que je lance toujours comme une boutade, mais qui est une vérité immuable : « toute personne qui n’a jamais bu de sauternes d’avant 1935 n’a jamais rien bu ». Car le Lafaurie généreux, goûteux, puissant serait joli tout seul. Mais il est infantile à côté du 1924 et trop simple par rapport au flamboiement langoureux de ce vin de 83 ans.
Nous allons vivre maintenant l’un de ces accords qui font date. Le dessert au chocolat est une merveille. Et l’on sait qu’avec le chocolat, l’accord se fera avec du Maury ou avec un alcool brun. Le Vin de Massandra, Collection Massandra (19°) 1953 que j’ai acheté avec un lot de ces vins multiformes de Crimée possède des étiquettes nombreuses et fort bavardes. Mais comme tout est écrit en cyrillique, c’est comme si nous buvions à l’aveugle, car les vins de Massandra ont exploré une impressionnante quantité de cépages. Alors, que trouve-t-on ? Une couleur foncée mais sans la densité d’un porto. Un nez étrange, énigmatique ou furtivement je ressens les effluves de vins médicinaux. En bouche, on est avec une grappa sans la charge alcoolique. C’est très alcool. Et je perçois immédiatement une caractéristique chère à mon cœur : la réglisse. Et ce vin indéfinissable, qui tient de la grappa mais aussi de vins mutés assez doux dont l’alcool ressort s’accorde au chocolat d’une divine façon. C’est voluptueux. Mon palais est celui des festivals, celui dont des stars aux courbes violentes gravissent les marches pour susciter mille rêves de folies. Il y a un mariage d’une sensualité exacerbée qui restera gravé dans ma mémoire car on transcende les deux accords classiques du vin ou de l’alcool sur du chocolat.

Vient le moment des votes. Au risque de me répéter, je prends ces votes avec un plaisir profond et une fierté certaine. Car j’ai apporté douze vins de sept régions différentes et j’ai demandé aux douze votants de désigner quatre vins qui sont leurs préférés sur les douze de cette soirée. S’il y avait quatre vins qui sortent du rang, quatre succès assurés, les votes seraient concentrés. Or onze vins sur douze ont figuré dans les votes. C’est un immense encouragement pour moi à explorer des vins disparates, parfois inconnus et peut-être disparus de toutes les caves. Le seul vin qui n’a pas eu de vote est le Pinot Gris 1953 de Schlumberger que j’ai pourtant trouvé fort bon, et des vins que j’ai estimés en sous performance par rapport à ce qu’ils pourraient être ont eu des votes, comme le Laville Haut-Brion 1948, l’Anjou 1928, La Tâche 1955 ou le vin d’Arbois 1968.
Quatre vins ont eu l’honneur d’une place de numéro un, le Nuits Cailles 1915 quatre fois et le champagne Dry Monopole 1955 quatre fois aussi. Le Clos du Pape 1924 a eu trois votes de premier et le Latour 1957 un vote de premier. Le vote du consensus serait : 1 - Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915, 2 - Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955, 3 - Clos du Pape Fargues Sauternes 1924, 4 – Château Latour 1957.
Mon vote a été :
1 - Nuits Saint-Georges « Les Cailles » Morin Pères & Fils 1915,
2 - Clos du Pape Fargues Sauternes 1924,
3 - Château Latour 1957,
4 - Champagne Dry Monopole, Heidsieck en Magnum 1955.

Ce n’est pas fréquent que le vote du consensus et le mien portent sur les mêmes vins, dans un ordre différent.
Joe me demandant si le séjour prolongé en cave de mes vins apportait quelque chose, je dus lui dire que tant de facteurs jouent sur la performance d’un vin que le passage en cave n’influence que les décimales.
Taillevent a fait comme à son habitude une prestation de grande qualité. Le service efficace, la gentillesse de Jean-Claude Vrinat, le menu bien ordonnancé qui a produit quelques accords rares, le salon de toute beauté, tout cela portait au bonheur. Mais ce fut l’ambiance de la table qui a fait de ce dîner un moment d’une intensité exceptionnelle. Ce fut un dîner enthousiasmant.


Cordialement,
François Audouze
23 Nov 2007 22:06 #53

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018
Magnifique repas dans cette grande maison !

François, avec le recul , nous apprécions encore un peu plus le très grand plaisir que tu nous a offert en janvier 2006 avec ce NSG "Les Cailles" 1915 qui parait vraiment inaccessible à la moindre faiblesse !
Tu as l'air de trouver ça normal mais c'est quand même étonnant !:)
23 Nov 2007 23:49 #54

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • François Audouze
  • Portrait de François Audouze Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 14159
  • Remerciements reçus 11
Raymond,
Je dis : "Et je me demande comment il est possible que ce Nuits soit toujours aussi parfait chaque fois que je l’ouvre. "
Car je suis époustouflé de voir qu'il est toujours au rendez-vous.
C'est plutôt miraculeux.
Ce qui fait que lorsque des gens doutent de l'intérêt des vins anciens, je le sers, avec une probabilité grande que ce soit bon.
Lorsque Marc Squires qui gère le forum de Robert Parker est venu dîner avec moi, j'ai servi ce Nuits Cailles 1915 et un Chambertin 1913 de la même cave, avec une forte chance de succès.
Marc a aimé ces vins. mais comme il n'aime pas les vins anciens, j'ai peu changé sa vision, malgré la preuve évidente qui était faite (un peu comme avec certains LPViens). 8-)
Mais tu sais, même moi ça me surprend que ce soit aussi bon, car les bouchons sont d'origine, les niveaux sont hauts, ce qui prouve une cave sans aucun défaut.
En ce moment j'accèlère leur consommation, car je veux tous les boire avant qu'ils n'aient un problème.


Cordialement,
François Audouze
24 Nov 2007 00:25 #55

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 1361
  • Remerciements reçus 0
Superbe compte-rendu d'un magnifique repas dans cette maison que j'affectionne autant que toi, où il fait bon s'attabler. Je vois que tu as aussi apprécié le remarquable travail du chef sommelier.

Effectivement, il faut savoir boire un vin quand il est à son apogée, non théorique mais selon notre appréciation gustative. Pour un vin de 1915, on a un peu de moins de scrupules que pour un vin de 1995 !

Comme toi, j'aurais craint l'accord avec la tourte de lièvre, non parce que c'est un Nuits mais car 1915. Je suis étonné que la sauce "lourde, totalement justifiée" n'ait pas déséquilibré ce vin.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
24 Nov 2007 08:24 #56

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 9194
  • Remerciements reçus 1018
Ah! Une bonne "sauce lourde totalement justifiée"!!!!!
De temps en temps des plats à l'ancienne ça fait du bien:).
Troisgros servait une tourte de gibier avec sauce, qui a complètement disparu de la carte au profit de plats "plus modernes".

Il faut avancer certes, ça serait interessant , comme pour les vins de remonter le temps avec des plats (réussis !) de millésimes plus anciens.
24 Nov 2007 08:59 #57

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • François Audouze
  • Portrait de François Audouze Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 14159
  • Remerciements reçus 11
Jean-Philippe,
Etonnant, mais ça a marché. Je n'ai pas osé la sauce seule avec le vin, mais la chair plus la sauce avec le vin.
De plus, ce 1915 est solide comme un roc, puisqu'il a fait apparaître La Tâche 1955 comme un "vieux".

Raymond,
La veille chez Senderens, le lièvre à la royale selon une recette de Carème, c'est absolument délicieux.
C'est un peu comme pour le vin. Il y a des gens qui sont persuadés que le vin n'existe que depuis qu'ils en font et des restaurateurs qui pensent qu'avant eux, c'était la cuisine de Cro-Magnon. Mais c'est normal comme réaction.


Cordialement,
François Audouze
24 Nov 2007 11:34 #58

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • Messages : 2876
  • Remerciements reçus 0
Raymond,

Je te rejoins totalement sur ce 1915, une merveille sur tous les plans.

Par contre, vu le nombre de bouteilles de ce vin ouvertes par Fançois Audouze par an, je me dis que ce n'est pas si rare que cela :D

François
24 Nov 2007 11:47 #59

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

  • François Audouze
  • Portrait de François Audouze Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 14159
  • Remerciements reçus 11
C'est vrai, j'ai eu la chance d'en acheter 14, et j'en ai bu 7 je crois à ce jour. Et 7 qui font un sans faute, c'est quand même exceptionnel.

Par exemple, j'avais acheté beaucoup de Carbonnieux 1928 rouge et j'en étais content. Les deux derniers essais sont décevants : une bouchonnée (ce qui dans ma cave n'existe pratiquement jamais) et une fatiguée.

Mais tout ce que j'ai acheté de la même cave que ces Nuits 1915 (et là, il en reste bien une quarantaine de vins de cette époque ou un peu plus jeunes) a toujours marché sans le moindre défaut.

Laville Haut-Brion dont je suis amoureux m'a donné quelques bouteilles fanées. Mais là, il y a une raison, c'est que j'ai ramassé tout ce qui m'était présenté et il y a parmi ces origines de mauvaises caves.


Cordialement,
François Audouze
24 Nov 2007 14:02 #60

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Modérateurs: GildasPBAESMartinezVougeotjean-luc javauxCédric42120starbuck