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isite et dégustation au Domaine Céline Jacquet
Profitant d’un court séjour en Savoie, j’avais un peu de temps à consacrer à la découverte in situ d’un nouveau domaine. Et après la forte impression de la cuvée « Mes Aïeux » sur le millésime 2018 (voir CR juste au-dessus), mon choix s’est vite porté sur ce domaine.
Céline Jacquet est une personne attachante, à la fois disponible (réception de plus d’une heure un samedi matin avec un préavis relativement faible), simple (dégustation tout en surveillant ses enfants, sans que cela soit gênant) et volontaire (elle sait très bien ce qu’elle veut et le fait avec mesure et bon sens).
Elle a créé son domaine en 2011, avec une bonne extension en 2014, mais celui-ci reste à taille très humaine : 4,5 ha dont 2, 5 en rouge. La gamme est cependant assez large, ce qui permet de satisfaire des goûts différents. Les cépages sont autochtones et très classiques : jacquère, altesse et bergeron en blanc, et mondeuse en rouge. Nous nous rejoignons sur le fait qu’il est difficile de trouver des vins de même niveau en gamay ou en pinot noir ; nos avis diffèrent juste un peu sur le persan.
Le domaine a le label HVE mais la qualité des raisins et le respect du vin sont recherchés bien au-delà. Les vignes ne sont pas enherbées, ce qui leur ferait trop de concurrence. Les vendanges sont manuelles et un tri est réalisé immédiatement, à la parcelle.
Il n’y a pas d’ajout de soufre à l’encuvage mais un levurage pour démarrer la fermentation, ce qui justement permet d’éviter le soufre sans risquer d’accident. Pour les rouges, la macération en grappes entières dure de 4 à 12 jours.
L’élevage a lieu en cuves en fibres, avec ajout de SO2 avant la mise en fonction des besoins, avec un max de 3 g / hl.
L’objectif général est de retrouver une trame commune pour les différents millésimes d’une cuvée, avec bien entendu des spécificités inhérentes à ceux-ci.
Céline Jacquet aime le contact avec les gens et cela se sent tout de suite. C’est pourquoi elle fait beaucoup de salons, se faisant ainsi l’apôtre des vins de Savoie. Le reste de la commercialisation est varié (restaurants, cavistes, export).
Les vins ne sont pas élevés très longtemps (manque de cuves) mais ils sont en vendus prêts à boire. C’est ainsi que ce sont les 2022 qui sont à la vente pour les blancs et entre 2019 et 2021 pour les rouges.
Le domaine n’a pas été épargné par les aléas climatiques récemment : grêle en 2022 avec perte de 50 % en volume sur les rouges et mildiou, grêle et sécheresse en 2023. Si 2024 n’est pas un bon millésime en quantité, de nombreux vignerons savoyards devront se reconvertir…
J’ai fait l’impasse sur les deux cuvées d’effervescent.
Les deux premiers blancs, des 100 % Jacquère, sont élaborés sans malo, contrairement à la mode dans le secteur de l’Apremont voire plus. Ils seront parfaits pour l’apéritif ou pour rincer la bouche avec une fondue savoyarde !
Vin de France – La Surprise de Marc – 2022
La vigne se situe à Saint-Jeoire.
Un vin friand (millésime 2022 assez riche) mais ne manquant pas de tension, franc et direct, doté d’une certaine salinité.
Bien +
Chignin – 2022
Nez plus expressif, bouche plus vive, sur les agrumes.
Bien +(+), avec un supplément d’âme.
Roussette de Savoie – 2022
Les vignes sont pour partie à Saint-Jean de la Porte et pour partie à Chignin.
Pour Céline Jacquet, ce cépage Altesse est un « couteau suisse », car pouvant s’adapter à un grand nombre de plats.
Nez intense sur les fruits jaunes.
En bouche, la rondeur, avec une certaine concentration, s’associe à une jolie fraîcheur, avec une allonge conséquente.
Bien ++ / Très Bien
Chignin-Bergeron – Manon – 2022
Un vin puissant, riche et charmeur, sans déficit de vivacité : un très beau représentant de son appellation, qui pourra se garder quelques années pour apaiser sa fougue et gagner en complexité.
Très Bien
Vin de Savoie – Mondeuse – Les Echalats – 2021
Cette parcelle est située sur la commune de Saint-Jean de la Porte.
Le nez affiche un fruité éclatant (framboise, mûre) et la bouche se révèle très poivrée, ce qui lui apporte beaucoup de peps, en appui de la fraicheur provenant du millésime. Mais ce n’est pas vert pour autant !
Bien ++ pour cette Mondeuse bien typée.
Vin de Savoie – Arbin Mondeuse – 2019
Le nez exhale des fruits bien purs.
La bouche est plus structurée (effet millésime mais aussi terroir d’après Céline Jacquet), avec une chair étoffée, bien équilibrée entre fruits et épices, ainsi qu’une persistance prononcée.
Très Bien et une appréciation globalement cohérente avec celle de février dernier, même s’il y a des nuances.
Vin de Savoie – Arbin Mondeuse – Mes Aïeux – 2019
Il s’agit d’une sélection de deux parcelles qualitatives, très différentes, mais qui s’allient harmonieusement.
Le nez très expressif et libéré développe des arômes de fruits noirs, relevés par une pointe épicée.
La bouche allie puissance et volume, densité et finesse des tanins avec une grande fraîcheur. Ce vin est promis au même grand avenir que le 2018.
Très Bien à ce stade et certainement plus d’ici un ou deux ans.
Vin de Savoie – Arbin Mondeuse – MD – 2020
Il s’agit en fait du même vin que Mes Aïeux mais l’élevage se fait dans une jarre en grès et non en cuve, pendant six mois.
Le nez se montre plus chaleureux (effet millésime mais aussi effet de l’élevage ?), avec essentiellement du fruit et des notes fugaces de chocolat.
La bouche est plus souple, avec des tanins déjà gras et fondus, et toujours une belle longueur. Un vin très harmonieux, plus consensuel, avec moins d’épices et donc moins typé Mondeuse, mais c’est très bon et vite accessible !
Très Bien
Au final, une superbe dégustation et des échanges très instructifs.
Les vins sont bien différents, avec chacun une grande personnalité, comme leur génitrice !
Jean-Loup