Visite au domaine Clape
Décembre, c'est le mois de Noël. Mon cadeau, c'est de passer chaque année aux domaines Clape et Gonon dans cette période de l'année.
Nous sommes accueillis par Olivier et ne pourrons croiser Pierre qui est parti déguster des Côte-Rôtie! Après les rapides révisions annuelles des terroirs sur la carte de l'entrée, nous prenons l'ascenceur pour descendre dans la cave.
Le blanc
Nous commençons par le
Saint-Péray 2022 en bouteille : arômes de poire, df'amande, qui marie gras et fraîcheur par l'amertume.
Les 2023 sur fût
Avant de commencer la dégustation des 2023 sur fût, Olivier nous fait un rapide topo sur l'année.
Avant août, l'année a été plus humide que 2022, avec 5 épisodes de pluie de 50 min entre début juin et fin juillet, qui n'était pas sans rappeler... 2008. Les grosses chaleurs ont commencé début août, diurnes mais surtout nocturnes avec le thermomètre qui ne descendait pas en dessous de 27°C. Le 23/08, le degré potentiel des raisins était déjà de 13,5%. Avec une pluie de 75mm le 25/08 et des prévisions météorologiques annoncées belles, Olivier a décidé de commencer à vendanger le 30/08 pour éviter que les acidités baissent trop. Les vendanges ont été exigeantes, avec un gros tri à la vigne nécessaire.
Patou : fruit très marqué, cerise fraîche, une gourmandise.
Reynards Jeunes Vignes (35ans) : nez plus complet. Arômes plus frais, plus oirs, , vin + tendu avec plus de matière.
Mazards : nez plus végétal. Moins de relief en bouche en attaque que le vin précédent mais une plus grande densité tannique et de l'allonge.
Sabarotte : nez floral, sanguin, très cassis. En bouche, le vin est juteux, avec une acidité rafraîchissante. Très plaisant.
Petite Côte : Arômes de cerise noire mais plus bourrus. La bouche est plus plate, moins en place que le vin précédent, brouillonne.
La Côte : plus fluide que le vin précédent, plus long, plus en place.
Reynards Vieilles Vignes : odeur inhabituelle de jambon fumé. Beaucoup de chair, de maturité. Nez de cerise après l'aération, vin enrobé, dense mais frais, remarquable.
Les 2022 sur fût
On prend les mêmes et on recommence.
Le Vin des Amis (en bouteille) : syrah de plaine, sur des terroirs d'argile avec des galets. Nez fleuri, avec des arômes de cassis Teisseire qui évoquent 2003, vin concentré, avec une matière et une accroche inhabituelles. 30hL/ha seulement.
Côtes-du-Rhône (en bouteille) : attaque plus pleine, acidité plus présente, le vin est plus posé.
Patou : nez plus renfrogné, fruits plus mûrs/sauvages que la cerise. En bouche, le vin est plus mûr, plus large que le 2023, avec une belle acidité.
Reynards Jeunes Vignes : nez sauvage, de camphre, clou de girofle. Plus ample, plus concentré, plus puissant.
Sabarotte+Mazard : vin plus sombre qui ne se livre pas, grosse masse tannique, des fruits noirs, mûrs, vin concentré.
Petite Côte : nez plus fin mais avec un peu d'arômes acétate à mon goût (pas à celui d'Olivier).
Côte : arômes de colle, Olivier dit acétate et moi je le sens moins que dans le précédent, il va falloir que je progresse... Plus fin, plus d'allonge que le vin précédent, plus posé, une acidité bienvenue en milieu de bouche. Le fruit reprend le dessus à l'aération, belle expression des rafles.
Reynards Vieilles Vignes : superbe fruit, nez de cerise, et de fleur. Le vin est plus détaillé, possède plus de relief que les précédents, il est ouvert contrairement aux premiers 2022. Grande ampleur de bouche, gros fonds tannique.
Olivier nous raconte l'histoire de cette parcelle. Un certain M. Beissenet, à l'origine du Marché aux Vins de Cornas, ami d'Auguste, propose à Auguste de monter au Salon de l'Agriculture pour faire connaître leurs vins. Auguste ne peut pas y aller et Beissenet se tue sur la route. Avec l'accord de la veuve de M. Beissenet, Auguste prend les vignes en fermage, avant de pouvoir les acheter.
Les millésimes en bouteilles
Renaissance 2021 : nez très pur sur la cerise. Attaque fraîche, vin fluide, qui rappelle 2008 à Olivier . Vendanges les 07-08 septembre, 30% de pertes dues au gel.
Cornas 2021 : nez plus floral, sur la violette, très ouvert. La bouche est sans surprise plus construite, plus ferme, avec un équilibre pointu (mais moins acide qu'en 2008).
Cornas 2020 : vin plus dense, robe impénétrable, mais qui se livre cependant davantage que les premiers 2022. Cerise mure, notes de chocolat amer, la bouche possède un beau relief. La principale différence entre 2020 et 2022 tenait, selon Olivier, aux nuits plus fraîches l'été.
On parle des millésimes massifs et Olivier propose le
Cornas 2019 : nez davantage marqué par la terre, plus fumé, avec toujours un peu de cerise. Posé, long, grande densité tannique, arômes un peu animaux. J'aime beaucoup, et le trouve ouvert pour un vin massif.
Nous terminons avec la bouteille inconnue. Robe claire, translucide. Nez de feuilles mortes, des fruits rouges surmuris et du chocolat, avec un peu de cuir et des pétales de rose. La bouche est très pleine, massive, ample, et fait plus jeune que le nez. Je propose 2005 pour la fermeté de la bouche mais ça ne colle pas ni avec la couleur ni avec le nez : c'est le
Cornas 2003 qui commence enfin à être plaisant (je me rappelle de ses arômes de cassis Teisseire très marqués sur fût), qui se donne bien aujourd'hui.
Conclusion
2h30 au paradis... Je remercie Olivier pour sa gentillesse, sa simplicité, son humilité et sa générosité. Tant qu'il y a des caves/vignerons comme ici, ça a encore du sens de s"intéresser au vin!
Bilan de la visite :
- un millésime 2023 ouvert, pas massif, très plaisant, dans l'esprit du 2021 alors qu'on n'a pas forcément la même image de l'année/l'été.
- 2022 est à ce stade plus massif, ténébreux, l'année a été plus chaude, plus stressante pour la vigne.
- il me semble toujours aussi difficile/impossible de présumer la complexité que ces vins vont acquérir dans le temps à partir de la dégustation sur fût des différentes parcelles avant l'assemblage. Ainsi, les millésimes dits solaires (2020, 2019, 2015 sans parler de 2003) qui l'étaient sur fût s'affinent avec l'âge au bout de 3/4 ans pour les 2020/2019, 8 ans pour le 2015 ou 20 pour 2003 qui commence à peine à se débarrasser de ses arômes entêtants de cassis Teisseire. Mais ils peuvent être capricieux, comme le 2020 bu au salon de Cornas qui était sur l'acétate (mais pas le jour de la dégustation), le 2013 grognon en ce moment, et même le 2010 pourtant référence d'équilibre pour la maison dont une 1/2 bouteille bue quelques jours plus tard apportait moins de plaisir que le 2015. Ce qui est certain, c'est que ce sont certainement parmi les vins les plus à même d'une grande garde de la vallée du Rhône Nord, 20 ans étant souvent nécessaires et 30 ans ne leur faisant jamais peur (cf le 1994 bu en 1/2 bt).