Nouvelle séance de dégustation avec mon groupe. Nous allons goûter les vins du millésime 2006 au domaine Trapet, en découvrant au passage l’appellation Gevrey Chambertin, ses premiers crus et ses grands crus.
Commençons par la partie culturelle sur l’AOC Gevrey Chambertin.
C’est une appellation Village de la Côte de Nuits, qui comporte 26 climats classés en Premier Cru. Elle comporte aussi 9 climats classés en Grand Cru que l’on étudiera un plus en détail par la suite. L’aire de production s’étend sur la commune de Gevrey-Chambertin et sur celle de Brochon.
L’appellation Village s’étend sur des sols bruns calciques et bruns calcaires, avec des marnes recouvertes d’éboulis et de limons rouges venus du plateau. Le terroir se situe. Les Premiers Crus occupent la partie haute de la Côte (sols bruns calcaires peu épais) entre 280 et 380 mètres d’altitude. L’exposition est au levant, sud-est et est.
En 2018, la superficie en production est de 408 ha (dont 80 ha en 1er Cru).
La récolte moyenne annuelle est de 17 090 hL, dont 3 209 hL en Premier Cru (moyenne sur 5 ans de 2014 à 2018).
La carte suivante montre bien la situation des meilleurs climats en fonction de la géographie et de la topographie :
Arrêtons-nous un instant sur les grands crus (en violet) avant de passer à la dégustation.
Comme mentionné plus haut, 9 climats ont l’appellation Grands Crus de la Côte de Nuits: Mazis-Chambertin, Charmes-Chambertin, Chambertin, Griotte-Chambertin, Chambertin-Clos de Bèze, Latricières-Chambertin, Ruchottes-Chambertin, Chapelle-Chambertin, Mazoyères-Chambertin.
Ils sont tous situés sur la commune de Gevrey-Chambertin.
Les aires de production des appellations CHARMES-CHAMBERTIN et MAZOYÈRES-CHAMBERTIN sont les mêmes, mais c’est l’appellation CHARMES-CHAMBERTIN qui est habituellement revendiquée.
Tous les grands crus sont situés entre 240 et 280 mètres d’altitude avec une exposition au levant. La partie haute (bathonien) est composée de quelques dizaines de centimètres de terre brune, issue de limons et éboulis graveleux, et le versant (bajocien) est composé de calcaires à teneur argileuse variable.
Les surfaces et la production des grands crus sont quasiment équivalents à celles des premiers crus :
Abordons maintenant le millésime qui va être le cœur de la dégustation.
Le millésime 2006 n’est pas réputé pour avoir sorti de grands vins rouges en Bourgogne à cause d’un mois d’aout pluvieux et frais. En particulier à Gevrey Chambertin qui a subi un orage de grêle, qui a abimé les baies, le 27 juillet. Généralement, les avis concordent pour dire que c’est un millésime hétérogène où ceux qui ont bien choisi leur date de vendange et bien trié ont sorti de très beaux vins. Le domaine Trapet dit
« De ce tri draconien, sortiront des moûts à la franchise de goût et à l’expression aromatique très fine et charmeuse».
La RVF était même dithyrambique sur les vins du domaine à leur sortie (source Guide Vert 2009) :
« Les 2004 étaient très réussis et les 2005 sublimes. Le domaine récidive avec des 2006 de très haut niveau. Le Gevrey-villages est de bonne densité et élégant, avec une belle longueur et de la fraicheur en finale. Le Chapelle-Chambertin est époustouflant de classe, de persistance et de raffinement; le Latricières est d’une grande élégance. Quant au Chambertin, son mélange de matière pleine et de puissance, de densité et d’équilibre le place sur une planète à part. La réussite des 2006 est totale. »
Bon, trêve de blablaterie, il est temps de passer à la pratique :
La mise en bouche se fait sur l’entrée de gamme vendue à l’époque, le Marsannay 2007.
Domaine Trapet, Marsannay 2007
La robe est pourpre, très pâle, façon clairet.
Le nez est discret, sur la rose séchée et l’orange amère.
La bouche est souple et fraiche, avec une petite amertume. On retrouve les aromes de rose séchée et d’écorce d’orange amère, ainsi que de la cerise.
La finale est assez courte, tramée par la petite amertume ressentie dès l’attaque.
Bilan : un vin élégant, qui me semble déjà sur le déclin.
Bon. Note 3/5.
On attaque maintenant les 2006, en commençant par le « simple » Gevrey.
Domaine Trapet, Gevrey-Chambertin 2006
La robe est rubis tuilé, pâle.
Le nez est assez ouvert, sur l’humus, la rose fanée, le cuir, la cerise écrasée, avec une pointe de goudron.
La bouche est souple et fraiche, assez élégante, avec une légère amertume et des petits tanins assez nombreux. En retro, c’est plutôt discret ; on y retrouve toute les composantes du bouquet, complétées par un côté orange sanguine.
La finale est un peu asséchante et associée à une belle longueur.
Bilan : un vin élégant et canaille, pas très complexe mais plaisant.
Bon à très bon. Note 3,5/5.
Domaine Trapet, Gevrey-Chambertin 1er cru Clos Prieur 2006
La robe est pourpre, pâle.
Le nez, ouvert, fait d’abord un peu poussiéreux. Puis viennent des senteurs florales, de la cerise, un peu de tabac et une pointe fumée.
L’attaque est souple et fraiche. La bouche est en ½ puissance, élégante et gourmande. La retro est fondue, sur les fruits noirs et les fleurs séchées.
La finale est un peu asséchante et légèrement amère, assez insipide. Longueur moyenne.
Bilan : c’est
bon, mais décevant au regard du pedigree. Je préfère le vin précédent. Note 3+/5.
On passe maintenant aux 3 grands crus produits par le domaine.
Domaine Trapet, Latricières-Chambertin grand cru 2006
La robe est pourpre-brun, assez intense.
Le nez est ouvert, très élégant, offrant des notes de fruits cuits, de fleurs séchées ou encore de tabac blond.
L’attaque est souple et fraiche. La bouche est élégante, souple, avec des petits tanins. La retro est elle aussi élégante, mélange de cerise kirschée, fleurs séchées et tabac blond.
La finale est aromatique et longue.
Bilan : c’est
très bon, très élégant. Pas très complexe mais très joli. Note 4+/5.
Domaine Trapet, Chapelle-Chambertin grand cru 2006
La robe est pourpre-brun, assez intense.
Le nez est assez ouvert, complexe, avec du tabac blond, une pointe de goudron, des fleurs séchées, de la cerise kirschée et de l’écorce d’orange.
L’attaque est ample et fraiche. On a franchi un cap en matière de puissance. La matière est belle, ample, souple, fraiche. C’est soyeux et gourmand à la fois. En retro on trouve de la cerise kirschée, un léger fumé, du tabac, de la vanille, des fleurs séchées, et un peu de zan en finale
La finale est aromatique et associée à une très belle longueur.
Bilan : c’est
très bon à excellent. Plus puissant que les précédents, très joli et à point. Note 4,5/5.
On finit par ce qui doit représenter l’excellence :
Domaine Trapet, Chambertin grand cru 2006
La robe est pourpre-brun, assez intense.
Le nez est ouvert, entre tabac et cerise kirschée.
L’attaque est ample et fraiche. On a une belle matière, bien équilibrée, ample, soyeuse et élégante. La retro révèle des aromes de cerise, de mûre, de vanille, de fleurs séchées et de tabac brun. Des notes de fruits cuits et d’humus font leur apparition dans la finale expressive de très très belle longueur.
Bilan : c’est
très bon à excellent. A garder encore pour gagner en finesse et complexité. Note 4,5-/5.
Mes vins préférés sont le Chapelle-Chambertin et le Chambertin, mais ce n’est pas l’avis de tout le monde. Nous étions 14 dégustateurs, et j’ai demandé à chacun de donner ses 2 préférences. Le résultats des votes est le suivant :
Marsannay 2007 => 0
Gevrey 2006 => 2
Gevrey 1er cru Clos Prieurs => 0
Latricières-Chambertin => 10
Chapelle-Chambertin => 8
Chambertin => 8
Voilà, ce fut une très belle dégustation, mais je n’ai pas eu d’effet whaou ou de coup de cœur comme cela est souvent arrivé sur d’autres dégustations du même acabit.
Pour finir, je me suis penché par curiosité sur l’inflation entre ce que nous avons bu et les millésimes à la vente.
Même si c’est sans surprise, ca pique. Cette dégustation me conforte (si besoin était) dans le fait qu’il est absurde de payer ces vins à ce prix.
Bibi