Passage au Domaine Jean Jacques Confuron
Il est 10h30 et, après avoir quitté Chambolle Musigny et le
domaine Sigaut
quelques minutes auparavant, nous arrivons à Prémeaux-Prissey pour visiter le domaine Jean Jacques Confuron lors de cette seconde journée dans le vignoble bourguignon
(pour rappel du déroulé de la première journée, voir
ici
,
ici
et
là
, ainsi que le superbe dîner
ici
).Cette année, c’est Sophie Meunier qui nous reçoit. Nous serons accompagnés d’un groupe de 6 italiens et italiennes, non prévu initialement au programme….
Le domaine d’un peu moins de 9 ha, pour une production d’environ 40000 bouteilles, est en agriculture biologique depuis quasiment la reprise du domaine par Sophie et Alain, à la fin des années 80.
Les ventes sont réparties pour 30% aux particuliers, le reste partagé entre cavistes/hôteliers/restaurateurs et export, la volonté pour ces derniers étant d’être présent partout, même en petit volume s’il le faut. Après un millésime 2018 très solaire, un millésime 2019 plus homogène et un peu plus équilibré, comment s’annonce 2020, vendangé très tôt
(à partir du 22/08), dans une année marquée par le Covid et les difficultés de recrutements de vendangeurs ?...C’est ce que nous allons voir !
Nous ne goûterons que des vins rouges
(pas forcément dans l’ordre de dégustation).
Bourgogne Cuvée Jeunesse 2020 :
Vignes touchant les Vignottes.
On a un nez lardé, sur les fruits noirs. La bouche est souple, mûre et crémeuse. Les tanins sont très fins. Ensemble paraissant assez mûr.
B
Côte de Nuits Village Les Vignottes 2020 :
1,263 ha, planté en 1972. Taille en guyot. Elevage sous bois de 15 à 18 mois, dont 35% neuf environ. 6500 bouteilles/an. Sol brun calcaire reposant sur une roche calcaire très dure, présentant de nombreuses fissures. La surface présente une mince couche d’argiles et de limons rougeâtres, témoignant d’une lente altération. Ce sont les vignes qui entourent la cuverie à Prémeaux-Prissey, juste en dessous du célèbre Clos de la Maréchale du domaine Mugnier. Les Vignottes signifie les « petites vignes ».
Nez fumé, épicé, sur la crème, le lait, la mûre, la myrtille, la menthe. La bouche est souple, marquée par la menthe, les baies noires. C’est fluide, assez dense pour ce niveau de cru. Ensemble solaire et mûr, à la texture un peu grasse, avec des tanins souples.
TB-
Nuits Saint Georges Les Fleurières 2020 :
1,23 ha, parcelles âgées de 22 à 46 ans (moyenne de 35 ans). Taille en guyot. Elevage sous bois de 15 à 18 mois, dont 30% en fûts neufs. 6500 bouteilles environ. Sol brun calcaire peu épais, riche en sables et cailloutis, reposant sur une très épaisse couche limoneuse. Vignes au sud de la ville de Nuits, sous les Pruliers. Terroir qui possédait beaucoup de fleurs (y compris provenant d’arbres fruitiers largement présents auparavant) avant la plantation de vignes.
Nez plus vineux et floral, avec des notes fruitées de framboise. La bouche est souple, assez docile et facile d’accès, assez fraîche. Pas de tanins décelables. Rond et un peu simple, mais un peu mieux défini et plus fin que les Vignottes.
TB
Nuits Saint Georges 1er Cru Les Chaboeufs 2020 :
0,18 ha planté en 1957 et 0,30 ha planté en 2012. Taille gobelet et guyot. Environ 2300 bouteilles par an. Elevage de 15 à 18 mois, dont 50% en fûts neufs environ. Sol brun calcaire profond très riche en cailloutis et cailloux. Sol rougeâtre constitué par l’accumulation d’argiles, limons, sables et cailloutis provenant de la reculée sèche qui domine la parcelle. Socle rocheux fendu verticalement, assurant un excellent draînage. Le climat des Chaboeufs se situe au sud de la commune de Nuits, à plus de 255 mètres d’altitude. La terminologie du climat pourrait provenir de propriétaires portant ce nom, dont le patronyme est connu en Côte d’Or. Il peut également se rapprocher de lieux-dits incluant le terme « Bœuf » (comme char à bœuf), en notant qu’ils désignent le plus souvent des terrains à fortes pentes.
Nez un peu réduit, sur l’œuf. La bouche est souple, aux tanins fins. On retrouve quelques légers amers. C’est assez fluide et facile. L’aromatique est un peu mâte, sur les baies noires. Ensemble assez immédiat.
TB
Nuits Saint Georges 1er Cru Aux Boudots 2020 :
0,3 ha, planté en 1950. Taille en guyot.
Production d’environ 1300 bouteilles par an. Elevage de 15 à 18 mois environ, dont 50% de fût neuf. Sol brun calcaire. Riche en limons et sables sur sa couche superficielle, le socle calcaire de nature marneuse est profondément altéré, libérant une forte quantité de limons et d’oxydes de fer de couleur ocre. Le nom de ce climat viendrait peut être du patronyme d’un ancien propriétaire du lieu, dont le nom est assez répandu localement.
Nez épicé : genièvre, girofle, menthe. La bouche est fraîche mais mûre, à la texture confortable. Il y a un joli équilibre, les tanins sont un peu gras. Ensemble long, à la belle maturité, sur les fruits noirs.
E
Chambolle Musigny 2020 :
3 parcelles constituées de Derrière le Four (0,21 ha, planté en 1964), Les Pas de Chat (0,31 ha, planté en 1956), les Condemennes (0,63 ha, planté en 1959). Taille en guyot. 30% de vendange entière. Production de 6000 bouteilles par an. Elevage de 15 à 18 mois, dont 35% en fût neuf. Les sols sont différents de par leur structure. On retrouve à chaque fois un sol brun calcaire peu épais, reposant sur une roche dure très fissurée, avec libération d’éléments métalliques tels que le fer et le manganèse pour « Derrière le Four », « Les Pas de Chats » fait apparaitre un excellent draînage, alors que « Condemennes » montre une roche calcaire qui se délite en plaquettes. « Derrière le Four » correspond probablement à la partie du village, centrale, ou se trouvait le four à pain, que les habitants pouvaient utiliser moyennant une redevance au seigneur. « Les Pas de Chats » renvoie peut être aux commentaires du Dr Lavallé en 1855, disant que les Chambolle produisaient les vins les plus délicats de la Côte de Nuits. Enfin, les « Condemennes » provient du latin « condominium », qui désigne une terre exploitée en commun, notamment au moyen-âge.
Nez fleuri, un peu réduit, avec une pointe de framboise. La bouche est souple, assez délicate, aux tanins fins, plutôt floral, mais un peu simple.
B-TB
Chambolle Musigny 1er Cru 2020 :
0,35 ha répartis de la façon suivante : 0,12 ha plantés en 1946 pour Feusselottes et 0,23 ha planté en 1964 pour Châtelots. Taille en gobelet. Production d’environ 1500 bouteilles, avec un élevage de 15 à 18 mois, dont 50% de fût neuf. Sol brun calcaire peu épais, reposant sur une épaisse couche de limons en lente altération, à la bonne porosité. A sa traversée, l’eau dissout le calcaire, qui se recristallise sous forme de sables en profondeur. « Châtelots », dérivé de « Châtelet » est peut-être le témoin d’enceintes défensives ayant existé au Moyen-Âge. Quant aux « Feusselottes », elles désignent généralement de petites fosses : peut-être un rapport avec le cimetière que ce lieu entoure ?
Nez mûr et épicé, de baies noires et de girofle. La bouche est dense, grasse, à la texture confortable et aux tanins gras. C’est plein et dense. Il y a une grosse matière épaisse et moëlleuse. Ensemble très mûr, à l’aromatique teintée de noir.
TB-E
Vosne Romanée 1er Cru Les Beaux Monts 2020 :
0,29 ha, planté en 1945. Taille en guyot. Elevage de 15 à 18 mois, dont 50% de fût neuf, 1300 bouteilles de produites. Sol brun calcaire peu épais érodé, sur roche calcaire fissurée. Sous-sol riche en oxydes de fer limoneux et en sables. Des fentes verticales assurent un excellent drainage. « Les Beaux Monts » comme leur nom l’indique sont particulièrement beaux, surtout par leur situation et leur exposition favorable à la vigne.
Nez fumé et réduit. La bouche est fraîche, un peu élevée, légèrement grasse et lactée. Moins massif que le Chambolle Musigny 1er Cru, il paraît effectivement plus élancé et précis. On retrouve une finale sur les agrumes, finissant d’allonger ce vin. Ensemble très long, dense, mais au style assez tendu et traçant.
E-
Clos Vougeot 2020 :
0,51 ha, planté en 1962. 2 parcelles de 25 ares chacunes sur le haut du Clos derrière le Château, sur la Garenne et le quartier du Marei Haut. Taille en guyot. Production d’environ 2000 bouteilles. Elevage de 15 à 18 mois dont 80 à 100% de fût neuf. Sol brun calcaire peu épais, riche en argiles et limons, reposant sur une couche de roche fissurée. Entre les deux se trouve une couche de limons fins. Bonne perméabilité grâce à quelques cailloutis et au sous-sol très drainant. Le Clos de Vougeot était le « Grand Clos » que possédaient les moines de Cîteaux à Vougeot.
Nez épicé, sur la girofle, le genièvre, le poivre blanc. On a une bouche dense, de gros volume, très graphite et profonde à cœur. Aromatique fumée, le bacon, mais aussi sur les baies noires, avec un fond d’agrumes. Le toucher de bouche est déjà très beau, même si les tanins demandent à s’arrondir. Ensemble complexe et long, de grande ampleur, il a déjà toutes les caractéristiques d’un niveau Grand Cru, vraiment top niveau.
E++
Probablement LE vin rouge du séjour.
Romanée Saint Vivant 2020 :
0,5 ha, planté en 1922. Taille en guyot. Production de 2000 bouteilles en moyenne. Elevage de 15 à 18 mois, dont 80 à 100% en fût neuf. Parcelle caractérisée par un sol homogène qui recouvre deux types de sous-sols très différents, recouverts par le même sol brun calcaire. Riche en argiles et limons, ce sol peu épais conserve une bonne porosité. Dans la partie haute de la parcelle, le sol couvre une roche calcaire dure très fissurée. Dans la partie basse, c’est une épaisse couche de marnes roses qui constitue le support. La Romanée est un lieu-dit. En 1232, une parcelle de ce lieu-dit fut donnée aux moines du prieuré de Saint Vivant par Alix de Vergy, duchesse de Bourgogne. Au XVIIIème siècle, on donna à cette parcelle le nom de Romanée Saint Vivant.
Une fois la très légère et minime réduction passée, on a un nez de myrtille, de baies noires de baies bleues, finement fumé. La bouche présente une texture superbe, crémeuse, aux tanins ultra fins. Aromatique de baies noires et de myrtille. C’est très long et dense, peut-être un peu moins volumineux que le Clos Vougeot. Ensemble traçant, très long et confortable, même s’il reste à fondre.
E++
Au total, j’ai trouvé des vins de très beau niveau, mais clairement pas sur une expression de pinot infusé. On est plutôt sur un style affirmé, gourmand, parfois un peu riche et mûr, avec des marqueurs d’élevage présents mais bien intégrés, dont j’imagine déjà des comparaisons plus tard à l’aveugle avec des cépages plus sudistes
(syrah, grenache…). La hiérarchie des crus est respectée, et se conclue par un magistral Clos Vougeot. Toutes les cuvées sont dignes d’intérêt, à la condition de bien connaitre le style de pinot noir que l’on va rencontrer, au risque d’aller vers une désillusion. Personnellement, j’aime beaucoup, ce qui permets également, à cépage identique, de diversifier le fond de cave. Par ailleurs, j’adresse un immense merci au domaine et en particulier à Sophie Meunier pour cette dégustation, mais également pour les fiches techniques fournies, qui ont permis d’étayer au maximum ce compte-rendu.
Midi: il est l'heure d'aller déjeuner avant de remonter un peu plus au nord, direction Gevrey Chambertin, à la rencontre d'une sympathique vigneronne...