Première visite au domaine Gangloff
Il est des domaines nichés dans des endroits hors du temps. Celui d’Yves Gangloff se cache au fond d’un vallon à Condrieu, à proximité immédiate du ruisseau d’Arbuel et quelques petits ponts de pierre. Le cadre, même brumeux ce jour-là, est idyllique. Vous pourrez oublier la praticité du lieu si vous êtes véhiculés. La rue de la Garenne est une impasse et le nombre de places de stationnement y est limité.
Nous entrons dans une partie toute neuve du bâtiment qui est consacrée aux dégustations. Le meuble / comptoir est du plus bel effet, l’habillage en bois des murs également. Nous retrouvons un groupe qui nous avait déjà accompagné chez Rostaing. Non, ce n’était pas LPV Forez
. Nous attraperons le maître des lieux par intermittence. Il doit en effet s’occuper de tous les convives présents. La découverte du millésime 2017 se fera sur bouteilles.
Le domaine
- Monsieur bonjour,
- Bonjour,
- Pouvez-vous nous évoquer le domaine, quelle superficie occupe-t-il ?
- Nous avons 9 ha. 2,5 en Saint Joseph, 3,5 en Côte Rôtie, le reste en Condrieu et Viognier.
- Quand avez-vous commencé ?
- Fin des années 80. En 1988, Monsieur Guigal vient nous voir. Il souhaitait acheter des barriques. J’en avais 6. Je lui en proposes 5. Il me dit « Dîtes-moi, vous en auriez pas un peu plus ? ». Je me dis tiens, il doit y avoir un truc. Je décide de garder la dernière.
- Comment se répartissent vos ventes ? De l’export ?
- 8 %. Le reste, c’est la France.
- C’est peu, merci pour nous
.
- Oui, après je suis plutôt triste de voir des bouteilles revendues. Les lendemains des salons à Ampuis, il y a malheureusement trop de bouteilles qui se retrouvent sur le bon coin et autres sites.
Condrieu 2018
Un robe très claire, limpide. C’est frais, ample et la finale mûre. Pas de sucrosité, pas d’amertume excessive.
B- pour sa facture.
2019, 2018 et 2017
- 2018 a été une année à forte pression mildiou en Bourgogne et dans le Rhône méridional. Vous qui êtes au milieu, comment l’avez-vous ressenti ?
- Le mildiou, c’est rare dans la région. Et effectivement en 2018, c’était la première fois pour nous. On a eu -30% en Saint-Jo, 3 000 m2 touchés en Viognier. La récolte a été pleine sur Côte Rôtie.
- De la chance / un moindre mal.
- Nous sommes équipés à dos pour rentrer dans les rangs.
- Et 2019 ?
- Les degrés sont plutôt forts, les rendements bons. Nous faisons approximativement 40 hl.
- A quelle date récoltez-vous ?
- Du 16 Septembre au 1er Octobre.
Saint-Joseph 2018
Les amers et les épices sont portés en hauteur. Une pointe iodée rehausse le goût d’une poire édulcorée.
AB+/B-
- Nous avons évoqué 2019 et 2018. Comment ont été les volumes sur 2017 ?
- Normaux. Nous faisons un peu moins de blancs.
- Combien de temps élevez-vous vos vins généralement ?
- La mise des blancs en Septembre. Celle des rouges se fait début Août de l’année suivante, soit un élevage de 2 ans.
- Quel est l’âge moyen de votre parc ?
- Nous avons de la futaille allant jusqu’à 4 à 6 vins.
La vinification
- Vous éraflez ?
- En 2017, nous avons 50% de VE. En 2018, 100%. Ca dépend de la place qu’il reste dans la cuve.
- C’est plus difficile pour piger non ?
- Nous ne faisons pas beaucoup de pigeages. Plutôt au milieu de cuve. Sinon, ce sont des remontages et des délestages 2 fois par jour. La cuvaison dure entre 15 et 20 jours.
- Avec l’étroitesse des rues ici, ça doit être plutôt sportif pour acheminer les vendanges ?
- On a plein de bosses sur le camion
Saint-Joseph 2017
Une structure carrée avec de bonnes fondations. La déclinaison des saveurs est plutôt sombre, sur l’ardoise, le torréfié, le réglisse. Il existe une élégante fraîcheur qui évite à l’équilibre de ployer. Plutôt chouette.
B+
- A quel moment protégez-vous vos vins ?
- A l’entrée des vendanges et à la mise.
- Et à quel niveau terminez-vous ?
- On a 20-25 de libre en bouteille.
- Vous faîtes du Bio, de la Bio D?
- En raisonnée. le Bio est le but avoué. Nous travaillons en bio mais nous ne faisons pas de comm à ce sujet.
Côte Rôtie la Barbarine 2017
« Entre 50 et 80% de rafle en général. C’est l’assemblage de Tupin et de Combard.»
Un nez plus expressif. La bouche est d’une grande finesse avec du cassis dans son acidité et de la mûre. Le port est altier, les tanins très fins. La fin sur le grillé et l’ardoise rappelle le millésime.
TB.
- A quel moment assemblez-vous les terroirs ?
- Au moment de l’élevage, tout est isolé. En 2015, j’ai même fait quelques Rozier séparément car c’est la seule parcelle fraîche, minérale.
- Dans quel contenant élevez-vous ce vin ?
- 30% de neuf sur Condrieu. On utilise aussi des amphores. Pour les blancs uniquement. Pour le rouge, depuis 2018, barriques uniquement avec des 300l pour les blancs.
30 millésimes, et après ?
- Quel millésime vous a le plus marqué ? Pour vos confères à qui nous avons posé la question, c’est en général le plus compliqué
.
- En 2002 et 2008, je fais un seul vin. Et sur les années chaudes, le raisin prend le dessus du terroir. Je suis même tenté de ne faire qu’un seul vin mais tout le monde me dit non. Le parcellaire, il ne faut pas que ce soit un motif économique.
- 2014 avec les drosophiles ?
- Effectivement. C’était surtout l’humidité ambiante qui était difficile. Beaucoup de baies ont éclaté. On n’a pas eu tant de Suzuki que ça. En 2019, nous avons eu quelques attaques de vers de la grappe.
- Avec plus de 30 millésimes, vous arrivez à conserver des millésimes ?
- Non, il nous manque plus de 70 % des années. Un voisin m’a récemment ramené 4 millésimes en 3 exemplaires de chaque, 1987 à 1991.
Côte Rôtie la Serène/Sereine (?) 2017
« L’assemblage de Côte Rozier et Mollard. L’essentiel est sur granit sauf une partie sur schiste. Sur 2017, c’est 70% granit / 30% de schiste. Habituellement c’est plutôt 60/40.»
Une texture plus délicate, soyeuse au toucher. Miam miam. Les fruits sont plutôt kirschés sans la chaleur de l’alcool. La cavalcade ardoise, fumé, torréfié arrive ensuite sur la pointe des sabots.
TB+.
- Vos enfants vont-ils reprendre votre suite ?
- Elsa reprend le domaine. Elle a fait sa première vinif cette année. C’est marrant. Elle nous a toujours vu faire lorsqu’elle était petite. Du coup, il y a quelques gestes qui lui sont naturels.
- Ca vous fait plaisir j’imagine.
- Bien sûr. Après, je ne suis pas encore parti
. Les terroirs sont là pour diriger. Je vais encore l’accompagner sur les travaux dans les vignes. C’est 80% du tout.
- Un grand merci à vous.
Première visite au domaine et nous comprenons pourquoi les vins sont tant appréciés. Les texture sont fines, les goût fruités (vive l’éraflage partiel) et les saveurs persistantes. Première rencontre avec ce vigneron et nous comprenons pourquoi il est un personnage à part. Une âme d’artiste, une franche spontanéité et une aura de rockeur. C’est certain, ce ne sera pas la dernière fois que nous nous rendrons rue Garenne à Condrieu.