Œnologie : Le rapport cendres sur extrait sec réduit
Un indicateur de qualité intrinsèque du vin
Alors que d’autres filières alimentaires surveillent de près le rapport des cendres sur les matières sèches pour identifier des enrichissements, la filière vin peine à aborder le sujet.
En œnologie, le dosage des cendres correspond à la calcination du vin à 600°C, il en reste les cendres que l’on pèse. Ces quelques grammes par litre donnent un indice, set seulement un indice, de la richesse en éléments minéraux du vin.
Parallèlement dans le vin, on peut doser l’extrait sec et l’extrait sec réduit. Dans le cas de ce dosage, le vin est simplement évaporé, et l’on pèse ce qui reste, c’est-à-dire ses matières organiques qui ne se sont pas évaporées. On peut en soustraire les sucres résiduels, qui eux aussi ne s’évaporent pas. Et il reste alors, dans ce qu’on appelle l’extrait sec réduit, c’est-à-dire les matières organiques telles que les protéines, des polyphénols, des acides non volatils comme le tartrique, tandis que l’éthanol et d’autres substances volatiles sont évaporés.
Classiquement, un vin blanc à 11 degrés d’alcool et donc à 11 % d’alcool en volume contient une vingtaine de grammes d’extrait sec et entre 2 et 3 g/l de cendres.
Cendres et matières sèches
Pour d’autres produits alimentaires, on dose également les cendres. Mais le terme d’extrait sec est substitué par celui de “matières sèches”.
En agroalimentaire, cette analyse renseigne de la même manière sur la richesse en matières organiques du produit. Dans l’industrie des jus de fruit, le rapport cendres/matières sèche permet de vérifier si les jus n’ont pas été mouillés, ou si les nectars devant contenir une proportion réglementée d’eau sont conformes à leur étiquetage.
En minoterie, par exemple, l’analyse du rapport cendre / matières sèches en fonction du type de farine est relativement stable. Si la farine est enrichie excessivement en additifs organiques, alors le taux de matière sèche augmente sensiblement, tandis que le taux de cendres, lui, augmente peu. Car le plus souvent, les additifs organiques sont issus de process de raffinage qui leur ôtent les minéraux. Exemple pour le vin, un moût concentré rectifié, qui présente une teneur supérieure à 800 g/l de sucres, a parallèlement une teneur en cations minéraux n’excédant pas réglementairement 8 milliéquivalents, soit quelques dizaines de mg/l.
Evolution de l’extrait sec en fonction d’additifs
Que se passe-t-il pour le rapport cendres/extrait sec au bout d’un process œnologique où un vin à 9,5° et 3,5 g/l d’acidité tartrique a fait l’objet d’additivations successives ? Si le vin a été enrichi en MCR à 1,5°, soit 24 g/l de sucres, soit 2,7 litres de MCR par hl de vin, d’un MCR à 870 g/l de sucres, alors l’apport en minéraux est minime. Ensuite ce même vin peut être acidifié jusqu’à 4 g/l au maximum d’acide tartrique selon le codex œnologique. Là encore, un acide tartrique ne peut excéder 2 g/kg de cendres, dont l’apport en cendres est aussi minime. Le vin peut aussi être tanisé avec des doses de 10 à 20 g/hl en rouges et quelques grammes en blancs. Au cours de son élevage, il peut encore être enrichi en hétérosides par élevage sur lies enzymées, de l’ordre de 0,2 à 0,3 g/l, des lies qu’il est possible de rajouter. Là, le code des pratiques œnologiques ne limite pas la quantité d’apport. Peuvent s’ajouter enfin des stabilisants dont les doses limites sont : 10 g/l pour l’acide métatartrique, 0,3 g/l pour la gomme arabique, 0,25 g/l pour l’acide ascorbique, 0,5 g/l pour le lyzozyme, 1 g/l pour l’acide citrique, 0,27g/l de sorbate.
A chaque fois les apports de minéraux sont infinitésimaux pour des raisons de raffinage et réglementaires, tandis que les apports organiques se succèdent. Conséquence finale, un vin additivé peut facilement voir son extrait sec réduit gagner plusieurs grammes par litre. Parallèlement, les cendres n’auront quasiment pas évolué. Quel impact sur le goût ?
Rapport cendres/extrait sec réduit modifié
Ainsi, le rapport cendres/extrait sec peut considérablement évoluer au cours du process œnologique. Car si le Codex œnologique se montre précis sur les doses maximales d’apport, additif par additif, il ne limite pas en revanche les cumuls d’apport.
Un des cumuls cependant proscrit par la réglementation des appellations est l’enrichissement mutuel en sucres et en acide. Mais l’actualité récente a montré que cette règle était contestée.
A noter que durant la campagne 2008/2009, 400 000 hl de vins d’Alsace ont été enrichis en MCR, 172 000 hl en 2009/2010. Combien en 2010/2011 ?
Modification de la minéralité
Que penser de l’impact sur le goût des procédés d’additivation, quand parallèlement la teneur en substances minérales reste stable ?
Des groupes de chercheurs en œnologie tentent d’identifier des descripteurs sensoriels organiques de la minéralité comme le “benzène méthane thiol”.
Soit la minéralité a comme précurseurs des composés organiques : dans ce cas, l’œnologie additive qui consiste à ajouter des composés organiques n’aurait que peu d’influence sur un précurseur organique. Car on ajoute des composés organiques à une classe de composés identifiés comme d'origine organique.
Soit la minéralité est associée à la teneur en éléments minéraux du vin : alors la modification du rapport cendres/extrait sec réduit, du fait des process d’additivation de composés organiques conduit à la dilution des matières minérales (cendres) par rapport à la quantité de matière organique, ce qui modifierait la perception de minéralité.
Pour l’heure, le plaidoyer pour un indice de minéralité des vins n’intéresse pas la recherche œnologique et la profession. Certains d'ailleurs préfèrent ne pas aborder le sujet au risque de désillusion... comme le soulignent et l'admettent JL Javaux et nos colistiers de LPV.
D’un point de vue analytique, le rapport cendres sur extrait sec réduit, tel qu’il est utilisé pour détecter les produits frelatés en agroalimentaire, pourrait peut-être aussi renseigner sur la qualité intrinsèque des vins.
Certains l’ont peut-être compris en proposant déjà sur le marché de l’œnologie additive des produits pour enrichir le vin en minéraux.
Mais la nature ne se laissant pas si facilement transgresser, l’ajout dans le vin de sels, si complexes soit-ils, modifient de façon trop importante ses composantes sensorielles (couleur, saveur, odeur).
Les minéraux du vin ne se comportent pas librement à l’exception d’une partie du potassium qui conditionne la conductivité du vin. Et donc, resaliniser le vin ne permet pas de résoudre les déficits de minéralité quand un vin a été trop additivé. Dieu merci ! Il faut en revenir à la viticulture, puis aux process de minéralisation que sont les fermentations.
DL