Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dès lors qu'il s'agit de parler de vin, on va trouver tout et n'importe quoi en termes d'arômes et de saveurs, mais jamais au grand jamais il ne sera question de raisin. Comme si dire dire d'un vin qu'il sent le raisin était une sorte d'ineptie pléonastique superlative dont la seule évocation confinait au sacrilège, au blasphème passible de l'excommunication sine die de la CAP (Confrérie des saints Apôtres du Pinard, organisation plus ou moins mystérieuse qui se réunit dans des endroits frais et humides pour faire sauter des bouchons).
Eh bien là, pourtant, quand je goûte le
Irancy 2019 d'Eric Darles, la saveur de pinot est si claire et évidente que je me laisserais presque aller à l'émotion (je dis bien presque, je ne suis pas du genre à m'effondrer en larmes devant Sur la route de Madison).
Et c'est alors, ô merveille des merveilles, révélation tant attendue, que je me fais cette réflexion d'un jus de raisin qui serait passé de 0 à 13 degrés d'alcool sans subir la moindre altération ni dénaturation, sinon une légère perte de sucre. Une certaine idée de la pureté, assez basique et transcendantale en même temps.
Simple bon sens paysan ou approche bouddhiste de l'inaction propre à séduire les amateurs de vin nature, le trouble et l'écurie en moins ? Peut-être un peu des deux, sans prétention aucune.
Une chose est sûre en tout cas : je n'ai pas la moindre envie de chercher quoi que ce soit dans ce vin. On va, pour une fois, éviter cerise, fraise et cassis, pivoine et rose fanée, mousse, fossiles et minéraux, épices et cacao, soie sauvage et velours côtelé sur fond de coucher de soleil sur les vignes. Adieu chien mouillé, bois exotique et poivron mal-aimé, le catalogue des mille et une saveurs de l'amateur de vin va rester sur l'étagère. Ici, seule la grappe à droit de cité.
Du raisin et rien que du raisin !
(PS : à noter que trois jours après, le vin se tient toujours solidement campé sur ses petites pattes liquides).