Passage au Domaine Daniel Bouland
13h45, nous voilà arrivé au lieu-dit Corcellette à Villié-Morgon, où sommes un peu en avance pour ce troisième et dernier rendez-vous de la journée, qui nous aura vus passer au préalable à
Romanèche-Thorins
puis à
Vergisson
, dans la matinée.
Daniel Bouland nous fait d’abord le suivre à la maison qu’il est en train de finir de construire et où est stocké une partie de la production. D’un naturel visiblement réservé, il parait d’emblée très craintif vis-à-vis de la pandémie, et même un peu méfiant. Pour une première fois au domaine, j’avoue que c’est même un peu déstabilisant. Mais après quelques minutes, la glace commencera à fondre et le temps nous livrera ensuite un beau personnage, humain, humble, modeste et attachant, pas avare de commentaires pour décrire les différents vins qui composent sa gamme.
Daniel Bouland, dont le premier millésime remonte à 1982, nous décrit d’emblée les millésimes 2018 et 2020 comme de beaux millésimes, qu’il qualifie de chaud, ayant engendré de belles récoltes, avec des rendements normaux
(environ 50hL/ha pour le dernier millésime), alors que 2019 aura été beaucoup plus tardif. La production représente environ 70000 à 80000 bouteilles pour environ 9ha, dont 80% des volumes partent à l’export. Les vins sont bouchés par des du liège naturel
(Lafitte), traité antiTCA.
L’ensemble est élevé en cuves béton, inox et en fibre de verre.
Nous commencerons par les rouges 2020, dans une verrerie Lehmann, que j’affectionne. Ce millésime se présente très mûr, dense, riche et concentré, avec des robes d’une teinte très noire et profonde, opaques. Les vendanges ont débuté aux alentours du 27 août. Les vinifications, de type semi-carbonique, se font en vendange entière, avec des remontages 2 fois par jour, pour une durée de cuvaison d’environ 11-12 jours. Il n’y a pas de refroidissement des cuves sauf de rares exceptions. L’élevage est généralement compris entre 6 et 9 mois.
2020
Chiroubles 2020 : 70 ares, en pente forte (40%), sols sableux, vieilles vignes de plus de 50 ans, exposé Nord-Est. Elevage en cuves en fibre de verre. Nez de mûre, d’épices, très primaire, complété par des notes de violette. La bouche est frisante, avec une sensation de CO2, très fruité et expressif, dans un style primaire/primeur, fin et acidulé, comme un bonbon harlequin. Les tanins sont très très fins,la floralité s’exprime en rebond dans la finale. Une gourmandise,
TB+
Côte de Brouilly 2020 : 50 ares exposé Sud, vignes de 80 ans, 12000 pieds/ha. Fermentation malolactique non finie, avec encore une pointe de sucre résiduel, élevage en cuve inox. On a un nez réduit, sur l’écurie puis s’ouvre sur des notes peu classiques de peinture, d’essence, d’hydrocarbure. On retrouve la mûre ainsi qu’une pointe de CO2. La bouche est sur la mûre, avec la aussi une grosse acidité et une sensation frisante. Très mûr et noir, charpenté, avec des notes de violette et de fraise des bois. Il paraît nettement plus épais et concentré, mais non abouti à ce stade.
B-TB
Morgon Pré Jourdan 2020 : 35 ares Situé à Villié-Morgon, en partant sur Fleurie. Seule parcelle de Morgon qui n’est pas sur Corcelette mais sur Douby. Vignes de 60 ans. Elevage en foudre récent. On a un nez fumé et de fruits noirs. La bouche est caressante, un peu molletonnée, avec de fines notes de caramel au beurre salé. C’est très mûr, les tanins sont très fins et puissants. La finale est légèrement épicée, sur la ronce.
TB
Morgon Bellevue Sable 2020 : 3 ha, vignes de 35 ans sur porte greffe Vialla (peu productif, différent de celui des Cailloux), élevage en cuve béton à revêtement époxy. On a un nez de violette, de fraise et de mûre. La bouche est veloutée, avec un fond d’agrumes
(pamplemousse). Les tanins sont poudreux, on retrouve une jolie finale, fraîche et florale. Ensemble assez riche et ample.
TB+
Morgon Bellevue Cailloux 2020 : Vieilles vignes, porte greffe 420A, élevage en cuve béton avec revêtement époxy. On a un nez de myrtille, de baies bleues et noires, d’encre et de suie. La bouche possède elle aussi un soupçon de CO2. La matière semble plus mûre et vraiment plus dense, ceci étant reflété par des tanins beaucoup plus présents et saillants. On a une finale sur le graphite, également plus impactante, dense et profonde. Ensemble dans un registre plus sérieux,
TB
Morgon Corcelette 2020 : Vignes au Nord, élevage en foudres. Nez plus fin, presque pinotant avec des notes d’hémoglobine. La bouche est plus fraîche, croquante et gourmande, plus simple mais plus lisible. Joli fruité pur, sur les baies rouges. Ensemble plus digeste, certainement moins ample. Petite accroche tannique en finale sur le végétal noble, semble très immédiat.
TB-E
Morgon Corcelette Vieilles Vignes Sable 2020 : Plusieurs petites parcelles de vieilles vignes, porte greffe 420A, élevage en cuve inox. Nez un peu réduit, de fumé, de myrtille avec un peu de prune sur un fond charcutier. La bouche est gouleyante, assez tendue et longiligne. L’aromatique est noire et bleutée, les tanins sont poudrés. Assez complexe quoiqu’un peu court, sur la mûre.
TB+
Morgon Corcelette Vieilles Vignes Cailloux 2020 : Plusieurs parcelles de vieilles vignes dont certaines plantées en 1927, élevage en foudres de 50hL. Nez charcutier, sur l’hémoglobine. La bouche est plus volumineuse, un peu épaisse, dans un registre un peu moëlleux. C’est riche, très mûr, avec des tanins plus fins. Jolie finale acidulée et fraîche, même si l’aromatique est très centrée sur les fruits noirs, de façon assez puissante.
TB-E
Morgon Les Delys 2020 : 2,3 ha, lieu où se situe la maison. Elevage en cuve ciment. Nez sur l’hémoglobine, la myrtille. La bouche est fluide, fraîche, avec des tanins très fins. Arômatique sur les fruits bleus et les baies rouges. Ensemble assez facile et lisible.
TB+
Morgon Les Delys 1926 2020 : Vieilles vignes derrière la maison, élevage en foudre. Nez de mûre. Bouche très concentrée, profonde, sur la mûre. Ensemble épicé, très frais, avec une belle ossature droite et tonique. Le plus tannique de tous, à attendre un bon moment.
TB-E
2019
Après avoir eu une belle vision de ce millésime qui s’avère effectivement riche et assez puissant mais non dénué de fraîcheur, Daniel nous propose la même série sur 2019 !
Côte de Brouilly 2019 : Mise en bouteille en août. Nez de raisin frais. Bouche fruité, fraîche et tonique, assez élancée. Joli fruité acidulé sur la groseille. Sympa. Simple et plus fin que le 2020.
TB
Morgon Bellevue Sable 2019 : Nez chocolaté. Bouche arrondie, confortable. Tanins très fins et légèrement gras, facile d’accès.
TB-E
Morgon Bellevue Cailloux 2019 : Nez un peu réduit. Bouche kirschée, paraissant un peu évoluée sur un fond fumé. Il paraît un peu disgracieux. Peu en place ? Aération trop importante ? Déviance d’une bouteille ? En tout cas, elle ne me paraît pas nette.
AB- ?
Morgon Corcelette Vieilles Vignes Sable 2019 : Nez sur un fond charcutier, avec des baies rouges et le noyau de cerise en complément. Belle fraîcheur. La bouche est souple, acidulée, sur les agrumes. C’est long, effilé et frais. Très plaisant, là aussi assez facile.
TB+
Morgon Corcelette Vieilles Vignes Cailloux 2019 : Nez beaucoup plus orienté sur les baies bleues, la myrtille, avec un fond fumé, pierreux. Bouche portée sur les agrumes, avec un acidulé du type bonbon harlequin, très tendue et caillouteuse, saline, avec des notes de pierre fumée et de gravier humide. Les tanins sont très poudrés et fins.
TB-E
Morgon Delys 2019 : Nez charcutier, sur l’hémoglobine. La bouche est vive, de gros volume, avec un léger gras vanillé que nous ne trouvions pas avant. Les tanins sont fins et poudrés. Ensemble très long, sur la myrtille, les baies noires et l’encre.
E-
Morgon Delys 1926 2019 : Nez fumé, sur un fond de suie, d’encre, avec la encore un fond finement vanillé. La bouche est tonique, ample, avec un gros volume. C’est mûr mais assez digeste, et surtout possède un très bel équilibre. Les tanins sont jolis, fins, légèrement gras. La finale est longue et puissante, avec en filigrane un fond de végétal noble.
E-
On sent au total un millésime 2019 effectivement plus frais, qui semble plus affiné que le massif 2020, et qui bénéficie également d’un an de repos en bouteille, expliquant peut être également cela. Très belles cuvées
« haut de gamme » que ces Delys…délicieux
(!!!) ainsi qu’un Corcelette Cailloux portant très bien son nom, avec une franche sensation minérale.
Nous commençons à être franchement en retard. Néanmoins, Daniel nous propose de goûter ces blancs…Comment refuser ???
Beaujolais Blanc 2019 : Argilo-calcaire. Vignes sur Saint Jean de Rémy. Négoce. Nez de pêche de vigne, de poire, de fleurs blanches. La bouche est juteuse, sur la poire, la menthe blanche, avec un fond de miel épicé. Sensation fine de CO2, légèrement perlante ? Finale un peu riche et chaleureuse, assez courte.
B
Beaujolais Blanc 2018 : Nez sur le tilleul, le thé vert, les épices, le miel et la cire. La bouche est un peu lourde, présentant quelques amers un peu prégnants. L’ensemble est très floral, riche, sur un fond miellé et épicé, avec en complément de la pêche blanche. C’est court, un peu pataud et manque à mon sens de peps.
AB+
Au total, même si je ne suis vraiment pas convaincu par les blancs, les rouges ont montré une gamme très homogène et cohérente. Ainsi, j’ai trouvé que les vins arrivaient à traduire assez fidèlement à la fois les caractéristiques des millésimes et celles des sols. En effet, au vu de cette dégustation, la distinction sable/cailloux fait clairement sens, ce n’est en rien une segmentation marketing de l’offre en bouteille. Mes préférences se tournent vers les Corcelette Cailloux et les Delys, en particulier 1926, qui présentent un surplus de volume et de densité. Et que dire des tarifs ? On est face à des rapports qualité/prix d’une autre dimension…
En second lieu, ce qui s’annonçait comme une dégustation peut être un peu froide et que je voyais rapide au premier abord, c’est transformé en un grand moment de dégustation, aussi bien en temps qu’en générosité. On sent Daniel comme quelqu’un d’ultrasensible, pudique, qui n’ose pas se livrer au premier abord. Il faut alors un peu de temps pour découvrir l’Homme et son travail, et la libération se produit. Cela aussi participe de cette magie du vin… et qui donne sincèrement l’envie de revenir. D’ailleurs, je crois bien que mon acolyte de la journée a bien prévu de programmer un périple identique cette fin d’année ou l’an prochain…
Il est pratiquement 17 heures, on a largement dépassé le timing imposé initialement et autant être honnête, on est grillé pour le couvre-feu…Mais c’est ainsi que nous concluons cette belle journée, froide dehors, mais emplie de belles découvertes, dans des appellations et des domaines ou les rapports qualités/prix sont
(très) bons, les bouteilles les plus chères étant à moins de 25 euros pour le domaine le plus cher, et
(largement) moins de 20 euros pour les beaujolais…On peut encore boire excellent sans se ruiner. A très vite pour de nouveaux superbes moments.
Merci infiniment à Daniel Bouland de nous avoir si bien reçu malgré les contraintes sanitaires en vigueur.
Quelques indications techniques complémentaires ont été prises sur l'excellent site
Beaujoloire